L’opposition n’était pas de taille pour Jean-Ian Carré au marteau – La dislocation du Bloc de l’Est et le nouvel élargissement

FIROZ GHANTY

L’Europe des Six est une Europe de droite fondée sur l’Humanisme des Lumières, sur les acquis de la Révolution Française de 1789, les valeurs communes héritées de la culture judéo-chrétienne, la Laïcité et la Loi de 1905 de Séparation de l’Église et de l’État en France, les Droits de l’Homme, le capitalisme d’économie mixte régulé par l’État-providence, ancrés dans l’histoire de la Démocratie Représentative et la Délégation de Pouvoir, le suffrage universel et le Multipartisme. Autrement dit, la Démocratie Bourgeoise dans tous ses modèles, acceptions, variantes et formes, de la Monarchie Constitutionnelle au système présidentiel et au Parlementarisme. C’est une Europe de l’Ouest d’opposition antagoniste et de confrontation idéologique aux différentes formes de Démocraties Populaires et au communisme des pays du Bloc de l’Est. La Démocratie Populaire est un terme du vocabulaire marxiste-léniniste remplaçant celui de démocratie prolétarienne des écrits de Lénine au début de la Révolution d’Octobre de 1917. La Démocratie Populaire ou la dictature du prolétariat est un système politique, économique et social où c’est le peuple qui détient les moyens et les outils de production et exerce directement le pouvoir par un instrument central, le Parti qui a un rôle dirigeant.

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En 1972 l’Europe des Six s’élargit avec l’intégration de l’Irlande, du Danemark et du Royaume-Uni. En 1979 c’est au tour de la Grèce de faire son entrée, suivie en 1985 par l’Espagne et le Portugal et en 1994 par l’Autriche, la Finlande et la Suède. Tous ces pays de l’Europe de l’Ouest sont de la même filiation de culture politique.

Brèche

Dès son élection en 1978 à la papauté Jean-Paul II, Karol Wojtyla alimente la contestation dans une Pologne fervente et d’un catholicisme militant. En 1980 suite aux grèves, l’Accord de Gdansk est signé et le syndicat Solidarnosc, Solidarité, est créé avec Lech Walesa à sa tête. En 1989 le pluralisme syndical est rétabli, suivi par les élections multipartites. C’est une brèche dans le Bloc de l’Est. L’URSS menace, mais n’interviendra pas, comme quand en 1948 la Yougoslavie dirigée par Josip Broz, dit Tito de son nom de guerre, rompt avec l’URSS. Staline l’exclut du monde socialiste et du Kominform. L’Albanie d’Enver Hoxha rompt avec l’URSS en 1961.

Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev, Secrétaire Général du Parti Communiste de l’URSS, met en œuvre dès 1985 ses restructurations économiques, la Perestroïka, du système de Capitalisme Monopoliste d’État cédant à l’économie capitaliste en s’appuyant sur la Glasnost, transparence de la vie publique. Ces réformes détruisent l’économie soviétique de l’intérieur entraînant des inégalités sociales graves, les tensions durcissent entre l’aile conservatrice des apparatchiks du Parti Communiste, l’appareil d’état et les institutions. La pauvreté fait des ravages, le mécontentement populaire s’installe et favorise la montée des nationalismes longtemps contenus. Gorbatchev est une star en Occident, et pour cause, mais plus qu’impopulaire dans son pays. 1989 est une année fatidique pour les pays du Bloc de l’Est, novembre le Mur de Berlin tombe ; Nicolae Ceausescu, Président de la Roumanie, est renversé et exécuté suite à une manifestation des mineurs, les Gueules Noires, qui dérape en insurrection populaire, conséquence des manipulations et fausses informations diffusées par des médias occidentaux, particulièrement la chaîne française TF1 et son animateur Patrick Poivre d’Arvor ; la démocratisation à l’occidental des institutions et le pluralisme syndical sont rétablis en Pologne ; la Hongrie ouvre sa frontière avec l’Autriche, le Parti Communiste abandonne toutes références au marxisme-léninisme et à son rôle dirigeant ; en Tchécoslovaquie d’importantes manifestations contre le gouvernement poussent à la démission des principaux dirigeants, à l’abolition du rôle dirigeant du Parti Communiste, au démantèlement de la frontière fortifiée avec l’Autriche et à la formation d’un gouvernement d’entente nationale où les communistes sont minoritaires. En 1990 c’est la Réunification de l’Allemagne. Gorbatchev ne maîtrise plus rien. Et en 1991, c’est l’URSS elle-même qui se désagrège, des micro-états se forment sur une base ethno-nationaliste, de nombreux états au sein de l’Union prennent leurs indépendances. Tous les pays faisant partie de, ou associés à l’URSS par des accords et traités s’émancipent de sa tutelle, se tournent vers l’Occident, l’économie capitaliste et la Démocratie Parlementaire Bourgeoise.

L’OTAN déploie  ses tentacules

L’Occident n’a plus d’ennemis à l’Est. Après soixante-quatorze ans de propagande et de menaces la Révolution d’Octobre est renversée avec la duplicité de la Cinquième Colonne Gorbatchev, l’URSS est morte. Maintenant il faut récupérer les pays de l’ancien Bloc de l’Est, et l’OTAN déploie ses tentacules. Le nouvel élargissement commence en 2003 par le Sud avec Chypre et Malte, puis vers l’Est avec la Slovaquie, la République Tchèque, la Pologne, la Lettonie et la Hongrie ; en 2004 c’est au tour de l’Estonie et de la Slovénie ; 2005 la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie en 2012. En plus des 28, 4 états, l’Islande, le Lichtenstein, la Norvège et la Suisse, sont des états-associés, plus trois micro-états associés de facto Monaco, St. Martin et le Vatican constituant ensemble l’Espace Schengen de la libre circulation des personnes et des biens (source internet).

Ce nouvel élargissement crée des contradictions entre les nouveaux adhérents et les autres, liées aux problématiques relevant des disparités économiques et salariales, des différences d’ordre structurelles, des pratiques économiques, politiques et sociales divergentes, des différences de culture politique, de l’Histoire et de la prégnance religieuse entre autres. L’Union européenne, pour retrouver sa cohérence et sa cohésion, se devait d’absorber et d’intégrer, à marche forcée, toutes ses contradictions, même sans pouvoir toujours les résoudre; elles portaient déjà en elles les germes des problèmes extrêmes qui surgissent depuis quelques années. C’était le prix à payer pour l’Europe afin de créer une zone tampon avec la Russie appelée à se réveiller et à redevenir une puissance mondiale. L’arrivée de Vladimir Vladimirovitch Poutine à la tête de la Fédération de Russie le 31 décembre 1999 annonce ce réveil.

Malgré la période transitoire des procédures préliminaires, l’intégration à l’UE fut pour ces états une période chaotique d’adaptation aux lois, aux réglementations, à l’ouverture des frontières internes, à la mise en conformité des normes en matière industrielle et commerciale, à la disparition des barrières douanières et à l’abandon de certaines prérogatives nationales. Elle provoqua de graves dysfonctionnements de leurs ordres sociaux à cause de l’incompatibilité des superstructures des deux systèmes. Le passage brutal du collectivisme et de la planification économique au capitalisme libéral, déjà avant l’entrée dans l’UE, engendra la paupérisation de larges masses d’ouvriers, de paysans, de cadres des administrations publiques et de l’armée devenus surnuméraires. Tout cela entraîna le développement de secteurs économiques informels, une économie parallèle et souterraine, favorisant l’émergence de la mafia, de trafics de drogue, de prostitution, de trafics humains, d’armes provenant de l’arsenal militaire laissé à l’abandon, détourné, échappant à tout contrôle, etc.

Le vrai danger

vient de l’intérieur

Aujourd’hui, le vrai danger qui guette l’Europe vient de l’intérieur. L’Idée d’Europe avec le temps, s’est disloquée à cause des lourdeurs administratives et procédurières, du transfert des décisions à des technocrates, à des experts et de l’influence des lobbies, rompant les liens organiques vitaux entre les institutions, les peuples et leurs réalités particulières donnant lieu à du ressentiment, à de la colère, à la perte de la maîtrise du destin et de la souveraineté nationale. Après les décennies de progrès ininterrompus de l’après-guerre, les 30 Glorieuses ; l’Après Mai 68 en France et les avancées sociales qu’il engendra ; après la vague des décolonisations et l’entrée en scène de nouveaux acteurs sociaux et politiques, européens et mondiaux ; avec le renouveau de la Pensée et des Gauches Humanistes délivrées du stalinisme ; avec l’occupation de nouveaux espaces médiatiques, intellectuels et politiques ; avec l’arrivée au pouvoir en France de François Mitterrand et de l’Union de la Gauche, un déferlement d’espoir de voir l’avènement d’un monde différent subjugue le monde contre le libéralisme économique.

Et pourtant survint le désenchantement, parce que l’Europe ne remplit pas ses engagements et ses promesses. Des circonstances aggravantes objectives se surajoutèrent au désenchantement, les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, les élections de Margaret Thatcher, Première Ministre de 1979-1990 au Royaume-Uni, et du Président Ronald Reagan aux États-Unis de 1981 à 1989, chantres du libéralisme économique. Ils menèrent la guerre économique contre leurs peuples par des politiques donnant libre cours au capitalisme avec les privatisations, la destruction systématique des acquis et des services sociaux, le désengagement de l’État et une lutte sans merci contre la Gauche et les Syndicats. Sur le plan international ce fut le raidissement et les agressions contre les pays socialistes et progressistes, le soutien financier et militaire sans faille aux régimes dictatoriaux, fascistes et réactionnaires et les assassinats de dirigeants anti-impérialistes, fomentant des coups d’État par la CIA, etc.

À suivre: « LA TRAHISON DES SYNDICATS ET DE LA GAUCHE »

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