Luttons contre l’abus de médicaments!

NEENA RAMDENEE.

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Docteur en pharmacie de l’université de Strasbourg

MBA International des Universités Sorbonne et Dauphine

Selon la définition de l’Organisation mondiale de la Santé, « la surconsommation ou abus est lié à un usage incorrect des médicaments ». Cela concerne essentiellement les médicaments sur prescription tels que les antibiotiques, les antidépresseurs, les psychotiques, les anxiolytiques ou les médicaments en vente libre tels que les anti-inflammatoires ou anti douleurs, les antipyrétiques pour baisser la fièvre ou des sirops pour la toux à base de codéine.

Selon le code de la santé publique en France, le médicament se définit comme toute substance ou composition possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard d’une personne ou un animal malade. Le médicament est administré afin de restaurer, corriger ou modifier la fonction physiologique et aussi pour établir un diagnostic. Le médicament, un produit de consommation pas comme les autres, n’est pas sans risques et a des effets secondaires. Les médicaments en général sont soumis à des réglementations strictes.

Pour comprendre l’abus de l’utilisation des médicaments, il faut connaître les termes comme l’accoutumance, la dépendance, l’addiction, la toxicomanie et la polytoxicomanie.

L’accoutumance se rapporte à un malade qui devient de plus en plus tolérant aux doses administrées des médicaments et doit donc multiplier ou augmenter les doses pour bénéficier des mêmes effets. Souvent, il ne peut plus s’en passer. Cette accoutumance est souvent liée à des analgésiques (antidouleur), sédatifs, stimulants, tranquillisants. Par ex : l’abus de Panadol (paracétamol), certains prennent les comprimés 6 à 8 fois par jour pour les douleurs, la fièvre ou même en l’absence de fièvre. Malheureusement, l’abus de Panadol peut parfois entraîner des problèmes rénaux.

La dépendance est un état psychologique et/ou physique qui se manifeste par un besoin irrépressible, et répété, jamais réellement assouvi. La dépendance prolongée peut provoquer l’addiction.

L’addiction se manifeste par un phénomène de manque. Le sevrage peut donner lieu à la violence et l’agressivité. L’addiction est une maladie et cela se soigne. De nos jours, des médecins spécialistes, les addictologues accompagnent les malades et leurs familles et proposent des traitements adaptés. Les personnes, ayant une dépendance à l’alcool, le tabac, le jeu, le sexe et l’Internet, entre autres, peuvent aussi développer l’addiction.

La toxicomanie est l’addiction aux produits toxiques tels que les psychotropes ou autres drogues naturelles comme le Cannabis ou champignons hallucinogènes ou drogues chimiques (héroïne) ou drogues synthétiques.

La polytoxicomanie est, elle, causée par la consommation abusive de plusieurs médicaments. Elle peut aussi impliquer les médicaments mélangés avec l’alcool ou drogues naturelles/synthétiques et peut causer un dérèglement physiologique grave chez le malade et entraîner la mort !

Un autre volet de l’abus de l’utilisation des médicaments est l’automédication qui est très répandue à Maurice, bien plus que dans des pays voisins, comme La Réunion. L’aspect financier et la disponibilité des médicaments entrent en jeu. On dit bien « la santé n’a pas de prix ou la santé avant tout », donc les Mauriciens sacrifient d’autres dépenses prévues dans leur budget pour se soigner. D’autant plus que le malade est matraqué par la publicité sur des produits pharmaceutiques. Le malade n’a pas le temps et la patience pour s’asseoir une demi-journée à l’hôpital et, par ailleurs, il n’a pas confiance dans notre système de santé publique. La perception est que le système est pourri, inefficace et inefficient.

Que fait le malade ? Il demande conseil (ou on le lui donne sans qu’il le sollicite) à sa famille, aux voisins, à ses collègues et il se soigne au petit bonheur, la chance. S’il demande conseil à la pharmacie, il y a un autre problème car le pharmacien est souvent absent ou il n’y a pas d’assistants qualifiés pour le guider. Il s’agit d’un gros manquement dans notre système de santé. Certes la pharmacie est une profession commerciale mais il est du devoir du pharmacien qui est un professionnel (il a fait 4 à 5 années d’études) d’être à la hauteur de la tâche. Une prise de médicament n’est pas un acte anodin; elle dépend de l’âge, du poids du malade, et des prises simultanées de médicaments pour d’autres maladies comme le diabète, la tension, le cholestérol…

Le pharmacien est le dernier maillon de la chaîne et doit prévenir les malades des effets secondaires et donner des conseils sur les prises de médicaments. Cela pourrait éviter des abus et des erreurs.

À Maurice, certains médecins établissent des ordonnances de complaisance délivrées par des pharmaciens tout aussi complaisants.

Par exemple, la prescription médicale de « Cytotec » pour l’ulcère est déviée vers l’avortement illégal et celle de « Prégabaline » pour l’épilepsie est plus souvent utilisée pour ses effets d’ébriété et pour retarder l’éjaculation. Le « Tégrétol », un anti épileptique, se retrouve dans des drogues synthétiques, mélangé avec de l’acétone et des poudres anti-insectes, entre autres. Aussi, en vente libre dans les pharmacies, certains sirops pour la toux à base de codéine (dérivée de l’opium) sont devenus une drogue pour adolescents.

Cette pratique doit cesser. L’inspection des pharmacies du ministère de la Santé pourrait être plus efficace si les pharmacies étaient informatisées pour permettre le suivi et le contrôle de la chaîne – achats – stockage – ventes.

Pour conclure, il existe un département de pharmacovigilance à Maurice au ministère de la Santé depuis 2014. Il serait souhaitable de solliciter tous les professionnels de santé des hôpitaux, des dispensaires, des cliniques privées et des pharmacies de ville (médecins, pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes, etc) pour rapporter les cas d’abus de l’utilisation des médicaments. Le public aussi doit être encouragé à participer dans cet exercice. Les autorités auront les données pour analyser et éventuellement instaurer une politique de sensibilisation contre les méfaits de l’abus de l’utilisation des médicaments.

 

« Une prise de médicament n’est pas un acte anodin; elle dépend de l’âge, du poids du malade, et des prises simultanées de médicaments pour d’autres maladies comme le diabète, la tension, le cholestérol… « 

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