Madagascar : une grand-mère devient ingénieure solaire

Son voyage en Inde aura suscité chez elle une idée « lumineuse ». De retour chez elle, à Madagascar, Yollande Randrianambinina a décidé de se lancer dans l’entretien et la réparation de panneaux solaires.

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À 50 ans passés, Yollande n’avait jamais pris l’avion ni quitté Madagascar. Cela n’a pas empêché cette pêcheuse de partir six mois en Inde où elle a appris les bases de l’énergie solaire pour amener la lumière dans son village isolé. Le regard concentré derrière ses fines lunettes, Yollande Randrianambinina, 53 ans, teste un régulateur pour y détecter une éventuelle défaillance. « Parfois c’est difficile, ça dépend de l’importance de la panne », explique-t-elle d’une voix douce.

Cette grand-mère fait partie des quatre femmes d’Ambakivao, petit hameau malgache de pêcheurs posé sur le sable à la sortie de l’embouchure du fleuve Tsiribihina, qui entre- tiennent et réparent les panneaux solaires. Il y a encore deux ans, Yollande, comme ses voisins, s’éclairait à la lampe à pétrole. « Mes enfants avaient des problèmes respiratoires. » Avec son mari, elle dépensait entre 15 000 et 20 000 ariarys par mois (4 à 5 euros) pour s’éclairer, alors que le revenu mensuel moyen dans la région tourne autour de 300 000 ariarys (78 euros).

Quand l’Ong Fonds mondial pour la nature (WWF) de- mande en 2016 aux villageois ce dont ils manquent le plus, la réponse est unanime : « La lumière », raconte Yollande. WWF les inclut alors dans un programme développé par Barefoot college. Cette Ong indienne forme pendant six mois des villageoises venues d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique latine – essentiellement des grands- mères peu éduquées voire illettrées – à installer et entretenir des petits systèmes photovoltaïques permettant d’alimenter des lampes ou un chargeur de téléphone.

Le grand départ

Yollande se porte volontaire: « Je voulais depuis longtemps apporter quelque chose au vil- lage », justifie-t-elle, son visage rond encadré de fines boucles d’oreilles. « Toute ma famille a dit : “Il faut envoyer grand- mère” », poursuit-elle dans un sourire.

Elle se lance dans les dé- marches administratives pour obtenir un passeport, les vac- cins, et se prépare au grand départ. « Je n’ai jamais eu peur, j’avais été préparée mentalement », assure Yollande, bravache. « C’était comme partir travailler à Morondava », la capitale administrative du Menabe, une région de l’ouest de Madagascar, à 6 heures de son village en pirogue. Elle y a travaillé jusqu’à 35 ans comme épicière avant de s’installer à Ambakivao dans l’espoir d’améliorer son quotidien avec la pêche.

Au Barefoot college en Inde, les femmes apprennent à identifier les composants électro- niques via les formes et les cou- leurs pour ensuite assembler et réparer les systèmes photovoltaïques. « L’ambiance était très drôle, on se comprenait avec des gestes, et la nourriture était pensée pour des Malgaches, avec beaucoup de riz ! » dit-elle.

Yollande, qui a étudié jusqu’à 17 ans, fait partie des élèves les plus avancées. En plus de la formation en énergie solaire, le Barefoot college délivre des formations en couture, en planning familial… Pour cette grand-mère malgache, c’est une révélation : « Je pensais que seuls les hommes étaient destinés à avoir du travail et du talent, mais pendant la formation, j’ai réalisé que les femmes sont très capables », raconte-t-elle.

En Inde, Yollande a constaté aussi une plus grande entraide maris et femmes, dit-elle, même si les tâches sont désormais plus partagées même dans son village malgache : « Les femmes re- cousent les filets ou accompagnent les hommes en mer pour pêcher », souligne-t-elle. Tout n’est pas encore parfait autour de l’énergie solaire. Des habitants détournent les installations de leur usage, pour visionner par exemple des DVD, d’où des pannes. D’autres ménages peinent à payer leur cotisation mensuelle, de 3 000 ariarys (0,77 euro) à 10 000 (2,6 euros), faute de revenus réguliers ou par manque d’habitude. Ré- sultat, le comité chargé de la collecte peine parfois à faire entrer les fonds.

Mais préparer les poissons à la nuit tombée est devenu plus facile et la sécurité est revenue dans le petit village de cases, qui a subi par le passé des attaques de voleurs, dont la plus violente en 2013 a fait deux morts : trois militaires armés veillent et les lampes installées sur la maison solaire bâtie par la communauté, où sont stockés des équipements et des pièces de rechange, restent allumées toute la nuit pour décourager toute incursion.

 

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