MÉTHADONE—PATIENTS—TANN NU LAVWA: « Gayan pe fer boukou erer ! »

Silencieuse depuis juin dernier, quand le ministère de la Santé a décidé de supprimer le traitement à base de méthadone, destiné aux toxicomanes dépendant des opiacés, l’association Tann Nu Lavwa, qui réunit des anciens toxicomanes, tous traités à la méthadone, est montée au créneau. Elle dénonce « la politique d’Anil Gayan, qui met en péril nos vies » et qui « enn gran erer ! ».
« Ils étaient 6 600 patients sous méthadone jusqu’à mai dernier, avancent les membres de Tann Nu Lavwa. Pour l’heure, on ne peut en retrouver que 4 650. Où sont passés les autres ? Selon nos informations, plus d’un millier de nos amis sous méthadone sont retournés « nourrir » les requins du trafic du Brown Sugar. Et c’est très triste. » Noor Mamade Peerbocus, membre d’origine de Tann Nu Lavwa, abonde dans le même sens : « Presque 1 000 ex-toxicomanes qui suivaient leur traitement et prenaient la méthadone au quotidien ont déserté les sites de dispensation depuis plusieurs mois. La raison principale est que la qualité de la méthadone qui est fournie n’est plus la même qu’avant. » Le travailleur social et responsable de l’association élabore : « Depuis plusieurs mois, le dosage de méthadone, qui est dispensée à chaque patient, a été modifié. Il y a un mélange qui est fait et la quantité de méthadone qui devait initialement être fournie au patient a diminué. » Résultat, continue notre interlocuteur, « nombre de nos amis ex-toxicomanes n’éprouvent pas le soulagement que procure la méthadone quand elle est dispensée comme il se doit et, de fait, ils se sont tournés vers les sirops, psychotropes et autres drogues de synthèse. »
Mais le pire, confirme N. M. Peerbocus, « c’est que nous sommes tristes de constater qu’un très grand nombre de ces amis sont retournés à la case départ, c’est-à-dire recommencer à se droguer ». Il poursuit : « C’est regrettable, car ces hommes et femmes avaient recommencé à avoir une vie normale. Ils avaient retrouvé le sourire et ramené la joie dans le coeur et la vie de leurs proches, pères et mères, épouses et enfants. » Pour Tann Nu Lavwa, « les décisions qu’Anil Gayan a prises depuis le début de cette année, à commencer par la décentralisation des centres de dispensation, sont de graves erreurs qu’il commet envers nous, les patients ». De fait, estiment les membres de l’association, « c’est carrément une politique de deux poids, deux mesures » ! Ils continuent : « La méthadone a fait ses preuves, nous en sommes les exemples vivants. Quand Anil Gayan dit que ce programme est un échec, il se trompe lourdement. C’est grâce à ce médicament que nous nous en sommes sorti. Beaucoup d’anciens toxicomanes ont repris une vie normale. »
La décision d’Anil Gayan de supprimer la méthadone et la remplacer par le Suboxone et le Naltrexone suscite encore plus de colère chez Tann Nu Lavwa : « Nous, les ex-toxicomanes, nous ne sommes pas des cobayes ! Alors pourquoi venir tenter des expériences sur nous ? Pourquoi ne pas améliorer et consolider le programme de la méthadone plutôt ? » Noor M. Peerbocus souligne : « A l’étranger, nombre de pays ont accepté d’augmenter les options pour la désintoxication. Nous sommes aussi de cet avis : donnons plus d’alternatives. Mais pourquoi supprimer la méthadone pour autant ? Qu’elle soit une alternative comme la Suboxone et le Naltrexone ! »
Lors de sa rencontre avec la presse, Tann Nu Lavwa a aussi exprimé sa « tristesse que certaines Ong ne touchent plus autant, comme avant, les patients, donc nous. » Il reprend : « Nous sommes très redevables envers des Ong comme Lakaz A, le Centre Idrice Goomany (CIG) et PILS, qui ont beaucoup oeuvré pour nous, les ex-toxicomanes et les séropositifs. Cependant, elles ont toutes leurs limites : elles ne peuvent tout faire. De fait, nous aurions souhaité un sursaut pour le bien de tous. » L’association a expliqué qu’elle était « restée silencieuse » les premiers mois, lorsqu’a été annoncée la suppression de la méthadone. « Mais là, nous voyons que le ministère joue avec nos vies. On ne peut plus rester tranquilles. » Un appel a été lancé à « tous les patients qui sont sous méthadone : réunissons nos forces et prouvons au gouvernement qu’il se trompe ! ».

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