Miselaine Vurden (humoriste) : « Je ne survis plus, je vis »

Ce mois-ci, Miselaine Vurden célébrera ses 25 ans de carrière. Son humour coloré, pimenté, lui a valu une entrée dans la cour des grands à l’international. En groupe, en solo ou dans un “one-woman-show”, Miselaine se démarque. Cette année, elle récidive dans Kosé Miselaine ! Et s’attelle à la préparation de son premier Festival du rire mauricien qui sera présenté pour la première fois à Paris.

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Ses états d’âme oscillent entre bonheur et anxiété. « Je ne survis plus, je vis, car l’art dans son ensemble est compliqué quand on veut être un artiste professionnel à plein-temps », confie Miselaine Vurden. L’artiste est quand même tout heureuse de célébrer ses 25 ans de carrière. « J’ai découvert que j’avais un talent et une vocation : faire rire les gens. J’avais commencé la scène à 12 ans dans une pièce française, un petit rôle de boniche de trois minutes où je devais juste dire une phrase : “Monsieur est servi”. J’avais la tremblote et je voyais valser la cuillère, la tasse », lance-t-elle dans un grand éclat de rires.
Après ses débuts timides, Miselaine a su affiner son caractère pour devenir une femme entrepreneure qui, à la force de ses poignets, a su bâtir et consolider sa troupe Les Komiko. Elle se souvient encore de l’engouement qu’il y avait lorsqu’elle se produisait à Saint-Pierre où le billet était alors à Rs 20. « Les Komiko venaient d’être lancés avec l’idée de faire rire les gens. » De là, les pièces se sont enchaînées, des scénarios ont été écrits et plusieurs sketchs élaborés dont Pas fer dominer qui valut à Miselaine la récompense de meilleure actrice lors du festival d’art dramatique en kreol. «J’interprétais le rôle d’une femme battue et les spectateurs riaient alors que le sujet était délicat. J’ai compris alors que je tenais un créneau, l’humour. »
Miselaine crée Fami Pa Kontan, une série télévisée, croit beaucoup en son travail de fond et persévère au quotidien pour agrandir sa troupe de comédiens. Son humour devient populaire, colle à la peau et permet aux gens de se reconnaître. Elle dépeint monsieur et madame Tout-le-monde, rit même de son embonpoint qu’elle exploite sous toutes les coutures. Miselaine plaît. Tout tourne dès lors autour de cette femme aux mille facéties qui, à la moindre apparition, provoque un sentiment de bonheur auprès de son public qui la suit depuis 25 ans.
Pourtant, à maintes reprises, Miselaine s’est sentie « fatiguée » de vouloir imposer son art. « Ma mère m’avait dit de faire de l’humour un loisir, pas un métier permanent, car elle avait peur que je n’obtienne pas une source de revenus régulière. Elle vivait dans son époque à elle et moi dans mon univers. Ma tristesse est de n’avoir pas pris dès le départ ce métier à bras-le-corps alors que j’étais en pleine adolescence. Le théâtre est devenu pour moi une école de la vie et Paris m’a permis d’être à l’université de l’humour. » Miselaine se décrit comme une observatrice avec pour livre de chevet The Secret de Rhonda Byrne et L’Alchimiste de Paulo Cœlho.
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Une prise de conscience de la valeur de l’art »
« L’Alchimiste m’a permis d’être une autre Miselaine en 2004, car il m’a permis de comprendre que nous sommes les propres artisans de notre vie. Cette année, pour moi, le meilleur plan a été le spirituel. J’ai appris à grandir en ce sens. Aller à la connaissance de son moi profond à travers la méditation est plus qu’une source de bienfait, c’est un vrai rituel de bonheur. »

Miselaine a aussi exporté son talent en France, partageant la scène avec la pétillante Anne Roumanoff. Sur les planches de l’Apollo Théâtre de Paris, elle a présenté son deuxième “one-woman-show” : Miselaine Femme tropiquante, coproduite par l’humoriste et acteur français, Pascal Legitimus. Ce dernier a aussi parrainé un de ses Festivals du rire à Maurice. Habile dans tous les registres, l’humoriste a fait un carton dans un style plus contemporain dans Paradise Blues de Shenaz Patel. De 1 000 Fam à Femme Tropiquante, l’artiste complète cette année la dernière touche de son troisième “one-woman-show” qui oscillera autour de Kosé Miselaine, où elle dévoilera tout sur ses 25 ans de carrière. Dans la foulée, il y a aussi eu le long-métrage Panic qui a cartonné et en 2019, elle présentera Bénédiction, un autre long-métrage qui sera projeté prochainement dans les salles de cinéma.

Elle aurait pu jubiler, se la jouer star sur la scène comme dans la vie, mais Miselaine opte pour la carte de l’humilité, car dit-elle, le manque de discernement peut faire déraper. « Dans ce métier, il faut un peu de clairvoyance, car je suis tombée maintes fois, j’ai perdu des amis et j’ai eu surtout mal. Ma plus grande tristesse est le manque de soutien par rapport à la culture. Le ministère des Arts et de la Culture doit soutenir les artistes, il n’y a pas que des contributions financières qui comptent mais aussi la mise en place de structures adéquates. Les artistes en ont marre de se faire malmener quand ils frappent à des portes pour une aide, surtout à celles des banques qui vous montrent plein de papiers à signer comme pour vous dire que vivre de l’Art, c’est pas du sérieux. Il faut qu’il y ait une prise de conscience de la valeur de l’art et de la culture, car il y a une économie éblouissante qui peut en sortir. Il faudrait une subvention du gouvernement pour les artistes. »

L’état d’esprit de Miselaine cette année est de « vivre et non pas survivre ». Le fait d’être artiste constitue, pour elle, un grand combat de tous les jours. « Il faut pouvoir en faire son métier, ce but n’est pas encore atteint. L’évolution n’est jamais facile, il faut s’accrocher en permanence pour ne pas sombrer aux oubliettes. J’ai aussi vu beaucoup d’artistes qui manquent d’humilité, on ne réussit pas juste parce qu’on a du talent. Il y a aussi ces gens qui ont cru en vous. Moi, je suis redevable à ma famille, à mon public, aux médias et à tous ceux qui croient que l’art peut apporter une forme de révolution concrète en commençant par un changement des mentalités. On ne peut pas non plus se contenter de vivre de ses rêves. Être humoriste, ce n’est pas non plus vendre du rêve, car de nos jours, les gens ont besoin du concret, de quoi s’accrocher, se retrouver. L’humour aide dans ce sens. »

L’expression libérée de Miselaine Verdun divertit toujours. Dans le registre de l’autodérision, Miselaine est passée pro. Il y a chez elle un jeu de scène savamment orchestré, des dialogues qui font mouche et une énergie communicative qui l’amène à se moquer des travers de la société. Sa force repose sur sa communion avec son public, il y a toujours cette notion de conversation engagée dans ses scènes. Un spectateur repéré dans la salle et hop…il devient la cible préférée de Miselaine qui lui parlera à cœur ouvert. On rit de ses jeux de mots, on s’approprie ses personnages tant Miselaine reste convaincante jusqu’au bout.

En 25 ans de carrière, on croit tout savoir d’elle, mais Miselaine n’a pas encore dit son dernier mot. « Un autre Festival du rire est prévu en mai à Maurice et on jouera aussi notre premier Festival du rire mauricien à Paris. Il y aura aussi une belle surprise… car pour me scanner, il faudra des journées entières. » Sur ce jeu de mots, Miselaine ne dévoile pas toutes ses surprises pour 2019, mais promet à ses fans une année du rire des plus mémorables.

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