NÉCROLOGIE – IBRAHIM SHEIK-YOUSOUF : Des réminiscences

Après une longue maladie, éprouvante mais stoïquement endurée, Ibrahim s’est paisiblement éteint dimanche, à l’âge de 68 ans, dans son appartement de Beau-Bassin, entouré de quelques-uns de ses proches et amis.  Crinière blanche argentée, le port altier, l’élégance vestimentaire comme l’élégance dans les manières, ce natif de la Plaine Verte, qui avait du charme à en revendre et qu’on confondrait aisément avec un gentleman d’ascendance aristocratique n’a pourtant pas connu que des moments faciles lorsqu’il grandissait, comme tous les enfants de son âge, jouant au foot dans les ruelles poussiéreuses  de ce faubourg de la ville de Port-Louis. Ses origines modestes et le milieu ambiant peu stimulant dans lequel il évoluait ne l’empêchèrent pas toutefois d’avoir un parcours scolaire qu’on pourrait qualifier d’honorable.                                                                                                                                                                                                   Une fois ses études terminées, Ibrahim Sheik-Yousouf prit de l’emploi comme auxiliaire au laboratoire médical de l’hôpital Victoria avant de se rendre en Angleterre poursuivre sa formation professionnelle et obtenir son diplôme de Medical Laboratory Scientist. Reconnu comme un des meilleurs histo-pathologistes tant par ses maîtres que ses pairs – cela me fut confirmé par un des collègues mauriciens de sa promotion  –  il choisira de pratiquer pendant presque dix ans successivement au Charring Cross Hospital et au Guy’s Hospital de Londres avant de prendre de l’emploi au Corniche Hospital à Abu Dhabi et ensuite  à Muscat, au Royal Hospital du Sultanat d’Oman – un choix  professionnel qui le garda éloigné de son île natale pendant plus d’un quart de siècle.  Il rentrera définitivement au pays en 1995 car, aimait-il me rappeler, ‘mo nombril entere Maurice’; l’année suivante, il fondera son propre laboratoire à Port-Louis, le Pro-Medica Diagnostic Laboratory Service, avec plusieurs succursales à travers le pays, qu’il dirigera jusqu’à sa mort, avec la même rigueur, le même professionnalisme et la même assiduité jusqu’au bout, en dépit d’une maladie débilitante, annonciatrice d’une fin prématurée.  
Depuis son retour au pays, Ibrahim s’était beaucoup investi dans le social et il intégra plusieurs ONG. Il fut, de nombreuses années durant, président de Befrienders et contribua, avec feu le Dr Iboo Mansoor, à l’institution d’un service d’écoute destiné à ceux et celles ayant des tendances suicidaires afin de les aider à mieux gérer leur situation ou la crise par laquelle ils traversaient et leur trouver des solutions alternatives et rationnelles. Il mit en même temps ses talents d’orateur au service des Toastmasters, dont il fut également le Président. On le trouvera aussi parmi les quelques rares personnalités masculines à exprimer leur soutien actif au mouvement Women in Networking, allant même jusqu’à accepter d’être son coordonnateur national. Ibrahim était membre du Rotary Club de Port-Louis et ils étaient nombreux les Rotariens et les travailleurs sociaux qu’il avait côtoyés, à lui rendre un dernier hommage lors de ses funérailles.
Je me souviens comme si c’était hier, du jeune Ibrahim qui sortait à peine de l’adolescence lorsqu’il devint membre du Cercle Goumani de la Plaine Verte – organisation de jeunesse fondée vers le milieu des années 60 et dirigée par un trio dont je faisais partie. Parmi les activités littéraires, nous organisions alors des sessions de débats et de quiz destinées aux jeunes étudiants auxquelles il participait, et entreprenions à les initier à l’art dramatique. Il en devint très vite un mordu. Dans les pièces que nous présentions par la suite au théatre municipal de Port-Louis, Ibrahim trouvait toujours un rôle à la mesure de ses talents. Il se démarquait de nombreux autres par la discipline et la ténacité dont il faisait montre aux séances de répétition et par sa tenue de scène impeccable.
Les liens d’amitié et d’estime mutuels qui nous unissaient, cet homme attachant et moi, remontent à cette époque-là. Lundi matin, au moment de son inhumation j’ai eu le sentiment qu’un pan de notre jeunesse allait même être enseveli.   
Repose en paix Ibrahim, mon frère et ami, et que tous ceux qui te pleurent, en particulier tes enfants et les êtres qui te sont chers, trouvent ici l’expression de notre profonde sympathie et nos sincères condoléances.

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