Notre survie nécessite un changement radical de notre économie

Tout d’abord, nous prendrons connaissance des faits marquants du dernier rapport qu’a

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DAVID SAUVAGE
Rezistans ek Alternativ

émis le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies, et les placerons dans le contexte de la crise écologique. Ensuite, nous nous appesantirons sur l’aveuglement irresponsable de ceux qui nous gouvernent, et nous nous interrogerons sur le narratif prévalant. Après, nous analyserons de quelle manière le capitalisme industriel financiarisé est responsable de la dérégulation du fonctionnement de la planète, et verrons comment nos élus agissent en tant que contremaître afin de satisfaire l’avidité de certains. Enfin, nous identifierons certaines alternatives et verrons de quelle manière la jeunesse est invitée à se mettre en mouvement, de l’action individuelle à l’action collective.

Afin d’atteindre l’objectif initial, qui consiste à maintenir la hausse du réchauffement climatique sous la barre des 1,5 degrés celsius entre 2030 et 2050, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), composé de 100 scientifiques, de 1000 relecteurs, et citant plus de 6000 études, a adopté une position ferme: « Un changement rapide, profond et sans précédent de notre société est nécessaire pour éviter le pire. » [http://report.ipcc.ch/sr15/pdf/sr15_spm_final.pdf].

Il est important de rappeler que c’est dans ce contexte sans précédent, suite à la dégradation tellement conséquente de l’équilibre de la planète, que son fonctionnement s’en trouve aujourd’hui modifié. Alors que les changements seront irrémédiables, l’humanité possède une dernière chance afin d’éviter le pire.

Face à la gravité de cette situation, nous avons douze ans pour changer notre économie de manière drastique. Pourtant, les gouvernements continuent à ignorer cette crise majeure, et cela révèle l’absurdité des politiques qu’ils mènent, et à quel point elles ne sont pas dans l’intérêt général. Par exemple, dans le secteur foncier, l’accaparement des terres met en péril notre sécurité alimentaire.

Sur un autre plan, ce rapport du GIEC semble être passé sous silence dans de nombreux médias. Le cabinet des ministres a-t-il placé ce dossier comme prioritaire dans son agenda ? Au lieu de cela, des narratifs de “green-washing” détournent les citoyens des vrais enjeux de notre temps. Nous avons douze ans pour réinventer de manière profonde l’ensemble de nos activités et l’oligarchie politique et économique ne veut pas assumer ses responsabilités. C’est cela que nous appelons “le rapport de forces”, dans lequel les dominants sont confortables dans un immobilisme irresponsable. C’est bien dans un tel contexte que le service public a toute sa responsabilité; la MBC doit occuper un rôle majeur dans le débat national quant à la crise écologique au lieu de servir de jouet pour enfants gâtés.

Il nous faut encore déconstruire le système en place afin de comprendre pourquoi les acteurs principaux ont de si grandes difficultés à s’attaquer au problème. Le capitalisme industrialisé et financiarisé s’articule sur six axes:

1.Le productivisme : la création de profits passe par l’augmentation de la production;

2.L’extractivisme : l’activité est basée sur le pillage des ressources naturelles de la planète (forêts, terre, littorale, poissons, eau potable, …);

3.Le consumérisme : incitation aux crédits bancaires, obsolescence programmé, publicité;

4.La financiarisation : sur le montant total des transactions financières, un infime pourcentage concerne l’économie réelle;

5.Les énergies fossiles : le moteur de la croissance;

6.L’État contremaître : le gouvernement doit prendre en charge la salle besogne, afin que libre cours soit donné à l’exploitation et au pillage;

Concernant le dernier point ci-dessus, quelques exemples pour illustrer ce propos:

1.Le Fast Track Committee du gouvernement, et par ricochet le ministère de l’Environnement, celui du Logement et des Terres, ou encore “Landscope Mauritius” ne respecteraient pas la loi de l’Environnement, notamment concernant les procédures EIA, mais aussi les accords internationaux tels que l’article 14 (a) de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD) [https://www.cbd.int/doc/legal/cbd-en.pdf] ou encore l’article 6 (3) Convention Ramsar [https://www.ramsar.org/sites/default/files/documents/library/scan_certified_e.pdf] portant sur l’exigence “wise use of Wetlands and their fauna and flora”, en vue d’assouvir certains interêts privés aux Salines de Rivière-Noire.

2.L’Economic Development Board (EDB), dont la dernière trouvaille était tout simplement la vente de la nationalité mauricienne aux plus fortunés de ce monde;

3.Le ministre de l’Océan, qui s’affaire à permettre l’accaparement de l’océan par des intérêts privés, et cela est de même pour de nombreux ministères.

Il n’y a aucune raison de penser que ce système prendra l’intérêt commun en considération lorsqu’il tentera d’aborder la crise climatique, tout simplement parce qu’il ne le fait déjà pas.

À quoi bon changer de manière profonde notre société puisqu’un petit État insulaire comme Maurice n’a que très peu d’impact sur le réchauffement climatique ?

Tout d’abord, l’objectif de limiter la hausse du réchauffement climatique à 1,5 degrés et non pas de 2 degrés dans les accords de Paris revient à la pression exercée par les petits États insulaires, qui seraient trop mis à mal si la limite de la hausse du réchauffement climatique avait été mise à 2 degrés. De ce fait, il est crucial que les États insulaires se mobilisent afin de maintenir la pression sur les pays les plus industrialisés.

Maurice serait ainsi une source d’inspiration pour initier la transition écologique. C’est justement parce que nous sommes un petit pays que nous pouvons être plus agiles que d’autres pour faire évoluer notre législation et nos mentalités.

Propositions d’alternative

Le fondement des alternatives repose sur notre humanité, qui nous invite à être ambitieux et raisonnés pour faire face à cette crise majeure. Au niveau politique, des propositions d’alternative sont entre autres:

1.La mise en place de l’Environmentally Sensitive Area (ESA) Act. Elle nous permettrait de protéger nos trésors vivants qui, eux-mêmes, nous protègent des effets du changement climatique, nous rendent des services inestimables, et maintiennent la richesse de la biodiversité dans nos territoires [https://esabillnow.org];

2.L’inscription des droits de la Nature dans notre Constitution, afin que nous soyons pleinement capables d’assumer notre responsabilité de gardien de la nature;

3.Mettre notre économie au service d’une île Maurice, où il fait bon vivre, notamment avec la planification écologique. Pour cela, de multiples outils existent tels que l’incitation fiscale;

4.L’énergie considérée comme un bien commun, produite par le peuple pour le peuple;

5.L’État doit être davantage démocratisé. Il est essentiel que le peuple ait plus de pouvoir afin d’éviter que les élus ne servent des intérêts privés;

6.Dans l’océan, nous pouvons faire de nos eaux un lieu protégé pour la biodiversité marine, tout en invitant nos artisans pêcheurs à interagir de manière raisonnée avec elle.

Quel signal aurait la déclaration de la ZEE de Maurice comme lieu protégé pour la biodiversité marine ?

7.Dans le tourisme, nous pourrions accueillir les citoyens du monde qui possèdent les compétences pour nous aider à effectuer notre transition écologique. Un tourisme à taille humaine, inclusif et durable serait ainsi doublement bénéfique à notre transition écologique;

8.Concernant la politique de gestion des terres, alors que nous en avons déjà pour dix ans de réserve en villas de luxe, il faut mettre en place un programme de sécurité alimentaire régionale, avec des repas bio et gratuits pour les enfants d’écoles, et des logements décents pour les jeunes;

9.Dans l’éducation, donner plus de place au développement de l’esprit critique, de la créativité, de la philosophie, de l’art. Enseigner les métiers qui nous aideront à faire face aux défis climatiques, et soutenir tous ceux qui le souhaitent à poursuivre des études tout en étant en activités.

Au niveau individuel

1.Alors que certains jeunes sont exclus et subissent ce qu’il y a de pire dans ce système, comment ne pas comprendre leur frustration et leur dégoût pour la politique ? Comment pourraient-ils alors canaliser cette énergie de manière constructive ?

2.D’autres jeunes sont convaincus qu’ils pourront très bientôt toucher le succès, et choisissent de rentrer dans les rangs du conformisme, quitte à sacrifier leur élan de solidarité. Comment ne pas comprendre leur envie de réussir suite à tous leurs sacrifices ? Comment pourraient-ils alors s’engager sans sacrifier leur réussite personnelle ?

3.D’autres jeunes disposent déjà de tout le confort disponible, et ne perçoivent pas les inégalités. Serait-ce alors par la fameuse prise de conscience dont parlait un certain Karl Marx, issu lui aussi de la bourgeoisie ? Mais comment pourraient-ils alors être moteurs d’un changement aussi radical à la hauteur de l’appel des scientifiques du GIEC tout en évitant le piège de devenir des marionnettes de l’oligarchie ?

Aujourd’hui, l’ensemble du peuple mauricien est invité à contribuer à la concrétisation de la nation mauricienne, pour un enjeu majeur pour l’humanité entière, entre autres à travers ces quatre activités politiques:

1.S’engager dans l’expérimentation d’alternatives, parce que le système dans lequel nous sommes est responsable de cette crise;

2.S’engager dans les organisations syndicales, parce que la finalité du travail c’est une île Maurice où il fait bon vivre pour tous;

3.S’engager dans les contestations, parce que ceux qui gouvernent ne doivent jamais oublier qu’ils sont uniquement au service du peuple;

4.S’engager dans un parti politique, parce que peu importe par quel bout on prendra le problème, à la fin, les lois se votent au parlement, malgré tout le dégoût pour la chose politique qui a été tellement salie.

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