PARADISE PAPERS LEAKS—Réforme de l’offshore mauricien: l’ICIJ sceptique

Comme annoncé depuis dimanche, l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) a publié hier soir une compilation de ses découvertes relatives à l’île Maurice dans le cadre des Paradise Papers. Le texte Tax haven Mauritius’s rise comes at the rest of Africa’s expense, signé par le reporter de l’ICIJ Will Fitzgibbon, a ainsi été publié sur le site officiel du consortium de journalistes d’investigation.
L’article met en avant trois principales analyses : 1) des fichiers du bureau d’Appleby à Maurice révèlent des stratagèmes complexes et des sociétés écrans, 2) les gestionnaires du Sovereign Fund angolais ont utilisé Maurice et d’autres paradis fiscaux pour transférer des millions de dollars en honoraires et dividendes, et 3) des accords fiscaux controversés signés entre Maurice et des pays d’Afrique peuvent aider les entreprises à réduire les taux d’imposition.
Les critiques restent néanmoins sceptiques sur les efforts de Maurice de réformer la plateforme des services financiers. L’article met en avant le fait que le pays a rejeté les principaux éléments du traité mondial anti-évasion fiscale, y compris un amendement qui aurait permis aux pays africains de percevoir plus d’impôts lorsque les entreprises achètent et vendent des terres par le biais de sociétés mauriciennes. En effet, Maurice a, selon Will Fitzgibbon, choisi de renégocier certains accords de double imposition, en particulier ceux conclus avec d’autres pays africains, sur une base individuelle plutôt que par le biais du traité mondial.
Selon le Fonds monétaire international (FMI), ce système mondial a permis aux entreprises de transférer de 100 à 300 milliards de dollars de recettes fiscales par an en provenance de pays en développement, selon un ensemble de systèmes et d’entreprises complexes.
Les e-mails, les applications de compte bancaire, les présentations PowerPoint sur l’évasion fiscale et d’autres documents confidentiels publiés dans le cadre des Paradise Papers Leaks, démontrent les opérations encourues par la firme Appleby à Maurice. « L’importance surprenante de Maurice, une nation insulaire avec une population multiethnique de 1,3 million d’habitants, en tant que plaque tournante du réseau financier extraterritorial et secret, qui permet aux entreprises légitimes et modestes de prospérer, mais aussi aux riches et aux entreprises rentables d’échapper aux impôts » est soulignée par le reporter de l’ICIJ.
Quantum Global Group de Jean-Claude Bastos
Le Sovereign Wealth Fund angolais gère 5 milliards de dollars américains pour un pays où, malgré sa richesse pétrolière considérable, une personne sur trois vit dans la pauvreté et où la corruption parmi les élites gouvernementales est perçue comme généralisée. Son président, José Filomeno dos Santos, a été nommé par son père, alors président de l’Angola, José Eduardo dos Santos, qui a dirigé le pays de 1979 à cette année. La nomination par Dos Santos de Jean-Claude Bastos, un ami personnel, pour gérer le fonds — qui comprenait des milliards de dollars réservés à l’investissement en Afrique et qui utiliseraient des entreprises à Maurice – avait attiré l’attention des journalistes, rappelle l’article de l’ICIJ.
Les Paradise Papers démontrent que le bureau d’Appleby à Maurice a classé Bastos comme un « client à risque » mais a quand même fait avancer avec ses nouvelles affaires. Dans une lettre accompagnant la demande de licence de Quantum Global, le bureau d’Appleby à Maurice a déclaré aux régulateurs qu’il avait « fait toutes les demandes raisonnables » concernant Bastos, Quantum Global et leurs projets de gestion de l’argent angolais.
L’île Maurice a également fourni un paradis fiscal pour les frais substantiels que le fonds angolais a payé à l’opération de Bastos. Les états financiers de QG Investments Africa Management Ltd, selon les documents dont l’ICIJ est en possession, montrent qu’elle a perçu 63,2 millions de dollars de frais de gestion en 2015, dont 21,9 millions ont été envoyés à une société de Quantum Global en Suisse.
Pacific Andes Resources Development Ltd
Depuis le début des années 2000, des experts, des organisations internationales et des tribunaux ont rapporté que Pacific Andes exploitait un réseau de pêche illégale dans l’océan Pacifique. Selon un rapport publié en 2002 par des membres de l’industrie de la pêche, Pacific Andes utilisait des bateaux non autorisés pour pêcher du poisson près de l’Antarctique « à une échelle jamais vue auparavant ». Pacific Andes a toutefois nié les actes répréhensibles. L’entreprise a déclaré à l’ICIJ qu’elle améliorait les contrôles internes afin de se conformer aux exigences de durabilité et de santé.
En 2012, Appleby a aidé Pacific Andes, basée aux Bermudes, à créer une filiale à Maurice. La nouvelle société, Brandberg (Mauritius) Investment Holdings Ltd, a reçu un certificat fiscal délivré par le gouvernement la même année qui permettrait à la société de bénéficier de la convention de double imposition des deux pays. En vertu du traité, l’entreprise pourrait potentiellement réduire de moitié les paiements d’impôts. Pacific Andes a mené une grande partie de ses activités à Maurice et en Namibie par l’intermédiaire d’une filiale dans les îles Caïmans, China Fishery Group Ltd.
Des fichiers du bureau d’Appleby à Maurice et des documents judiciaires obtenus par ICIJ montrent que Pacific Andes a utilisé plusieurs sociétés offshore, dont une entreprise mauricienne — Brandberg, qui n’avait pas d’employés — pour imputer les taxes et les paiements de la Namibie à des impôts bas. En août 2013, par exemple, une entreprise des îles Vierges britanniques a loué un bateau de pêche à Brandberg, à l’île Maurice, pour 31 700 dollars par jour. Brandberg a ensuite affrété le bateau, nommé Sheriff, à Atlantic Pacific Fishing en Namibie.
Le reporter Will Fitzgibbon écrit néanmoins que Maurice a pris des mesures pour réformer son secteur offshore. Pour décourager l’utilisation abusive des sociétés offshore, les autorités, dit-il, ont introduit des exigences selon lesquelles les entreprises devraient devenir plus actives à Maurice — ce qui impliquerait d’avoir des employés et des board meetings et que le pays a signé un traité mondial anti-évasion fiscale et a accepté de revoir la moitié de ses accords de non-double imposition.

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