PATRIMOINE : L’avenir des Salines de Tamarin en question

Cela fait maintenant une semaine que la pétition Preserve Tamarin Salt Fields circule sur les réseaux sociaux pour sensibiliser la population au sort des Salines de Tamarin. La famille de Ravel, propriétaire de ce lieu faisant partie du paysage de la côte ouest, envisage d’y construire un centre commercial avec aire de stationnement et un projet résidentiel, recouvrant 70 % de la surface actuellement dédiée à la fabrication de sel. L’arrivée de sel importé sur le marché mauricien ayant mis leur entreprise en grande difficulté, c’est avec l’accord des actionnaires et après avoir acquis tous les permis nécessaires qu’ils souhaitent aller de l’avant avec ce projet. Cependant, des défenseurs du patrimoine, Percy Yip Tong en tête, espèrent trouver une alternative pour préserver cette partie du patrimoine mauricien…
La pétition de l’association SOS Salines a recueilli plus de 6 300 signatures  et la mobilisation se poursuit sur les réseaux sociaux. Percy Yip Tong, habitant de Tamarin, souhaite tout d’abord « calmer les radicaux » qui ne sont pas tout à fait au courant des tenants et aboutissants de ce projet. « La semaine dernière, en 48 heures, la pétition a obtenu au moins 5 000 signatures alors que la plupart ne connaissaient pas les motifs ayant généré une telle décision ». L’association SOS Salines n’existant que depuis une semaine, c’est en étroite collaboration avec SOS Patrimoine en Péril qu’une plateforme a été créée pour tenter de préserver le site. Une intervention gouvernementale est sollicitée afin de geler le projet mis en place par Marc de Ravel, soit un espace commercial et une aire de stationnement occupant 10 % des salines et 60 % du terrain consacré à un projet résidentiel. Les 30 % du site des salines seront conservés, voire améliorés.
Ce projet reflète le dépit de Marc de Ravel pour l’avenir de son entreprise, qui serait en difficulté depuis que le gouvernement a autorisé l’importation de sel sur le marché mauricien. Depuis 2000, l’industrie locale connaîtrait de grandes difficultés suite aux recommandations de la Food Act concernant la production de sel raffiné. « En 2012, nous étions sur le point de fermer boutique, mais on a essayé de tenir bon malgré les difficultés », déclare Marc de Ravel. Aujourd’hui, c’est « avec le coeur gros » qu’il se dit dans l’obligation de sacrifier une partie de l’héritage de ses parents pour s’en sortir financièrement. « C’est mon devoir vis-à-vis des actionnaires », fait-il ressortir.
Souhaitant « démystifier une situation ironique », Marc de Ravel explique que Les Salines ne ferment pas et qu’elles ne sont pas un vestige historique, mais se trouvent sur des terres privées. « Les Salines de la famille de Ravel datent de 1955 et ont grandi au fil des années. En 2012, l’entreprise familiale a connu beaucoup de difficultés et nous avons fait comprendre au gouvernement que nous ne pouvions faire face à la compétition ». Le gouvernement leur aurait alors fait la promesse de réinstituer des permis d’importation pour ne pas tuer le marché local, mais entre-temps l’importation n’a cessé de progresser, accentuant les difficultés de la compagnie. Des plans d’action aléatoires ont été mis sur pied pour diversifier les activités, notamment la vente de fleur de sel, le musée La Route du Sel et la fabrication de sel pour piscine, mais n’ont pas porté leurs fruits. Les actionnaires ont alors proposé de fermer boutique ou de réduire la surface des salines, la deuxième option l’ayant emporté.
Respecter le site patrimonial
« Cette activité est ancrée dans notre ADN. Nos parents ont travaillé dur pour faire des Salines ce qu’elles sont aujourd’hui. Nous essayons de trouver les moyens pour continuer les opérations. C’est pour cela que nous allons conserver une partie de ce site, car nous sommes très conscients de l’aspect patrimonial. Il ne faut toutefois pas oublier que ces Salines sont d’abord un patrimoine familial », déclare Marc de Ravel. Il fait également ressortir que la devanture devrait rester la même. « Nous essayons de respecter au maximum ce lieu qui a de la valeur aux yeux de beaucoup ». Concernant les employés, ils obtiendraient une priorité en termes de nouvelles embauches. « J’ai parlé à mes employés, qui sont très concernés par la situation. Une fois nos plans mis en oeuvre, nous aurons besoin de main-d’oeuvre et mes employés auront la priorité. Ils auront droit aux formations nécessaires ».
De son côté, Percy Yip Tong dit ne pas vouloir s’attaquer aux promoteurs, mais plutôt ouvrir le dialogue et travailler sur des alternatives. « L’Outline Planning Permission a déjà été accordée aux promoteurs par le Conseil de District de Rivière-Noire. Le combat que mènent à présent SOS Patrimoine en Péril et SOS Salines est d’empêcher qu’il y ait un permis de construction ». Avant l’octroi d’un tel permis, le Conseil de District doit recevoir l’aval du National Heritage Fund. Les ministères des Arts et de la Culture, du Commerce, et du Tourisme ont également été contactés. « Cette lutte touche toutes les communautés. Beaucoup de personnes de différentes régions, et pas seulement de Maurice se joignent à nous », soutient Percy Yip Tong. Le porte-parole de SOS Salines souhaite d’ailleurs que plus de Mauriciens se rendent au musée La Route du Sel mis sur pied par la famille de Ravel et qu’il bénéficie d’une subvention de l’État.
« Le gouvernement actuel parle de promouvoir les produits bio, mais fait importer le sel de l’air pollué de Chine alors que les Salines de Tamarin offrent un produit artisanal ». Pour Percy Yip Tong, il est important que le gouvernement pense à préserver l’emploi dans ce domaine et vienne en aide aux PME en difficulté. « Le gouvernement doit prendre des décisions durables. Ce sont nos enfants qui hériteront de ce que nous laissons derrière et c’est pourquoi nous devons prendre des décisions constructives », dit-il.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -