Philippe Hao Thyn Voon (Président du COM) : « Je ne compte couvrir personne »

Cette saison 2018 pourrait être qualifiée de celle des contrastes. D’un côté, la médaille d’or historique décrochée par le kayakiste Terence Saramandif aux Jeux Olympiques de la Jeunesse. De l’autre, des scandales liées aux frasques de quelques dirigeants sportifs. Ce dernier sujet inquiète Philippe Hao Thyn Voon, président du Comité Olympique Mauricien (COM). S’il assure ne vouloir couvrir personne et que tout coupable devra payer sa sentence, il se demande si les prochains candidats aux élections de l’organisme olympique ne devraient pas produire un certificat de moralité. La préparation des prochains Jeux des îles et le choix du prochain pays organisateur ont également été abordés au cours de cet entretien réalisé mardi dernier.

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Philippe Hao Thyn Voon, le point culminant de cette saison sportive 2018 aura été sans conteste la médaille d’or historique décrochée par Terence Saramandif aux Jeux Olympiques de la Jeunesse. On vous a senti particulièrement ému et heureux lors des différentes fonctions concernant cet exploit, surtout lors de sa visite à Maurice.

En effet, je n’avais pu retenir mes larmes en apprenant la nouvelle de la consécration de Terence. Il est dommage que je n’ai pu assister à sa performance à Buenos-Aires. C’est un véritable exploit qui a rejailli selon moi sur toute l’Afrique. Je suis d’autant plus heureux, car j’ai même reçu des félicitations du président du Comité International Olympique. Nous avons certainement marqué des points. L’inclusion du canoë-kayak au sein du circuit sportif mauricien, décriée par certains, se trouve être ma conception. J’ai d’ailleurs encouru des dépenses personnelles énormes pour notre affiliation au niveau international. Aujourd’hui, Terence m’a donné raison et je suis encore plus frappé par son sens du patriotisme. J’ai également des mots d’appréciation concernant la prestation de Margaux Koenig, médaillée de bronze en sports équestres lors de cette manifestation.

Terence et son père ont évoqué plusieurs projets pour la promotion du canoë-kayak à Maurice ? Estimez-vous qu’ils seront réalisables ?

Il fallait bien commencer quelque part, et nous avons pu bénéficier de la venue d’un expert sud-africain, suite aux démarches effectuées auprès de la Confédération africaine. J’ai été heureux de constater que trois des douze stagiaires étaient présents lors du point de presse tenu lundi dernier à Port Chambly. Nous avons désormais un site d’entraînement à Pointe aux Sables et il existe déjà une pépinière. Les propositions émises par Terence et son père sont à mon avis réalisables, et il nous faudra maintenant effectuer un travail de détection. C’est maintenant le vrai départ du canoë-kayak à Maurice.

Mis à part son sens du patriotisme, quelles qualités vous auront frappé chez Terence Saramandif ?

Un athlète exceptionnel, doté d’une grande générosité. Son désir de venir à Maurice pour permettre l’épanouissement de cette discipline m’a frappé.Il faut que les autres sportifs mauriciens se servent de lui comme exemple. Je salue également le travail de son père qui se trouve être l’homme derrière son succès et celui du secrétaire administratif du COM, Nundkishore Fakun, qui s’est dévoué pour que Terence soit enregistré en vue des Jeux d’Afrique de la Jeunesse.

Evoquons maintenant un des aspects négatifs de cette saison. Soit le cas d’attouchements allégués lors des Jeux du Commonwealth. Beaucoup a été dit sur ce sujet, mais comment expliquez-vous ce virage de 180% dans les relations entre Kaysee Teeroovengadum et vous ?

J’avais confiance en lui, car il était à la hauteur en tant que secrétaire administratif du COM. Il paraissait sincère dans ce qu’il entreprenait et à mon égard. Toutefois, j’ai graduellement compris qu’il avait un agenda caché. Sans doute voulait il me succèder à la présidence. Ses actions allaient me mettre au bord du précipice et c’est moi qui allais tout endosser. De ce fait, j’ai pris mes distances de lui.

S’il est blanchi dans cette affaire, pourra-t-il effectuer un retour au sein du COM ?

C’est le comité qui décidera, car je ne peux tout prendre sur mes épaules. Je peux toutefois avancer le fait qu’il a reçu son salaire normalement en tant que secrétaire administratif, malgré sa suspension. Le dernier sera pour ce mois de décembre. Après le verdict, nous aviserons.

Suite à ce problème, vous aviez évoqué l’éventualité d’une enquête interne. Où en est la situation ?

C’est encore d’actualité. J’ai sincèrement envie d’aller de l’avant avec cette enquête interne. Les faits sont là, d’autant que l’image du COM a été sérieusement ternie.

Le rapport sur les luminaires volés à Gold Coast concernant Poorun Bhollah et le rapport accablant à l’encontre de Raj Gaya ont également terni l’image du sport mauricien. Comment réagissez-vous face à ces deux autres problèmes ?

C’est vraiment navrant d’avoir des brebis galeuses au sein d’une famille. A mon niveau, je ne compte couvrir personne. Tout coupable devra payer sa sentence.

Quelle suite comptez-vous donner à l’affaire Poorun Bhollah ?

J’ai évoqué le cas au niveau du Ministère de la Jeunesse et des Sports. Il est possible que le cas soit référé au Registrar of Associations pour d’éventuelles sanctions.

Le COM est aussi intervenu dans l’affaire de malversation financière alléguée impliquant Raj Gaya, ancien secretaire général de la Confération africaine de badminton (BCA) et ancien membre de la Badminton World Federation (BWF) . Il a été banni à vie de toutes les instances du badminton. Comment avez-vous suivi ce cas?

Je suis cette affaire depuis le tout début, surtout quand la BCA avait envoyé des documents y relatifs. C’est une affaire que je considère très grave et je crois même que c’est le plus gros scandale du sport mauricien. Et maintenant, Raj Gaya clame son innocence et se dit être victime de la BWF. Un membre de la BCA m’a demandé de mener une enquête. C’est un dossier volumineux et en même temps l’ex-président de l’AMB, Bashir Mungroo, m’a contacté pour m’avouer que Raj Gaya a pris l’argent qui revient de droit aux sportifs. J’ai alors alerté la BWF qui m’a informé qu’elle viendra mener une enquête à Maurice. Alors j’ai demandé à Raj Gaya de se mettre en retrait en tant que 2e vice-président du COM.
Avant cela, il y a environ une année, j’ai moi-même été témoin d’une scéne où la badiste Kate Foo Kune demandait à Raj Gaya pourquoi il avait pris son argent. Elle n’avait obtenu qu’une somme de Rs 100 000 au lieu de Rs 500 000, contrairement aux autres badistes faisant partie du projet Road to Rio 2016. Raj Gaya lui a rétorqué qu’il ne l’avait jamais fait.

Pourquoi le COM s’est-il adressé à la BWF au lieu d’interroger en premier lieu l’AMB?
Le COM n’a pas eu besoin de le faire vu que c’est l’ex-président de l’AMB lui-même qui nous en avait parlé en premier.

Mais toujours est-il que depuis l’éclatement du scandale de Gold Coast, le COM ait joué plutôt profil bas dans l’affaire Gaya?

L’enquête de la BWF était déjà en cours. D’ailleurs j’ai reçu une lettre de cette instance qui m’a remercié de mon aide et de ma collaboration. Nous avons suivi toutes les procédures. La BWF a compilé son dossier et a condamné Raj Gaya. Toutefois, ce dernier a déclaré qu’il compte faire appel devant la justice en Malaisie. Et pourquoi ne porte-t-il pas l’affaire devant la justice mauricienne ici plutôt que là-bas? Il pourrait le faire ici pour commencer.

Durant sa défense, Raj Gaya a aussi démontré à la presse avec preuves à l’appui qu’il avait versé au moins une fois, soit en mars 2016, une somme de Rs 75 000 (environ US 3100 dollars) sur le compte bancaire de Kate Foo Kune. Ce qui est déjà plus conséquent que les US 1100 dollars que la badiste a déclaré avait obtenu?

Elle a peut-être pu avoir obtenu plus que la somme qu’elle a déclaré, mais jamais entre Rs 500 000 à Rs 700 000 comme les autres badistes. Où est passé cet argent? Je connais aussi un autre cas, notamment la participation des badistes aux Universiades et pour laquelle la BCA avait déjà payé les billets d’avion des joueurs mauriciens. Mais les parents de ces derniers ont eu à payer également pour les billets. Pourquoi? J’ajoute à cela des primes de matches qui ont également disparu.

Ne pensez-vous pas que les joueurs tant étrangers que mauriciens auraient réagi vigoureusement s’ils n’avaient pas obtenu leurs primes?

J’ai appris que des joueurs étrangers qui étaient déjà partis auraient demandé à d’autres joueurs de récupérer leur primes. Cependant, Raj Gaya a réfusé parce que les joueurs étaient déjà partis.

On sait aussi que l’AMB avait mené à la requête de la BWF, une enquête interne pour faire la lumière sur ce même cas, outre l’enquête que la BWF avait initiée et celle menée par l’ICAC. Or, le rapport de l’enquête interne déposé le 13 mai 2017, n’a révélé aucune preuve de malversation financière impliquant Raj Gaya et la BCA. Pourquoi selon vous, la BWF n’a pas tenu compte de cet élément dans son rapport?

Je ne suis pas au courant de l’existence de cette enquête interne.

Pourtant la presse en a fait état ?

Je ne suis pas au courant.

Les deux enquêteurs, qui avaient été dépêchés à Maurice en décembre 2016 et janvier 2017, ont également déclaré dans leur rapport qu’ils n’ont pu enregistrer l’audition de Raj Gaya vu que leur appareil audio était défecteux au moment où ce dernier était intérrogé. Trouvez-vous qu’ils aient agi de manière professionnelle dans leur enquête?
Aucune idée, mais je sais que l’un des deux enquêteurs est un ancien policier de Scotland Yard.

Vu tous ces événements négatifs, envisagez-vous une alternative afin d’avoir des dirigeants plus propres au sein d’un mouvement olympique ?

Il n’est pas exclu que les candidats devront produire un certificat de moralité lors de nos prochaines élections. Cela devra être inclus dans nos statuts. Il faut également que les querelles internes cessent au sein des fédérations, car tout est entrepris afin que nous remportons le maximum de médailles d’or aux Jeux des îles l’année prochaine.

Ce cas de certificat de moralité nous amène vers la situation de Stephan Buckland. Estimez-vous qu’il doit impérativement produire ce document afin d’obtenir son allocation ?

Je me pose des questions à ce sujet. Pourquoi refuse-t-il de produire ce document ? Pourquoi résiste-t-il à ce point ? A mon avis, il doit produire ce certificat de moralité comme tous les autres bénéficiaires. De plus, je considère qu’il n’a pas le droit de nous critiquer, car il a démissionné de son propre gré du COM en tant que représentant des athlètes.

Venons-en maintenant à l’événement phare de la saison prochaine, à savoir les Jeux des îles. Pensez-vous que nous serons à la hauteur au niveau organisationel ?

Je suis certainement confiant que nous pourrons organiser des Jeux cinq étoiles l’année prochaine, comme l’a si souvent déclaré le ministre Toussaint. A mon avis, toutes les infrastructures seront prêtes dans les délais prévus. La piscine Serge Alfred est en rénovation et celle qui est en construction à Côte d’Or est en matière préfabriquée, selon une nouvelle technologie qui se fait un peu partout en Europe. Si tel n’est pas le cas, il existe le plan B, et c’est donc rassurant. Reste que je demeure confiant, car le gouvernement met le paquet au niveau de l’organisation.

Et quid des résultats purement sportifs ?

Nous avons certainement des chances de terminer à la première place. Toutefois, à mon avis, notre point faible demeure la natation qui de surcroît est pourvoyeuse d’un grand nombre de médailles d’or. Comme à l’accoutumée, les Réunionnais seront nos principaux adversaires, du fait qu’ils s’entraînent en France et qu’ils côtoient ainsi le haut niveau.

En février prochain, on devrait être fixé quant au pays organisateur des prochains Jeux. Qu’en est-il des postulants ?

J’ai rencontré le président et le secrétaire général du comité olympique des Maldives lors de la session du Comité International Olympique au Japon. Ils m’ont fait part de leur intérêt, mais ont évoqué une organisation avec des disciplines réduites, soit huit. Or, nos statuts prévoient un minimum de dix disciplines. Si Mayotte a officiellement annoncé son retrait, les Comores sont toujours dans la course. Toutefois, si leur stade sera prêt, je me pose des questions au niveau de la piscine.

Vous avez évoqué au cours de cette année que cette dixième édition des JIOI pourrait être la dernière. Maintenez-vous ce point de vue ?

Je garde toujours espoir qu’un pays se manifeste au cours de la prochaine réunion du Conseil International des Jeux en février prochain. Si tel n’est pas le cas, ce sera extrêmement malheureux. D’autant que ces Jeux s’avèrent être forts importants pour la région.

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