Plage de Pomponette : les avis divergents des habitants face au projet hôtelier

L’ouverture prévue pour 2020 du projet hôtelier « Pelongi Resort Pomponette » fait débat. Entre les promoteurs et les organismes de protection de l’environnement, comme l’association AKNL, mais aussi entre les habitants des villages alentour de la plage de Pomponette.

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« On ne reconnaît plus le paysage », estime une ancienne habitante de Chemin-Grenier, qui a souhaité rester anonyme. Cette  quinquagénaire qui se rend depuis des années à la plage de Pomponette critique la pratique du gouvernement qui bétonne le littoral. « Il ne cesse de voler les plages en permettant ces projets », dit la femme à la carrure forte. Une situation qu’elle juge insupportable. « La beauté de l’île est détruite avec ces hôtels, mais aussi avec les Smart Cities et le Metro Express, qui va tout décimer sur son passage. »Des projets de développement qui, selon elle, ne contribueraient même pas à un réel développement économique. « Les touristes eux aussi, n’ont finalement plus qu’un accès restreint aux plages. La plupart sont déçus, et risquent de ne pas revenir. » À l’évocation du projet hôtelier de la plage de Pomponette, elle trouve que « ça devient dégoutant ». Le sentiment de voir les Mauriciens abandonnés au profit des touristes la révulse. « Les Mauriciens ne peuvent se permettre d’aller à l’hôtel. Et ceux qui sont en bas de l’échelle ne pourront pas non plus profiter du développement des Smart cities, dont le prix est inaccessible », soupire la résidente de Port-Louis. « La vie devient de plus en plus dure ici ».

Pour les habitants qui viennent se détendre à la mer, mais aussi pour ceux qui vivent de ses ressources, le projet peut représenter une réelle menace. Pêcheur amateur, Ludovic vient sur cette plage depuis qu’il est enfant, et redoute que les futures activités nautiques affectent la faune de la baie. « Le nombre de gros poissons a déjà diminué, et avec tous les bateaux, il n’y en aura encore moins », regrette tristement le trentenaire. Pour lui, l’argument selon lequel l’hôtel créera des emplois ne justifie pas l’acceptation du projet. Et puis, « très peu d’emplois seront créés pour les habitants », estime le jeune homme, avant d’ajouter qu’il préférerait que l’hôtel soit construit« plus loin de la plage ». « Les plages disparaissent et de gros bâtiments apparaissent. Tout va trop vite », dit-il.

Mais ce projet hôtelier ne préoccupe pas tous les habitants de la localité de la même manière. À l’image de Prem, âgé de 77 ans, pour qui la construction du complexe représente une source d’emploi qu’elle ne peut qu’être désirée. « Normalement ce sont les habitants des alentours qui devraient être employés par l’hôtel. Le taux de chômage est grave, alors si on peut donner un emploi à quelques personnes c’est bien. » L’ancien professeur d’anglais et de mathématiques l’admet, la mer est le passe-temps principal des habitants des villages du sud du pays. « Aucune autre activité n’est proposée, il n’y a pas de grand complexe sportif ou autre, alors on vient à la mer le dimanche et lors des congés publics ». Pour autant, une éventuelle réduction de l’espace de la plage ne lui pose pas problème. « Si on nous prenait toutes les plages là, ça sera grave. » Mais la nécessité d’une augmentation du nombre d’hôtels sur le littoral lui parait évidente. « On fait une telle publicité pour attirer les touristes, qu’ils finissent par venir en nombre, donc il faut ensuite savoir augmenter le nombre d’hôtels ». Et cette partie de l’île étant « sous-développée par rapport au Nord », cette perspective de développement sera la bienvenue. Pour lui, les symboles de Maurice demeureront présents du moment qu’il sera toujours possible pour un touriste curieux de venir découvrir les coutumes locales. « Il faudra toujours pouvoir aller dans les petits villages, dans les chaumières, pour voir comment on vit ». Au-delà de la menace d’un passage d’un paysage naturel côtier à un paysage entièrement urbain, c’est donc bien une coupure définitive entre le tourisme et la réalité mauricienne que le retraité redoute le plus. « Si on enlève tout ça, ce sera bien triste ».

Pour un pêcheur vivant à Surinam, s’opposer au projet serait une vaine tentative :  « La décision a déjà été prise. On peut ne pas être d’accord et continuer de manifester, mais le projet se concrétisera quand même. » Donner son avis n’a pas  non plus d’importance. Assis les pieds dans l’eau, un vieux pêcheur du dimanche, qui vient « casser une pause à Saint-Felix quand sa case est trop chaude », a lui aussi décidé de ne plus se préoccuper de ce projet, ni des autres. « S’il n’y a plus de place à la mer, alors j’irai à la rivière », déclare-t-il en s’efforçant de sourire.


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