PLANTES MÉDICINALES: La famille Mootoosamy Quatre générations à l’écoute de la nature

Une pincée de feuilles séchées de Bois de ronde ajoutée à la racine de Collier et à celle de la bravate (embrevade) pour le traitement de la pierre, ou encore l’Orthosiphon ajouté aux feuilles d’artichaut et la Fandamane pour le traitement du foie… Les plantes, source curative de la nature, s’avèrent efficaces dans bien des domaines… Si, à Maurice, les herboristeries ne courent pas les rues, on en trouve quand même deux des plus connus qui commercialisent des plantes médicinales: l’un au marché de Rose-Hill et l’autre au marché central à Port-Louis. Impossible de quitter les lieux sans écouter les conseils de ces deux cousins qui composent leurs recettes selon des secrets de famille bien gardés. Nous irons à la rencontre de Jay Mootoosamy, 52 ans, qui tient la plus vieille herboristerie au marché de la capitale, avant de nous rendre chez lui à Quatre-Bornes où il confectionne ses tisanes de grand-mère à partir d’une cinquantaine de plantes cueillies sur les montagnes et les forêts. Celui-ci est tombé dans les plantes lorsqu’il était petit. Car, chez les Mootoosamy, il s’agit d’un savoir-faire transmis depuis des générations de père en fils.
Les anciens s’en souviennent encore de ces recettes qui apportaient tant de soulagement aux maux quotidiens: le thym pour soigner les bronches, le “poc-poc” pour les problèmes dermatologiques, le “4 épingles” pour traiter l’eczéma, le baume du pérou pour la grippe chez les enfants, le baume île plate pour la toux ou des problèmes bronchiques. Ces herbes médicinales aux appéllations pittoresques ont toujours été des cadeaux de la nature pour notre bien-être.
Savez-vous que la tisane pour le pancréas est élaborée à partir du Bois cassant, manglier et herbe Flacq ? le plantain, le boileau pour la conjonctivite ? Au marché central, derrière les étagères garnies de feuilles séchées et où sont plantées des étiquettes sur lesquelles sont écrits les noms des différentes pathologies que peut traiter sa cinquantaine de plantes, l’herboriste Jay Mootoosamy renseigne les clients. Il finit toujours par trouver un remède pour chacun d’eux. Ce matin-là, il prodiguera des conseils alimentaires à un homme venu le voir pour des problèmes de calculs: «Il faudra éviter les produits laitiers pendant tout le traitement», dit-il. À ceux souffrant de diabète, il recommande « d’éviter le gras » durant le traitement. « Je donne des conseils en fonction de leur pathologie », dit-il tout en précisant ne pas se substituer au médecin. L’herboriste effectue ses mélanges pour 28 jours de cure. Vingt-huit, parce que « les anciens avaient pour habitude de prescrire une cure de 28 jours qui représente le cycle lunaire. La cueillette se faisait toujours en milieu naturel et à la veille de la naissance de la lune. Car le suc des plantes est beaucoup plus concentré. Le traitement prend fin le dernier jour du cycle lunaire ».
Le poc-poc pour les problèmes dermatologiques, l’herbe de boue pour les spasmes et les coliques, la villebague pour les problèmes urinaires, et rénaux, le bigaignon sauvage et le marron pour les problèmes d’albumine… Aujourd’hui, l’engouement pour la phytothérapie (traitement à base de plantes) séduit de plus en plus de Mauriciens, ainsi que les touristes venant faire leurs achats au marché de la capitale. Ils sont nombreux à vouloir savoir plus ou à recourir aux plantes médicinales, à chercher des moyens alternatifs pour se soigner ou à titre préventif. « Certains viennent pour trouver un remède pour le diabète, d’autres, en hiver, pour les problèmes d’asthme. Mais il y a aussi d’autres plantes qui ont aussi du succès. « Le craze en ce moment, c’est la detox », dit-il. Ses clients sont pour la plupart des inconditionnels de la tisane, mais pas que. « Il y a aussi beaucoup de jeunes, surtout ceux dont les parents ou grand-parents consomment eux-mêmes des tisanes. Puis, je compte aussi parmi mes clients de nombreux médecins », observe-t-il.
Prudence
À Maurice, beaucoup sont tentés par l’automédication naturelle: utiliser du jus de noni pour une longue cure par exemple. « Il faut faire attention à la durée de la cure. Le jus de noni pressé est beaucoup trop concentré pour une longue cure », fait-il obderver. L’herboriste maîtrise les bienfaits, mais aussi les méfaits de sa cinquantaine de plantes. Les plantes, bien qu’elles soient bénéfiques, peuvent aussi être toxiques. La même plante, utilisée de manière différente, peut avoir des effets inverses. Jay Mootoosamy cite la “Saponerre”, appelé la Pervenche de Madagascar. « La saponerre, qu’on utilise couramment contre la fièvre, peut être très dangereux si elle est mal utilisé. Nous travaillons avec plusieurs plantes et ne recommandons pas aux gens de faire eux-mêmes des mélanges. Il est très important de bien connaître les dosages et les associations des plantes », insiste cet homme qui compte plus de 25 ans d’expérience dans ce domaine.
Par ailleurs, chez les plus sceptiques, la provenance des plantes suscite parfois des craintes. À cela, l’herboriste répond : « Nous avons quand même une réputation de quatre générations. Les anciens avaient une notion de l’herboristerie à travers les livres, ou à travers la découverte des plantes en Inde et à Maurice. C’est comme ça que la connaissance s’est transmise », dit-il.
Des plantes et?des plantes partout
Dans le garage de sa maison, rue Cossigny, à Quatre-Bornes, des feuilles d’artichaut sont suspendues à une corde. Tandis qu’à l’étage de sa charmante maison, lieu de séchage et de stockage, flotte des senteurs de tisanes de toutes sortes. L’herbe de bouc (pour les spasmes et les coliques), la villebague (pour les problèmes urinaires et les reins), l’artichaut (pour l’hépatite), les 4 épingles (pour l’hypertension), Bois cassant, herbe flacq, ravinal… y compris celles qui poussent dans le jardin de son habitation, dont les 4 épingles, la baume du pérou, le baume ile plate sont étalées sur des étagères pour être séchées à l’abri de l’humidité. En tout, une cinquantaine de variétés de plantes sont collectées par ses fournisseurs qui les cueillent sur les montagnes, dans les bois où l’on peut pratiquer la cueillette sauvage.
Jay se réveille chaque jour à 4 heures pour préparer ses tisanes et être au marché vers 5h30, 6 heures. Ses plantes, dit-il, sont pour la plupart cultivées à l’état sauvage. Sauf certaines autres qui poussent chez lui comme l’ayapana (contre la digestion), la citronnelle (contre la grippe), la verveine(pour le sommeil), l’orthosiphon(pour le foie), les 4 épingles (l’eczéma). Mais toujours loin de la pollution.
Chez les Mootoosamy, on en connaît un rayon sur les plantes. Ils sont mêmes herboristes depuis quatre générations. Jay, formé durant un an à la pharmacie intermédiaire, a appris de son père, son grand-père de son arrière grand-père. Car, tout a commencé avec l’arrière grand-père venu de la grande péninsule au début du 20e siècle. À cette époque, il procède lui-même à la cueillette des plantes et parcourt les villages pour les vendre. Le savoir-faire se transmet ensuite à son grand-père mort en 1969 à l’âge de 70 ans. Animé de la même passion, son père Shummoogum, âgé aujourd’hui de 81 ans, soignera à son tour aussi naturellement. À l’âge de 7 ans, Jay accompagne son père au marché central, l’observe, l’aide avant de prendre plus tard le relais. « Durant les vacances scolaires, pendant que mes amis jouaient, mon frère et moi nous devions nous rendre au marché pour apprendre les vertus de chaque plante afin d’apprendre à préparer les mélanges », raconte-t-il.
Tombé en désuétude
Au fur et à mesure qu’il grandit, Jay s’intéresse de plus en plus aux usages traditionnels des plantes et formé en pharmacie, il élargit ses connaissances. Pendant 10 ans, soit de 1982 à 1992, il est technicien en pharmacie après avoir fait des études en pharmacie intermédiaire.
Mais dans les années 1970/80, il fit l’observation que la médecine par les plantes tombait en désuétude. « Les gens recherchaient une guérison rapide. Pourtant, nous avons connu une période où la tendance était les passes et où les gens recouraient à la médecine traditionnelle. Toutefois, dans les années 70, 80, plus de gens allaient vers la médecine allopathique. » À cette époque, les principaux motifs de consultation étaient liés entre autres à la grippe, l’asthme, les inflammations. « Le détox n’était pas encore connue », dit-il.
Aujourd’hui, bien que la relève familialle ne soit pas assurée pour perpétuer la tradition, les deux filles de Jay ayant d’autres aspirations, l’une exerçant dans le domaine informatique, l’autre entamant bientôt des études universitaires, l’herboristerie a-t-elle encore de beaux jours devant elle ?

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