PNQ : Bérenger décortique le projet Heritage City

Pendant une demi-heure, le leader de l’opposition, Paul Bérenger, a soumis le ministre des Services financiers Roshi Bhadain à un feu roulant d’interpellations supplémentaires sur le projet Heritage City, nécessitant des investissements de l’ordre de Rs 30 milliards. Ce projet – qui verra le transfert du siège de l’Assemblée nationale, du Prime Minister’s Office et de six autres ministères de Port-Louis à Ébène, à côté du Bagatelle Dam – s’inscrit dans un développement d’aménagement du territoire majeur, avec également un volet immobilier privé de Rs 30 milliards, sans compter la construction d’un centre de convention internationale de USD 50 millions, soit un total de USD 800 millions de dollars pour l’ensemble du projet. Le ministre Bhadain a pris l’engagement de faire démarrer le projet dans les limites imparties, les travaux démarrant au plus tard en août prochain.
Tout au long des échanges, Paul Bérenger a passé au “scan” politique les différents aspects du projet, allant du choix des consultants pour la conception de ce développement aux risques sur le plan de la spéculation foncière, sans oublier la dimension géologique du site vu le précédent avec le Bagatelle Dam, qui se situe à côté du site identifié pour accueillir Heritage City. On notera que les échanges se sont déroulés dans un “mood” très cool, même si le leader de l’opposition n’a pas manqué de faire état de ses interrogations en ce qui concerne les répercussions de ces investissements sur le plan de l’endettement, le Fonds monétaire international veillant au grain avec l’échéance de 2018 en vue.
Pour sa part, le ministre des Services financiers s’est voulu rassurant en faisant état d’un montage financier novateur pour trouver la première tranche de USD 375 millions (Rs 30 milliards) pour la partie du projet consacrée au secteur public ou encore la formule de Vente en Etat Futur d’Achèvement (VEFA) pour la partie immobilière du privé. Pour la tranche initiale de Rs 30 milliards, il a annoncé des négociations avec un consortium de quatre banques pour un “syndicated loan”, trois banques étant déjà consentantes pour au moins de Rs 2 milliards alors que la décision de la quatrième banque est  attendue pour compléter ce deal.
L’Arabie saoudite et l’Inde ont été approchées pour participer à l’émission de “cumulative redeemable shares” de USD 292 millions. Roshi Bhadain a fait état d’un accord de principe de ces deux Etats pour leur participation dans cette émission d’obligations. Mais il s’est gardé de révéler les termes et conditions de cette affaire pour des raisons de confidentialité. Il se fait fort de déclarer que le démarrage du projet Heritage City à Bagatelle donnera un coup de pouce au secteur de la construction, qui en a bien besoin dans la conjoncture, et devra pouvoir mettre en orbite le deuxième miracle économique. Il s’est aventuré à souligner que les travaux du projet Heritage City devront « doper » la croissance économique, soit de 0,8% en 2017, de 0,9% en 2018, de 0,4% en 2019 et de 0,3% en 2020.
Lors de sa réponse liminaire, le ministre des Services financiers n’a pas manqué d’égratigner le précédent gouvernement travailliste pour avoir « lourdement endetté » le pays, au point où la marge de manoeuvre sur ce plan est quasi inexistante, et de « n’avoir rien fait » en termes d’aménagement du territoire au cours de ces dix dernières années. L’absence du ministre des Affaires étrangères, Vishnu Luchmeenaraidoo, lors des échanges sur la PNQ, avec Roshi Bhadain « in the leading role » face aux interpellations de Paul Bérenger, était plus qu’évidente.
“Government to Government agreement”
Bérenger : Le ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance peut-il obtenir de la State Land Development Co Ltd et de Heritage City Ltd les informations suivantes, à savoir si un consultant a été recruté pour préparer le schéma directeur (Master Plan) de l’Highlands Projet, y compris le projet Heritage City, si une étude de faisabilité a été entreprise, si l’EIA Licence a été obtenue, si la firme Stree Consulting de Dubayy a été nommée, pour le design du projet sans avoir recours à un exercice d’appel d’offres que de révéler les termes de cette nomination; si des contracteurs ont été préqualifiés, et les dernières propositions de financement ?
Roshi Bhadain : Le projet Heritage remonte à 2003 lorsqu’un Master Plan a été préparé pour le développement de 920 hectares à Highlands. Un appel d’offres a été lancé pour la sélection d’un designer. Entre 2008 et 2014, il ne s’est pas passé grand-chose. En 2015, l’actuel gouvernement devait reconsidérer l’Heritage Project. Le 9 octobre 2015, le gouvernement a décidé que mon ministère serait responsable de la réalisation de ce projet sur un terrain de 336 arpents sis à Minissy, du côté gauche de Bagatelle. Cela devrait se faire dans un laps de temps de cinq ans à compter de 2016. L’objectif du gouvernement est de créer un développement intégral dans un concept “work, live and play” incluant des étudiants et des familles, entre autres. Le projet Heritage City représente l’esprit public, la communauté locale et comprendra la construction d’un nouveau bâtiment iconique qui abritera le Parlement avec une infrastructure “e-government”, un nouveau centre de convention national, des appartements moyen et haut de gamme.
La State Land Development Company Ltd a lancé un appel d’offres le 2 octobre 2015. Dans cette invitation, 11 propositions sont venues de l’étranger.
Il s’agit d’un “government to government agreement”. L’innovation dans le mode de financement, c’est que le projet implique une participation minimale. C’est un projet qui créera de la valeur.
Ce projet contribuera à booster le PIB. Une hausse de 0,9% est attendue en 2018. Le projet aura pour avantage aussi de réduire le ratio de la dette dans le secteur public. Le gouvernement précédent a laissé un bilan tel qu’aujourd’hui, il est presque impossible d’emprunter davantage. Ce projet boostera le secteur de la construction sans puiser dans les fonds publics. Après quelque temps, ces bâtiments appartiendront au gouvernement. Cela créera un nouvel environnement pour le secteur public, qui pourra livrer un service de qualité. Le projet est en harmonie avec la vision du gouvernement, qui est de créer un deuxième miracle économique.
Bérenger : J’ai entendu le ministre des Services financiers dire que la firme de consultants LuxConsult a été choisie pour le projet de Highlands et de l’Heritage City. Puis-je savoir quand est intervenue cette nomination ?
Bhadain : Les procédures de sélection relèvent de la State Land Development Company Ltd. I don’t have the exact date. Mais si je comprends bien, cela doit être récemment.
Bérenger : Le ministre a évoqué le coût de ce projet. Puis-je savoir d’où provient cette évaluation ?
Bhadain : Il y a toute une équipe d’experts ayant travaillé sur ce projet. Il y a également la firme BDO, qui est engagée dans cet exercice. Nous avons tenu en ligne de compte le coût de construction sur le plan international pour ce genre de travaux. Quelque 375 millions pour la partie publique du projet et USD 375 millions de dollars sous forme de VEFA pour la partie immobilière, revenant au privé.
Pas le même site ?de 2003
Bérenger : En ce qui concerne l’EIA, c’est toujours la firme LuxConsult qui s’en occupera. Mais je voudrais savoir comment et qui a décidé du site pour accueillir les immeubles de l’Heritage City. Ce choix a été fait sur la base de quels conseils ? D’autant plus que des problèmes de sécurité peuvent surgir si l’on se réfère aux précédentes difficultés avec l’exécution du projet de Bagatelle Dam.
Bhadain : Les procédures pour l’EIA Licence suivront leur cours avec les consultants engagés. Il ne faut pas oublier qu’il y a eu des études qui ont été faites entre 2003 et 2008. Le projet Highlands devait être sur le site couvrant une superficie de 2 179 arpents, soit 920 hectares, situé à gauche et également à droite du Bagatelle Dam. Par contre, l’Heritage City sera construite sur une superficie de 350 arpents à gauche du Bagatelle Dam. C’est le site qui avait été initialement identifié pour accueillir la Police Academy.
Bérenger : Précisément. Ce n’est pas le même site de 2003. Il y a eu le problème avec le site de Bagatelle Dam ?
Bhadain : Des tests géotechniques sont actuellement menés sur le site. La SLDC s’occupe de ces aspects des travaux. Actuellement, nous sommes dans l’attente des conclusions des tests techniques. I don’t know of any specific reason why it should not be suitable.
Bérenger : Venons-en au cas de Stree Consulting de Dubayy. Ce choix n’a pas été sanctionné par un exercice d’appel d’offres vu qu’il s’agit d’un accord de gouvernement à gouvernement. D’abord, puis-je obtenir confirmation de quel gouvernement il s’agit ? Nous avons d’un côté le gouvernement de Maurice, mais qui est l’autre ? Dubayy ou les Émirats Arabes Unis ?
Bhadain : It’s Dubayy. J’ai fait partie de la délégation, dirigée par le Premier ministre, qui s’y était rendu pour des négociations. Nous avons rencontré des membres du gouvernement de ce pays et ils ont accepté de nous accorder l’assistance nécessaire pour la réalisation du projet. Il y a eu des exercices de “due diligence” et le projet a été présenté au High Powered Committee conformément aux dispositions de la loi sur le partenariat public et privé. Il y a même eu un exercice de “due diligence” de nature légale par une firme spécialisée. Tous les documents ont été soumis au High Powered Committee, qui a pris deux jours pour tout éplucher et tout analyser. Ils ont réclamé des compléments d’informations et ont soumis des questions additionnelles sur le projet avant de donner le feu vert au projet Heritage City.
Aucune trace de cette firme
Bérenger : J’ai entendu, avec surprise, le ministre parler la bouche pleine de Stree Consulting de Dubayy. Mais je dois constater qu’il n’y a aucune trace de cette firme de consultants sur internet. Aucun détail n’est disponible.
Bhadain : Mais il y a une personne (Le ministre cite un nom arabe, assez difficile à orthographier, de la galerie de la presse). Il est un spécialiste en la matière. Son palmarès comprend la Palm Island, le Jhumeira, les Petronas Towers en Malaisie, la New World Trade Tower aux Etats-Unis. He has a wealth of experience in the field…
Bérenger : A-t-il pris connaissance des protestations de l’association mauricienne des architectes contre le fait que ses membres ont été tenus à l’écart de ce projet ?
Bhadain : Le leader de l’opposition fait allusion à quelle lettre ?
Bhadain : A une lettre en date du 25 mars de l’association des architectes protestant contre le fait qu’ils ont été mis à l’écart. Ils dénoncent que « proper procedures were not followed »…
Bhadain : We cannot say proper procedures were not followed. Nous avons suivi à la lettre les procédures. Il y a eu des exercices de “due diligence” et le High Powered Committee engagé. Proper procedures were folowed…
Bérenger : Le ministre a fait état de “fees” ne dépassant pas USD 4,3 millions… ce qui représente une somme conséquente. Mais qui a décidé de ce montant et comment en est-on arrivé là ?
Bhadain : Tout cela est basé sur des propositions et la Letter of Engagement soumise au High Powered Committee. La première mission de cette instance est de confirmer que “there is value for money”. Le High Powered Committee comprend le secrétaire au Cabinet, du secrétaire financier et le Solicitor General. Ils sont arrivés à la conclusion que “there is value for money, especially for this type of development”. Heritage is not only going to be a jewel for Mauritius, but also a jewel for Africa. La lettre de l’association des architectes avait été adressée à la SLDC…
Bérenger : It has addressed to you. Il y a des copies également au Premier ministre et au ministre des Finances. Au chapitre des préqualifications, le ministre a parlé de 18 firmes. Combien de compagnies mauriciennes dans la liste ?
Bhadain : I believe they are all local firms. Pourquoi ? Parce que les appels de candidatures ont été publiés dans la presse locale. À moins que… (Le ministre reçoit des compléments d’informations de ses officiers) The majority are local firms… Il y a trois firmes étrangères.
Bérenger : Les noms des firmes ?
Bhadain : Je peux faire déposer la liste sur la table de l’Assemblée nationale.
Bérenger : Il a parlé du début des travaux pour le mois d’août. Maintient-il cette échéance ?
Bhadain : This is a challenge. Nous allons tout faire pour le relever.
À ce stade, le député du Labour, Mohamed Osman, intervient pour parler des loyers à Port-Louis et à Ébène, et les répercussions. Alors que le ministre était occupé à donner des explications, le chef de file du PTr, Shakeel Mohamed, devait tout simplement lâcher « Samem Xavier ine voyage ine alle », comme pour laisser entendre que le Deputy Prime Minister ne serait pas d’accord avec ce projet. Pour sa part, le député du MMM Adil Ameer Meea tente d’intervenir avec une question supplémentaire. Manque de chance pour lui : la Speaker de l’Assemblée a déjà demandé à Paul Bérenger de formuler l’ultime question. La réaction d’Ameer Meea se fera sonore : « Li nek kozer mem. Li pe kouillonn dimoun. »
Bérenger : Le ministre des Services financiers se fait fort pour dire que des fonds publics ne seront pas engloutis dans ce projet. Mais quelles garanties peut-il donner que tel ne sera pas le cas avec le “syndicated loan” du consortium des banques ? Ou encore avec l’émission de “cumulative redeemable shares” avec la garantie du gouvernement par rapport à l’Inde et l’Arabie saoudite. Puis il y a la dimension de la spéculation avec le volet de projet immobilier. Who is going to take that risk ? Il n’y a pas trop longtemps de cela, l’échec du projet Le Merritt, à Saint-Jean…
Bhadain : This appears to be another PNQ. Le Merritt is a bad model. Il y a des initiatives de la FSC et ce projet de l’Heritage City, je l’ai dit, concerne des étudiants, des professionnels, des familles et des fonctionnaires. This is risk free. Government is not giving guarantees. C’est un projet de gouvernement à gouvernement. Preferences shares are in the form of equity. Ce sont des dettes…
Bérenger : We will see with the IMF…
Bhadain : Je donne l’assurance que ce n’est pas le cas. Nous en avons discuté avec le FMI.

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