POLITIQUE ET AFFAIRISME : Sobrinho hante la State House

L’ombre d’Alvaro Sobrinho continue à hanter la State House. Six semaines depuis les révélations de Week-End au sujet des dessous de l’octroi d’une Investment Banking Licence à l’ASA Group, sujette à des enquêtes internationales pour des crimes à col blanc, une guerre d’e-mails, dont la teneur est des plus compromettantes dans un camp comme dans l’autre, a éclaté. Définitivement, l’une des premières victimes de ce règlement de comptes sur le plan politique demeure la présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim. Avec ces derniers développements dans cette saga, la présidente de la République, qui était au cours de la semaine dernière à Harvard, aux Etats-Unis, se présente incontestablement avec un Watching Brief pour faire avancer les démarches engagées auprès de la Financial Services Commission par le milliardaire controversé angolais avec résidence en Suisse. En parallèle, un autre match se joue sur l’échiquier politique avec l’Hôtel du gouvernement engagé dans une offensive à l’encontre de l’ancien ministre des Services financiers et de la Bonne Gouvernance, Roshi Bhadain, dans cette même affaire. Celui-ci ne se laisse pas faire en envoyant l’ancien vice-président de la Financial Services Commission et ex-Adviser, Akilesh Deerpalsingh, au premier plan, avec pour cible nulle autre personnalité que le chef de l’Etat. Mais après les informations qui ont émergé dans le domaine public, il est clair, depuis le mois de mai 2015, que le principal mobile de la présence d’Alvaro Sobrinho était « purely of a business nature » avec une couche de vernis philanthropique en vue de masquer des écarts financiers du passé. Le document, intitulé « Innovative Financial Models to Invest in Africa », qui a fait l’objet d’une présentation conjointe d’Alvaro Sobrinho et de Mauricio Fernandes, Chief Executive Officer de Planet Earth Institute le 6 août 2015, en témoigne.
L’étalage des messages électroniques pour la période de mai à août 2015 entre les principaux protagonistes de la State House Connection a eu pour effet de mettre la présidente de la République en situation encore plus difficile et compromettante. Certes, dans un passé récent, il y a eu l’affaire du Directorship d’Ameenah Gurib-Fakim au sein de Planet Earth Institute, classée par le gouvernement comme du bénévolat. Toutefois, les derniers détails au sujet de ses interventions en faveur des entités de l’ASA Group auprès de la Financial Services Commission mettent davantage de pressions sur la présidente de la République pour des explications au sujet de son Watching Brief des affaires d’Alvaro Sobrinho.
Le scénario le plus plausible est qu’à son retour de son nouveau déplacement à Harvard aux Etats-Unis, Ameenah Gurib-Fakim se décide de s’expliquer, démarche qu’elle avait promise au leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, lors de leur dernière rencontre à la State House, mais qui n’a pas été concrétisée. Depuis, elle s’est entourée d’une ceinture de sécurité, comprenant des éléments de la VIPSU, par rapport à la presse pour éviter d’être confrontée aux faits inéluctables de cette affaire.
Le dernier coup d’Akilesh Deerpalsingh, ancien vice-président de la Financial Services Commission et proche de l’ancien ministre Bhadain, accule la présidente de la République à un point où certains à l’Hôtel du gouvernement s’interrogent déjà au sujet du soutien accordé à la locataire de la State House. Depuis ces derniers jours, les partis d’opposition, toutes tendances confondues, se sont mis à réclamer le départ d’Ameenah Gurib-Fakim pour maintenir un minimum de décorum à la State House.
Aspiré dans le volet des échanges d’e-mails, Akilesh Deepalsingh a tenu à remettre en perspective la séquence des événements autour des Global Business Licences sollicitées par l’ASA Group. D’emblée, l’ancien vice-président de la FSC révèle que dans un premier temps, « la présidente de la République, qui est aussi connectée à Planet Earth Institure (PEI), m’avait contacté pour une rencontre avec Mauricio Fernandes », un des proches collaborateurs d’Alvaro Sobrinho. Mauricio Fernandes avait été présenté comme faisant partie d’un groupe d’investisseurs potentiels intéressés dans différents secteurs à Maurice.
« En août 2015, la présidente de la République m’a téléphoné… »
« En août 2015, la présidente de la République m’a téléphoné et Mauricio Fernandes m’a envoyé des courriels pour s’enquérir du statut des applications qu’il avait soumises à la FSC et j’ai répondu que c’est  a Commission qui allait revenir vers lui », poursuit Akilesh Deerpalsingh, qui s’appesantit sur le fait que « je n’ai jamais été partie prenante de la décision de la FSC à ce sujet. D’ailleurs, les courriels démontrent clairement que j’étais tenu informé de l’évolution des dossiers uniquement ».
Outre le fait que l’Office of the President of the Republic s’était permis également d’appeler le même jour le QG de la FSC pour assurer le suivi, un message e-mail rédigé et transmis par Ameenah Gurib-Fakim à 20 h 11 ce même jeudi 27 août 2015 démontre l’intérêt quasi direct de la présidente de la République dans les démarches du groupe Alvaro Sobrinho pour obtenir les licences réclamées de la FSC. Tout semble indiquer que la présidente de la République suivait les mails de Mauricio Fernandes en « blind copy ».
Dans le message électronique de 20 h 11 du 27 août 2015, Ameenah Gurub-Fakim avait écrit à l’intention du vice-président de la République: « Dear Akilesh, THANK YOU for having facilitated the process ! Kind regards to the Minister », avant d’ajouter : « Mauricio: I am happy that there is a happy dénouement ; All the very best in S. Korea and my best regard to Alvaro and PEI of course. » Cet intérêt suivi pour les Global Business Licences de l’ASA Group constitue une preuve additionnelle de cette State House Connection de ce groupe.
La première salve d’e-mails au cours de la période couvrant mai à août 2015 retrace les intentions d’affaires de l’ASA Group, avec un premier en date du 5 mai 2015 adressé au Permanent Secretary du ministère de la Technologie, de la Communication et de l’Innovation, D. Phokeer, au sujet d’un « Concept Paper linking banking with investment in innovation and technology ». Cet e-mail fait suite à une précédente séance de travail se déroulant il y a une semaine.
Le Chief Executive Officer de Planet Earth Institute soutient plus loin, à l’intention du chef de Cabinet du ministère, que « once you are happy to, we would then be delighted to move on with the formal presentation to the Honourable Minister (à cette époque Pravind Jugnuath) (and the Governor of the Bank of Mauritius if appropriate) with Dr Sobrinho, later this month ». Dès le départ, le multimilliardaire portugais avait jeté son dévolu sur une présence opérationnelle dans le secteur bancaire, qui s’est heurtée à un « No Way » de la Banque de Maurice, selon des sources bien informées.
Toutefois, un changement d’acteur ministériel avait été rendu nécessaire avec le jugement de la Cour intermédiaire dans l’affaire MedPoint le 30 juin 2015. Le dossier de la présentation du 6 août 2015 est traité par Roshi Bhadain, qui s’était vu attribuer le portefeuille ministériel sous la responsabilité de Pravind Jugnauth avant sa démission « to clear his name on appeal at the Supreme Court ».
Le 9 juillet 2015, l’Office of the Permanent Secretary, Ministry of Technology, Communication and Innovation propose par voie de message électronique à Mauricio Fernandes quatre dates, soit les 3, 4, 5 et 6 août pour la présentation au 13e étage de la SICOM Tower, Wall Street, Ebène, par Alvaro Sobrinho. Le mail d’invitation du 4 août 2015 note que« I am directed to invite you to attend a presentation on Innovative Financial Model to Invest in Africa under the chairmanship of Honourable Minister Bhadain ».
« Pressions subtiles »
Les détails de la présentation de ce plan d’action d’investissements du 6 août 2015 dessinent les contours des ambitions d’affaires d’Alvaro Sobrinho. ASA Group mise sur un premier permis de la FSC pour opérer ASA Fund dès octobre 2015, puis une Banking Licence pour l’ASA Bank à partir de mai 2016. « Following the first five years of operations, ASA Holding and both established sub-corporations will be profitable businesses, and the group will be able to build the portfolio and expand the new sectors within the strategy – ASA Fisheries, ASA Energies, ASA Telecommunications », avance le document.
Certains diront que cette présentation atteste de l’approche Business-Minded d’Alvaro Sobrinho, ou encore comme l’a souligné le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, lors des échanges sur la PNQ de mardi, que « this gentleman has seen Mauritius as a soft target, and has used the subterfuge of  charity to enter the highest echelons of the State to launder his money and ruin the reputation of Mauritius, which is already being done at the moment as we speak ».
Entre le 6 août 2015 et le 27 août de la même année, les procédures en vue d’octroyer des permis à ASA Group sont passées à l’étape supérieure avec le Chief Executive Officer par intérim de la FSC, K. P. Kuriachen, embrigadé en cours de présentation. Un autre e-mail en date du 10 août 2015 émanant de Mauricio Fernandes au CEO suppléant portant sur l’Establishment of Funds (voir fac-similé plus loin) s’ajoute aux « pressions subtiles » pour concrétiser les démarches.
« On behalf of Dr Sobrinho, I am writing to thank you (acting CEO of the FSC) for your support last week, when we met on the invitation of the Hon Minister. As the Hon Minister indicated, we are very keen to move things forward with the Fund as soon as possible, by the end of the week. I will be in the country again next week and we need to begin to move funds into the accounts to begin the implementation in country », écrit le CEO de Planet Earth Institute comme pour situer l’urgence de ces transferts de fonds.
Les efforts de l’ASA Group, avec des pistons au plus haut niveau de l’Etat, notamment la State House, ne furent nullement vains. Car à 15 h 56 ce 27 août 2015, soit une vingtaine de jours après la présentation du plan Sobrinho, l’e-mail de Mauricio Fernandes à Akilesh Deerpalsingh se lisait comme suit : « Thank you very much. The FSC have cleared all the licences. We are now incorporating companies to collect the final licences from the FSC and will open bank accounts respectively as suggested by  the Hon Minister. I will keep you posted. Once again I thank you for all your support in all of this process. »
Et l’email de remerciements de la présidente de la République de 20h11 ce 27 août 2015 au vice-président de la FSC devra encore peser de tout son poids dans les jours à venir.
Rs 1 milliard pour les acquisitions immobilières d’Alvaro Sobrinho
Le confident de la présidente de la République, Alvaro Sobrinho, a jeté son dévolu sur l’immobilier de luxe. Officiellement, il est propriétaire d’une villa de High Standing au Royal Park de Balaclava au coût de Rs 52 millions. La société Vango Properties Ltd, dont il est actionnaire, a fait l’acquisition de deux portions de terrains à Ebène pour le prix de plus de Rs 45 millions en vue d’un projet de Science Park.
En parallèle, en janvier dernier, le multimilliardaire a signé un contrat de réservation préliminaire pour 131 villas dans le même Royal Park. Ce deal est évalué à Rs 1 milliard avec un Downpayment de 25% au vu du notaire, soit Rs 250 millions. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, n’a pas été en mesure de confirmer ce détail à l’Assemblée nationale mardi dernier.

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