POLITIQUE ET SCANDALES : Les “lakle ferblan” de Lakwizinn

Du jamais-vu dans les annales politiques, surtout au sein du gouvernement, et avec le risque d’une banalisation vu la succession d’affaires impliquant des politiciens de la majorité, la séquence de mise en inculpation provisoire est appelée à se poursuivre. Les «lakle ferblan» de Lakwizinn se succèdent à un rythme effréné et régulier. Le dernier en date qui est sous le coup d’une convocation formelle de la part du Central CID pour une audition under warning n’est nul autre que l’illustre Private Parliamentary Secretary et député MSM de Montagne-Blanche/Grande-Rivière-Sud-Est (N°10) Kalyan Tarolah. Indépendamment du soutien que lui accorde le Premier ministre et leader de son parti, Pravind Jugnauth, Kalyan Tarolah devra se préparer à répondre présent la convocation en fin de semaine. Ce développement interviendra à deux semaines de la reprise des travaux parlementaires se déroulant avec en toile de fond l’élection partielle à Belle-Rose/Quatre-Bornes (N°18) du 17 décembre. La convocation formelle de Kalyan Tarolah pourrait coïncider avec les dernières procédures en vue de loger en Cour intermédiaire l’accusation formelle sous le Criminal Code, décidée par l’Office of the Director of Public Prosecutions à l’encontre du vice-Premier ministre et ministre du Logement également président du MSM, Showkutally Soodhun. Néanmoins, la série est loin d’être bouclée car avec l’opération Dhobi de Klas, l’ancien Attorney General, Ravi Yerrigadoo, sait pertinemment bien qu’il devra faire face à l’Independent Commission against Corruption dans le volet de l’attestation sur du papier à en-tête de l’Attorney General’s Office en date du 10 mars dernier en faveur du punter-swindler Mohamad Husein Abdool Rahim. Sans compter les politiciens qui traînent des casseroles de Lakwizinn de l’Hôtel du gouvernement, que ce soit devant la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge de la Cour suprême Paul Lam Shang Leen, ou autres comités d’enquête, deux parlementaires de la majorité, Bashir Jahangeer, et le dernier des transfuges siégeant dans les rangs du gouvernement vivent dans l’angoisse d’un coup fourré politique d’ici la fin de l’année.
À ce stade, un état des lieux de la situation politique indique qu’une bonne dizaine de membres de la majorité gouvernementale, y compris ministres, parlementaires et VVIP politiques, sur 45 sont en situation de délicatesse par rapport à des affaires qui traînent entre le QG du Central CID et l’Office of the Director of Public Prosecutions. Ceux présents aux abords du Treasury Building vendredi matin avant le début de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres peuvent témoigner du fait que le mood était des plus sombres. La mine affichée par les différents ministres à leur arrivée n’avait rien de réjouissant, sauf probablement pour le ministre Mahen Jhugroo, toujours jovial. Même Showkutally Soodhun, d’habitude relativement bruyant, a préféré adopter un very low profile.
Dans le cas du N°4 du gouvernement, cela ne pouvait être autrement. Il relevait à peine d’un direct administré par le DPP dans l’affaire des menaces de mort proférées contre le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, lors des récentes célébrations de la fête Eid. Depuis la fin de la semaine écoulée, Showkutally Soodhun est devenu l’un des rares ministres siégeant au Conseil des ministres avec une accusation formelle d’Outrage Against a Member of the National Assembly sous le Criminal Code contre lui. Avec la prise de position du Premier ministre, Pravind Jugnauth, à Cité Briquetterie vendredi, affirmant qu’il n’est pas question de démission de Soodhun du gouvernement, une nouvelle ligne de haute tension s’est installée au sein de l’hémicycle, non seulement venant de l’opposition, mais aussi au sein du gouvernement.
Avec la tentative de différencier entre le délit sous le Criminal Code et des accusations sous la Prevention of Corruption Act, Pravind Jugnauth a provoqué des irritations dans l’entourage de l’ancien ministre de l’Environnement Raj Dayal, forcé à la démission pour son audition Under warning à l’ICAC dans l’affaire Bal Kuler. Ou encore plus récemment avec l’opération Dhobi de Klas suite à des allégations, où l’ancien Attorney General, Ravi Yerrigadoo, a été sommé de step down le temps d’un false affidavit. Mais dans le cas de Showkutally Soodhun, ce sera un membre du Front Bench du gouvernement « with full regalia » qui prendra place dans le box des accusés de la Cour intermédiaire pour répondre à de graves accusations de menaces de mort contre le leader de l’opposition.
Un tel épisode devra constituer une première dans les annales politiques, même si, entre-temps, un ancien Premier ministre, en l’occurrence Navin Ramgoolam, doit faire face à des accusations formelles de money laundering de Rs 220 millions, dont Rs 110 millions en never used 100 dollar bank notes, amassées du temps où il assumait les responsabilités de chef de gouvernement. Il y aussi le cas de l’actuel Premier ministre, qui fait face à un appel du DPP de son acquittement dans le scandale politico-financier de Zot Mem Aste Zot Mem Vandé de MedPoint.
En prélude à ses différentes comparutions en Cour intermédiaire, le temps que durera le procès, le N°4 du gouvernement devra composer avec l’offensive politique de l’opposition quant à sa présence au sein du gouvernement. La réouverture de l’Assemblée nationale le 24 courant donnera un aperçu de ce qui lui sera réservé comme accueil par les parlementaires de l’opposition. Le leader du PMSD pourrait retrouver en la personne de Reza Uteem, député du MMM, un allié de circonstance, vu qu’il est connu que ce dernier et Soodhun sont rarement sur la même longueur d’onde.
“Sap dan difé  tom dan karay”
Pour sa part, le PPS Tarolah doit ressentir l’étau se resserrer autour de lui avec Lalangate, soit des sextos, dont la teneur pourrait faire baver plus d’un adepte de vocabulaire osé ou encore des photos les unes plus indécentes que les autres. L’IT Unit du Central CID a déjà procédé à l’authentification des messages échangés par le PPS Tarolah avec la victime, Latchmee Devi Adheen. Cette dernière a concédé qu’elle avait établi des contacts avec ce politicien de la majorité en vue d’obtenir un emploi à Mauritius Telecom. La version de la mère de la victime a déjà été consignée par les hommes de l’assistant commissaire de police Devanand Reekoye.
En début de semaine, le Central CID mettra au point la liste de questions en vue de l’interrogatoire under caution du PPS Tarolah. Cette étape devra être franchie vers la fin de la semaine, plus probablement jeudi prochain. Le traitement accordé par le Central CID aux VVIP depuis le cas de Vishnu Lutchmeenaraidoo dans l’épisode Goldfinger fait que dans un premier temps, l’option d’inculpation provisoire avec comparution en cour et remise en liberté sous caution devrait être écartée.
Mais le PPS Tarolah pou sap da difé pou tom dan karay. Ainsi, le député du MMM Rajesh Bhagwan a déjà déposé au secrétariat de l’Assemblée nationale une motion de blâme contre le parlementaire du MSM avec une exigence de démission. Dans les rangs du MMM, l’on s’attend à voir cette motion inscrite à l’ordre du jour pour des débats dans les meilleurs délais. Le leader du MSM a déjà signifié son intention de contrer l’opposition en s’attaquant à la moralité politique des dirigeants des autres partis.
Le PPS Tarolah ne serait pas encore au bout de ses peines. De nouvelles allégations dans une autre affaire encore plus grave au terme des dispositions de la loi devront surgir dans les jours à venir. Un homme de loi, qui a été approché par des proches de la victime, n’a pas voulu lever le voile sur la nature des accusations envisagées sous forme de déposition à la police.
L’ancien Attorney General, qui a bénéficié d’un répit cette semaine dans l’affaire Bet365, sait que d’un moment à l’autre, l’ICAC prendra le relais de l’enquête au sujet des allégations de blanchiment de fonds formulées par le dénommé Husein Abdool Rahim, qui est déjà sous une double accusation provisoire de swearing false affidavit et conspiracy. L’ICAC a déjà pris contact avec le Central CID pour déterminer le calendrier de travail pour compléter la déposition d’Abdool Rahim au sujet de l’affidavit du 12 septembre. Dans l’immédiat, ce suspect reste sous le contrôle du Central CID.
Toutefois, avec l’autre volet de ce high profile probe, Ravi Yerrigadoo sera inquiété par l’ICAC au sujet des circonstances dans lesquelles cette attestation du 10 mars 2017 a été émise au nom de ce punter-swindler. Ce document portant l’estampille de l’Attorney General Office et sa signature constitue un véritable boulet à traîner pour l’ancien Attorney General, d’autant qu’elle concerne des opérations de jeu à l’étranger interdites par la loi. Il est unanimement reconnu que ce n’est pas le rôle du State Legal Adviser de fournir de telles attestations avec des soupçons avérés de tentative de blanchiment de fonds. Après enquête, l’ICAC devra déterminer s’il y a matière à poursuite au criminel avec en background le dossier d’Abdool Rahim à la Financial Intelligence Unit.
Anguille sous roche
De son côté, le député de la majorité Bashir Jahangeer, qui avait osé de temps à autre défier le Deputy Prime Minister et leader du Muvman Liberater, Ivan Collendavelloo, s’est mis dans une posture singulière. Accompagné de son homme de loi, Me Dick Ng Sui Wah, il a débarqué en début de semaine aux Casernes centrales en vue d’enregistrer une Precautionary Statement. Il dit craindre qu’un des partis politiques de l’opposition serait en présence d’allégations au sujet de ses déboires matrimoniaux. Cette démarche a amusé plus d’un limier aguerri, qui y voit le fait que « misyé Jahangeer finn vinn bwar siro toussé avan li gagn toussé. » À ce stade, dans les rangs d’un parti politique, on dit détenir des « informations solides » en vue d’accabler ce parlementaire de la majorité. « Les détails sont actuellement en voie d’être vérifiés et nous aviserons en temps et lieu », laisse-t-on entendre.
Le dernier des transfuges à l’Assemblée nationale ne devrait pas dormir sur ses deux oreilles ces jours-ci. Pourtant, il croyait avoir conclu le deal politico-financier le plus accommodant pour lui dans la conjoncture. Mais au sein de l’opposition, une équipe a été constituée en vue d’établir « beyond reasonable doubt » les tenants et aboutissants d’un montage financier de l’ordre de Rs 40 millions pour le writing off des dettes d’un même montant. D’aucuns affirment que dans ce deal, il y a anguille sous roche. Difficile à dire si ce dossier sera exposé avant la prochaine rentrée parlementaire.
D’autre part, les stand-by cases demeurent :
— les conclusions du comité d’enquête sur les salaires mirobolants de l’ancienne Chief Executive du Trust Fund for Specialised Medical Care, Vijaya Sumputh, avec l’ancien ministre de la Santé, Anil Gayan, at arm’s length et des dommages collatéraux au sein du Muvman Liberater ;
— les allégations de messages indécents reprochés au ministre des Services financiers, Sudhir Sesungkur, même si celui-ci a pris les devants avec des réclamations de Rs 25 millions logées en Cour suprême contre ses détracteurs, bien que la teneur des échanges de SMS donnerait des frissons à plus d’un ;
— l’imminente audition, tant annoncée que reportée, par la commission d’enquête sur la drogue, du Chairman de la Gambling Regulatory Authority et de la Law Reform Commission, Me Raouf Gulbul, avec un bearing significatif sur les allégations proférées par le parrain des parrains de la drogue contre le Premier ministre. La question qui se pose est si Pravind Jugnauth sera en mesure d’entretenir les mêmes relations avec son Legal Adviser détenant un Master en Devir Lanket, après ce passage devant la commission ;
— ou encore les éventuels findings de cette même commission au sujet des visites à des trafiquants de drogue à la prison par le Deputy Speaker, Sanjiv Teeluckdharry, ou encore la Private Parliamentary Secretary Rubina Jadoo-Jaunbocus, avec son époux sous le coup d’un warrant de la cour suite à une altercation avec le député Reza Uteem en marge de la campagne pour les élections générales du 10 décembre 2014 et
— à ne pas oublier la verve antiféministe de Ravi Rutnah, sa mise à l’écart du Parliamentary Gender Caucus ne représentant qu’un avant-goût de ce qui l’attend lors d’une session de l’Assemblée nationale s’annonçant sous très haute tension.

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