Portrait du Tartuffe mauricien

Le plus grand mérite du Tartuffe mauricien est son flair politique. Il est plus chien que carapate. Il n’est pas particulièrement intelligent, ni cultivé, ses idées sont grossières, comme lui, mais il sait flairer la bonne affaire. Ainsi en présence des puissants du jour, il est d’une servilité inouïe, nul ne s’y connaît mieux que lui dans l’art de lécher les bottes, art qu’il pratique avec délicatesse et obstination. Il est un parfait comédien, délicieux toutou, qui renifle sans vergogne les pattes de son maître et qui sait les mots les plus doux, les plus tendres pour flatter son ego démesuré. Les comédiens les plus doués, oscarisables, sont des novices à côté de lui. Il est bien sûr plein de mépris à l’égard des faibles. Mais ce mépris peut se transformer, s’il y a lieu, en admiration. Il est toujours aux aguets, semblable à un animal affamé, flairant le bon coup, d’où qu’il vienne. Il est parfois de droite, parfois de gauche et il a tout de travers. À vrai dire, nul ne sait ce qu’il est vraiment. Encore moins lui-même. Ses opinions sont malléables, elles changent constamment, on l’a vu ainsi tomber littéralement aux pieds de ceux qu’il disait détester hier. Il n’est dans son crâne dépourvu de neurones qu’une chose, la soif du pouvoir et il est capable de toutes les métamorphoses pour s’en saisir.
Il a plusieurs masques qu’il change selon les circonstances. Il est évidemment un ‘dévot’, on en rencontre peu comme lui, il sait toutes les formules rituelles, il ne cesse de prier, il participe à toutes les fêtes et son lieu de prière est sa deuxième demeure. Mais plus encore il revendique son appartenance à SA communauté, il dit en être le représentant, il est un vaillant guerrier prêt à défendre sa religion et les siens contre toutes les attaques, réelles et surtout imaginaires. Cette religiosité, si on considère que la religion nous mène vers le dénuement et l’amour des autres, s’accorde mal avec ce qu’il est, personnage crasse, imbu de lui-même, dont l’ignorance n’a d’égal que son arrogance, corrompu et pourri jusqu’à la moelle. La religion n’est véritablement qu’un tremplin, – il ne croit ni à Dieu, ni au diable, il est, dans un certain sens, un nihiliste – qui sert à lui permettre de réaliser ses objectifs. Il a perpétuellement le nom de dieu aux lèvres mais il vénère avant tout son ego, il dit avoir à coeur les intérêts de sa communauté mais il s’en moque éperdument, les seuls intérêts étant les siens, il affirme avec rage son amour de SA religion mais il n’a de religion que ces odieux petits stratagèmes pour s’empiffrer de toujours plus d’argent, que le vol, qu’il pratique non sans subtilité et son asservissement au pouvoir. Mais son masque est beau. Il le porte avec une certaine élégance. Il est comédien dans l’âme, du moins dans ce qu’il lui reste d’âme. Nombreux sont ceux qui se prennent au jeu, qui confondent le masque avec l’être.
Que fait-il dans la vie ? On le retrouve dans les associations dites socio-culturelles qui oeuvrent parfois pour de nobles causes mais qui sont le plus souvent des repaires de personnages en perdition, à l’intelligence limitée, en mal de reconnaissance, véritables ‘rodeur boute’ et ‘rodeur rôle’, qui, en siégeant dans les ‘bords’ de l’association, ces hauts lieux du pouvoir fictif, ont le sentiment que leur misérable existence a un sens. Il aime son association et elle le lui rend bien. Il est admiré, – lui-même carapate des puissants il a droit à l’admiration des carapates de l’association, étrange manège, vous en conviendrez, car il est plus chien que carapate –  quand monsieur se réveille le matin, il peut se dire qu’il est quelqu’un, qu’il évolue dans les sphères éthérées du pouvoir, qu’importe que ce pouvoir soit un leurre, mais il est une personne de valeur, éminemment respectable et respecté.
Le comique du personnage tient au fait qu’il croit être quelqu’un, – il en est convaincu, le doute rarement ou jamais ne lui traverse l’esprit -, alors qu’il n’est pas grand-chose et de cet espace entre ce qu’il croit être et ce qu’il est naît la comédie. Il se croit grand homme alors que tout le ramène à sa petitesse, il s’affaire à avoir de la classe alors qu’il a tout sauf cette classe tant désirée, il croit être intelligent alors qu’il est un idiot, fier comme un paon mais bête comme une oie, il souhaite plus que tout l’admiration mais tout dans son comportement suscite le mépris. Et cette comédie s’achève en tragédie car son absence de lucidité en fait quelqu’un de méchant et cruel, tortionnaire des opposants et des faibles. Il appartient à cette fraternité malfaisante, qui à force de corruption, sape les fondements d’une société.

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