PORTRAIT (SUNDEE BEEDAYSEE) : « Je ne suis pas un vase à fleurs ! »

Depuis la semaine dernière, l’aile féminine du MMM a une nouvelle présidente. En effet, Sundee Beedaysee a été élue par la commission des femmes du parti. Voici le portrait de la nouvelle présidente, qui n’a pas sa langue dans sa poche. Surtout quand il s’agit de la perception — négative — du rôle de la femme en politique, à Maurice.
La politique fait partie de la vie de Sundee Beedaysee depuis qu’elle est toute petite. Dans sa famille, la politique fait partie des sujets de conversation du quotidien, surtout avec un grand-père et un père qui étaient conseillers municipaux, à Curepipe et à Quatre-Bornes. Au collège Maurice Curé où elle fait ses études secondaires, Sundee se fait remarquer en prenant part à des débats, en questionnant et en donnant son opinion. Même si on ne la lui demande pas. À tel point que son entrée en politique active ne surprend aucune de ses amies de collège. Pourquoi avoir choisi le MMM alors que sa famille soutenait traditionnellement le PTr ? « Le MMM était est le seul parti du pays bien organisé, avec des instances qui sont des maillons qui donnent une formation politique au membre, lui donne l’occasion de s’exprimer dans des débats sur les questions de société. Le MMM, c’est une université où j’ai appris à faire la politique de la bonne manière. » C’est quoi l’aile féminine du MMM ? « C’est une instance du parti qui aujourd’hui regroupe une représentante de chacune des vingt régionales. Cette commission élit son bureau et participe aux travaux des instances du MMM. La présidente siège, de facto, au bureau politique du parti. » Se faire élire présidente de l’aile féminine du MMM, c’est une consécration en politique ? « Plus qu’une consécration, c’est le résultat d’un travail continu commencé depuis 2006, quand j’ai adhéré au MMM comme simple membre, à la régionale numéro 16 et en même temps à la commission des femmes du MMM. » Combien y a-t-il de femmes au sein de cette commission ? « Nous n’avons malheureusement plus d’élues au niveau national et municipal, depuis les dernières élections. Mais au niveau du parti, nous avons une femme par régionale et dix femmes qui forment partie du Comité central. Cela fait trente femmes. C’est peu, mais c’est une base que nous comptons améliorer au fur et à mesure. Il y a d’ailleurs une task force pour revoir le fonctionnement du pays qui étudie la question et des réformes seront proposées. Mais même si nous ne sommes pas nombreuses, nous arrivons à nous faire entendre au sein des instances du parti et du leader. » Le travail de la présidente de l’aile féminine du MMM, « est surtout un travail d’équipe. Il n’y a pas que la présidente, mais l’équipe de la commission des femmes, qui fait un travail pour sensibiliser la femme à la politique et lui faire prendre une part active, sa place en fait. Pour cela, il faut aller vers les femmes sur le terrain ». Est-ce qu’il ne faut pas aller d’abord vers les hommes qui contrôlent et verrouillent tout, ce qui explique le nombre limité des femmes en politique? « Ce n’est pas moi qui vais vous apprendre que nous avons une société patriarcale à Maurice. Dans toutes les sphères de la vie, à Maurice, on pense d’abord à l’homme. On croit qu’il est supérieur à la femme. Je vous donne un exemple concret. Je dirige l’entreprise familiale avec mon frère, mais quand un client veut discuter d’un contrat il demande à parler au patron. Quand j’arrive, je sens un mouvement de surprise et bien souvent il demande après: ‘eski li éna capacité fer patron sa madame la’. Cette question n’est jamais posée pour un homme, même s’il n’est visiblement pas très capable ! » Au niveau politique la nouvelle présidente a-t-elle déjà été victime de cette situation ? « Il est arrivé qu’on me donne une circonscription à travailler pendant des mois, ce que j’ai fait. Puis, on m’a refusé un ticket électoral promis en faveur d’un homme qui n’était pas nécessairement un plus bon candidat que moi. On a dit que je n’arrivais pas à décoller, mais le candidat qui m’a remplacé n’a pas été élu, non plus. Ce sont les aléas de la politique. Il faut passer par un système de quotas en faveur des femmes pour que la situation évolue plus rapidement. Que Maurice arrive au niveau de la représentativité des femmes en politique à 30%, on l’a fait avec une loi au niveau municipal, il faudrait l’étendre au niveau national. Ce sont les combats que les femmes en politiques doivent mener ensemble avec leurs collègues masculins. » 
Pour Sundee Beedaysse, à Maurice, il est beaucoup plus difficile pour une femme de faire de la politique active qu’un homme. « Cette femme est souvent une mère de famille qui travaille et qui doit accomplir toutes ses tâches ménagères avant d’aller à une réunion. Certains hommes commencent à aider dans les familles pour les tâches ménagères, mais ils ne sont pas nombreux. C’est aussi le cas des femmes qui viennent assister aux réunions. » Est-ce que c’est facile pour une femme de faire carrière au sein du MMM ? « Il y a toujours dans un parcours des obstacles contre l’avancement d’une femme dans une société patriarcale. Comme dans le monde du travail, certains demandent si la femme qui veut faire de la politique à les capacités nécessaires alors que l’on ne pose jamais cette question pour un homme. Les femmes doivent faire plus d’efforts qu’un homme pas seulement en politique, mais dans toutes les sphères de la vie. » Après que son ticket lui a été retiré à la dernière heure, en 2010, Sundee Beedaysee est choisie comme candidate pour les élections de 2014. On lui donne un ticket au numéro 12 aux côtés d’Arvind Boolell, le candidat sortant. Quel souvenir la candidate battue conserve-t-elle de cette épreuve électorale. « C’était une élection particulière. Nous étions en alliance et il fallait accepter les choix du partenaire en termes de candidats. Nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour faire campagne, quelques semaines à peine. J’ai travaillé comme il le fallait et vous savez ce qui s’est passé en termes de résultats ? Je ne regrette pas ce qui a été une expérience très riche en politique sur le terrain et cela me servira certainement dans le futur. » Le futur en politique, c’est quoi : les élections derrière la porte comme vient de l’annoncer, une fois de plus, Paul Bérenger ? « Ce que je sais, c’est que la situation du gouvernement est confuse.  L’alliance Lepep a remporté les dernières générales et municipales, c’est un fait. Mais est-ce que les Mauriciens vivent mieux, sont plus heureux qu’ils ne l’étaient avant décembre de l’année dernière ? Où sont les promesses électorales. On nous avait promis 20,000 nouveaux jobs et à la place on a 50,000 chômeurs ! Vous avez vu la pagaille dans le pays, les prix qui ne cessent de monter dans les supermarchés. Vous avez vu comment chaque parti du gouvernement jette de la boue sur son allié en public ? Je suis sûre que même les partisans de l’alliance Lepep doivent commencer à se poser des questions. Tout cela, après à peine huit mois de pouvoir, vous pensez que l’alliance Lepep, avec chaque parti qui tire de son côté, va durer éternellement ? C’est pour cette raison que le MMM doit se préparer à toute éventualité, dont des élections anticipées. »
Après cette analyse de la situation politique qui prouve que Sundee Bedaysee a bien suivi les cours de son leader, passons à la question qui fâche. Celle qui fait partie de la réflexion politique, mais dont on ne parle jamais. En tout cas pas en public : l’importance de l’appartenance ethno castéiste en politique. Le fait que votre prénom soit Sundee, que vous portiez le saree et faites partie d’une caste bien précise est un avantage pour faire de la politique au MMM ? La réponse vient après une longue hésitation. « C’est un fait que l’appartenance ethnique joue un rôle dans la politique mauricienne. Mais je ne suis pas sûre que cela soit un avantage ou soit suffisant. Pour avancer, il faut travailler, faire ses preuves pour pouvoir gravir les échelons au MMM. Je ne suis pas qu’une femme qui porte un sari ! » Vous êtes aussi une femme divorcée. Est-ce que cela est un handicap pour faire de la politique ? « C’est ma situation et je ne l’ai jamais caché. J’ai toujours dit que j’avais 48 ans et j’étais une mère de famille. On ne m’a jamais questionné sur le fait que je sois divorcée parce sans doute la société a évolué sur ce sujet, heureusement. On se préoccupe plus de savoir si je peux apporter quelque chose qu’à mon statut matrimonial. » Et ce fils, comment prend-il le fait que sa mère fasse de la politique active ? « Il est un peu habitué dans la mesure où je fais de la politique active depuis bien avant sa naissance. Il est d’ailleurs venu m’aider pour les dernières élections générales. Avant de poser ma candidature pour le poste de présidente de l’aile féminine, j’ai eu une discussion avec lui, surtout qu’il va entamer sa dernière année du secondaire. Il m’a donné son accord. C’est également le cas de ma famille qui m’a toujours soutenue dans mes prises de décisions. » Est-ce que le fils de la présidente de l’aile féminine mauve s’intéresse à la politique ? « Comme tous les jeunes de son âge, mon fils me dit que la politique ne l’intéresse pas. Que les politiciens sont dépassés, à commencer par moi. Ce qui ne l’empêche pas de suivre l’évolution de la situation, de se tenir au courant, de discuter avec ses amis — surtout sur internet —, de donner son avis et même de me contester parfois. »
La présidente de l’aile féminine est, de facto, membre du BP.  Elle a donc un ticket assuré aux prochaines élections ? « Tous les membres du BP ne sont pas automatiquement assurés d’un ticket, comme vous le dites, avec un peu de méchanceté. Il faut mériter ce ticket, faire ses preuves, travailler pour cela. » Un peu de méchanceté pour terminer ce portrait : est-ce que finalement le poste de présidente de l’aile féminine du MMM n’est pas un poste décoratif, juste pour dire que le MMM est un parti féministe ? « Je ne suis pas une vase à fleurs, un objet décoratif en politique ! Je trouve injuste qu’on pose toujours ce genre de question à une femme qui fait de la politique. Pourquoi est-ce qu’on ne demande jamais si un homme a été élu ou nommé à un poste juste pour faire de la figuration ? Juste pour faire jolie sur la photo, comme on le dit des femmes. Vous voyez : il y a beaucoup de travail à faire pour changer la perception que l’on a des femmes en politique à Maurice ! C’est une des tâches de la commission des femmes du MMM. »
Dernière question : une femme leader du MMM, c’est une éventualité ou un rêve ?  « L’avenir nous le dira. Si une femme a les compétences nécessaires, il n’y a aucune raison pour qu’elle ne devienne pas leader. Elle doit faire ses preuves et avoir sa chance comme les autres. » Vous avez ces compétences-là ? « Je viens à peine d’être élue présidente de l’aile féminine. Bien faire fonctionner cette commission avec mon équipe est mon objectif prioritaire. Le reste, s’il y a un reste, viendra après. »

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