Précarité – Hygiène : les plus démunis, les oubliés

L’absence de toilettes dans des foyers précaires, plus que jamais un problème de santé

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60 SDF en confinement dans les deux abris de nuit de Caritas

Appliquer les consignes d’hygiène dans un environnement précaire n’est pas toujours respecté, voire possible, lorsque les utilités de base et les sanitaires ne sont pas accessibles. Rester confiné, sans avoir de quoi se nourrir correctement pendant 15 jours, n’est pas non plus évident. Et quid des SDF ? Si 60 d’entre eux sont en confinement dans les deux abris de nuit de Caritas, les autres sont dans les rues.

« Tous les jours, on entend des consignes d’hygiène à la radio et on fait de notre mieux pour les appliquer », explique Maryline, mère de famille. Cette dernière fait partie de ces nombreuses familles en situation de précarité économique qui n’ont pas accès à des sanitaires décents et à l’eau courante. Dans un contexte où le respect de l’hygiène corporelle est une des bases élémentaires devant être appliquées comme mesure préventive contre le coronavirus, beaucoup de foyers passent actuellement à côté des règles à respecter. Quand l’eau potable ne parvient pas jusqu’à ces personnes et que le savon vient à manquer, un lavage régulier et complet des mains — des ongles aux poignets — n’est malheureusement pas un geste systématique.

Installée sans permission, comme les quinze autres foyers qui l’entourent sur un terrain de l’État dans une région côtière, Maryline s’approvisionne en eau potable grâce à un arrangement avec « kikenn ki ena konter » contre un paiement mensuel de Rs 250. «Tous les jours, dit-elle, je remplis trois barils pour les besoins quotidiens. Nous savons qu’il nous faut nous laver les mains avant de manger, de nous occuper des plus petits, etc. L’eau est dans une certaine mesure accessible. » En revanche elle ne dispose pas de toilettes, donc pas de point d’eau après les besoins dans la nature, à quelques mètres de sa maison.

Colis alimentaires bloqués

Dès que les messages de sensibilisation sur l’hygiène se sont intensifiés, suivant l’ouverture des premiers centres de quarantaine, une frange de la population a été oubliée. Il s’agit de ceux vivant en précarité socio-économiques. Comment garantir que ces derniers aient accès non seulement à toutes les informations sanitaires clés, mais aussi aux moyens nécessaires pour se protéger ? À ce jour, cette question n’a pas été soulevée par les autorités. S’il revient à tout un chacun de faire preuve de responsabilité et de bon sens en matière d’hygiène, il faudrait garder en tête que les poches de pauvreté et les foyers en précarité sont les grands oubliés de l’éducation à la santé.

C’était en prévision du confinement que Caritas Maurice avait prévu un colis alimentaire comprenant des aliments de base ainsi que du savon pour ses bénéficiaires. Patricia Adèle-Félicité, de l’organisme, explique que ces colis étaient déjà prêts. «Nous avions déjà communiqué à nos équipes des consignes sanitaires à appliquer pendant la distribution des colis et nous leur avions demandé de disséminer les informations aux bénéficiaires. Nous avions même prévu un atelier pour préparer ces derniers à prendre des précautions du genre comment et quand porter un masque, utiliser des mouchoirs en papier. Il était même question que nous fassions du porte-à-porte auprès des familles, mais nous n’avons pu le faire. Toutefois, nous avons affiché des numéros de téléphone d’urgence et ceux de notre personnel à contacter », explique Patricia Adèle-Félicité.

N’ayant pas reçu de colis, dit-elle, les familles seront contraintes de faire leur lessive, voire prendre leur leur bain sans savon. Dans les milieux précaires, un quotidien sans savon n’est pas anecdotique, rappelle Patricia Adèle-Félicité. Ce qui n’est pas forcément rassurant. Et même si les personnes vivant en situation de pauvreté restent d’habitude à l’écart des grandes surfaces ou les espaces commerciaux fréquentés où toute absence de précaution peut entraîner des conséquences, n’empêche, celles-ci demeurent vulnérables. Les sans domicile fixe (SDF), explique encore Patricia Adèle-Félicité, font aussi partie des personnes vulnérables face à la pandémie. Les deux abris de nuit, à Port-Louis et Saint-Jean, gérés par Caritas, accueillent actuellement quelque 60 SDF. Ces derniers y sont en confinement. Mais, dit-elle, il y a d’autres SDF à travers le pays, dont environ une quinzaine à Port-Louis, qui sont à risque. C’est dans cette optique qu’elle lance un appel aux autorités : « Il faut ouvrir un centre de confinement pour les SDF. » Il y a urgence, dit-elle.

« J’ai trouvé des légumes  au pied d’une montagne »

Caritas estime aussi qu’environ 50 familles, des hardship cases, ont actuellement besoin d’être ravitaillées en produits alimentaires. Patricia Adèle-Félicité ne cache pas son désarroi face à leur situation. Le personnel, dont elle-même, ainsi que les bénévoles étant en confinement, Patricia Adèle-Félicité explique qu’elle travaille sur un plan d’intervention sur le terrain. «Nous avons besoin de renforcer notre logistique. J’ai fait une demande pour que nous puissions circuler. Dès que nous avons des moyens de mobilité à notre disposition, nous allons démarrer la distribution des colis, entre autres », dit-elle. Concernant l’approvisionnement des aliments, Caritas continue pour le moment de compter sur ses principaux donateurs : des grossistes.

« Moi, j’ai accès à l’eau et à l’électricité, mais avec mon mari, nous sommes dans une situation que beaucoup de familles ont connue depuis quelques jours. Nous n’avons pas encore notre salaire et donc pas d’argent pour aller au supermarché ! Mon mari était au chômage et il vient de trouver du travail. Jusque-là j’étais la seule du foyer à ramener un salaire fixe. Vu notre situation, nous n’avons pas d’économie », confie Nathalie, mère de trois enfants de 8 à 17 ans. Au premier jour de confinement, Nathalie a emprunté de l’argent à sa mère pour faire quelques achats. Mais c’est dans la nature qu’elle a trouvé de quoi accompagner le riz. «J’ai trouvé des légumes qui poussaient dans la nature au pied d’une montagne », dit-elle. Faute d’argent pour s’acheter des masques de protection en cas de nécessité, la fille aînée de Nathalie en a fabriqué avec du tissu.

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