Provisions

— Ou tu vas avec un gros caddie comme ça, ça va rentrer dans ton auto ? Tu fais tes commissions du mois maintenant ?
— D’abord, on ne dit plus commission, mais courses. Commission c’est vulgaire ! Ne t’en fais pas mon auto, c’est un vrai catchak charlie, en serrant bien, tu peux faire entrer beaucoup de choses.
— Tu fais tes commiss… pardon, tes courses deux fois par mois maintenant ?
— Non, j’ai fini de faire mes courses du mois. Tu te rappelles pas qu’on a fait ça ensemble la dernière fois.
— C’est vrai, et on est venu ici même. Mais si tu as fini pourquoi tu achètes encore cette quantité d’affaires-là. Tu vas recevoir toute ta famille ?
— Non, on ne va recevoir personne et encore moins ma famille. On les reçoit une fois par an, et ils ne sont jamais contents. Tu sais comme ils sont : la viande n’est pas assez cuite et les légumes trop cuits. Il faut toujours qu’ils tirent l’ail avec ce que je fais !
— Si c’est pas pour recevoir… alors tu prends des précautions à cause des menaces comme les centres commerciaux ?
— Tu vas croire toi-même !
—… ne dis pas ça fort comme ça… tu sais qu’on dit qu’ils sont dangereux.
— Il suffit de ne pas les prendre compte, de ne pas leur donner l’importance qu’ils ne méritent pas, c’est tout.
— Oui, mais tu sais… ailleurs…
— Ailleurs ce n’est pas ici. On ne va tout de même pas laisser une toute petite poignée de fanatiques diriger le pays tout de même ! S’ils ne sont pas contents avec la vie d’ici ils n’ont qu’à aller vivre dans le pays qui leur convient. Point à la ligne !
— Hé toi là ! Ne cause pas fort comme ça. Taleure tu vas nous faire avoir des ennuis.
— On est dans un pays démocratique ici, pas dans un Etat je ne sais pas quoi, tout de même ! Tu sais quel est notre problème ici ?
— Aio, je te dis de baisser ton volume. Tu n’es pas en train de faire un meeting ou une promotion à la radio. Cause doucement, je te dis !
— C’est parce que la majorité des gens comme nous ne cause pas fort pour dire ce qu’il faut que les petits groupes font leur mari avec nous. Si on disait stop bien fort, si les autorités faisaient leur travail comme il faut, il y aurait moins de problèmes dans ce pays, je te dis.
— Aio… reste un peu tranquille, foutour va ! Il ne faut pas gratter le dos du malheur, comme on dit.
— Il ne faut surtout pas démissionner, prendre ses responsabilités et enfin appeler un chat un chat. C’est parce que les gens comme nous, la majorité reste tranquille dans son coin, que les petits groupes se permettent de menacer.
— Aio, changeons de conversation, s’il te plaît. Dis-moi un coup : tes cousins d’Australie sont déjà repartis.
— Tu sais très bien qu’ils sont là jusqu’à la fin du mois. N’essaye pas de jouer bourrer avec moi. Il faut arrêter de laisser les autres de décider pour nous. Puisque le gouvernement…
—… tu as raison parlons du gouvernement. Ah maintenant j’ai compris. Oui j’ai compris !
— Tu me demandes de parler doucement et toi tu cries un coup fort comme ça ? Qu’est-ce qui t’arrive ?
— J’ai tout compris !
— Ah bon… et qu’est-ce que tu as compris comme ça ?
— Je sais maintenant pourquoi tu viens remplir ton caddie au supermarché en plein milieu du mois.
— Ah, tu as enfin compris. Mais tu as pris du temps quand même, hein ! Alors, dis-moi un coup ce que tu as compris ?
— C’est à cause du budget.
— Le budget ?
— Tu fais un stock des items qui vont sûrement être taxés par le ministre des Finances. Ça même tu achètes cette quantité de packs de bière-là. Tu fais pareil comme certains commerçants qui créent une pénurie artificielle juste avant le budget.
— Vrai même il n’y pas deux comme toi pour penser à des affaires comme ça…
—… tu crois vraiment que ça vaut la peine de faire des stocks à cause du budget.
— Mais je ne suis pas en train de faire des stocks à cause du budget, foutour va !
— Ah bon ? Mais pourquoi tu fais tes commissions du mois maintenant alors ?
— Je ne suis ni en train de faire mes commissions du mois, ni des stocks en prévision du budget.
— Mais pourquoi tu achètes cette quantité d’affaires-là au milieu du mois ?
— Dis-moi un coup : tu es bête ou tu fais semblant ? Tu ne sais pas pourquoi je suis obligée de faire des courses au milieu du milieu du mois ?
— Je ne vois pas.
— Tu ne sais pas qu’est-ce qui se passe le jeudi 16 juin.
— Si je sais : le budget.
— Il n’y a pas que le budget ce jour-là. Il y a surtout…
— -… aio, c’est vrai, toi : il y a l’ouverture de la Coupe du Monde de football…
— Voilà. Et mon salon va devenir un bar où tous les amis de mon bonhomme vont commenter la Coupe du Monde cans de bière à la main. C’est tout ! C’est pour les footballeurs de salon que je fais les provisions !

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