RAHEEM GOPAUL (ENTOMOLOGISTE) :« Le moustique de la dengue est très agressif et persistant »

Si Triolet a été jusqu’ici le terrain de prédilection des moustiques transmettant la fièvre dengue, cela ne veut pas dire que les autres régions seront épargnées. « Partout où existe ce type de moustique nous pouvons avoir des cas de dengue si les mesures de prévention ne sont pas prises », affirme Raheem Gopaul, entomologiste (spécialiste des insectes) à la retraite après avoir passé des années à étudier les moustiques au ministère de la Santé. « L’urbanisation rapide et un développement sans planification créent une grande variété d’habitats pour certaines catégories de moustiques », explique M. Gopaul.
L’aedes albopictus, vecteur de la dengue, est un moustique « très agressif et persistant que l’on peut trouver n’importe où, sur la côte et dans les hauteurs et avec l’augmentation du trafic aérien, des épidémies peuvent survenir dans notre région comme cela a été le cas en 1970 quand une épidémie de dengue a frappé le sud-ouest de l’océan Indien ». La particularité de ce type de moustique, répertorié pour la première fois à Maurice en 1990, c’est qu’il pique quand il fait jour, surtout le matin et tard dans l’après-midi, et qu’il vit dans les endroits ombragés à l’extérieur comme à l’intérieur des maisons. Il reste presque toujours près de son gîte larvaire. « Si vous êtes piqué par un aedes, il est très probable que son habitat est dans les environs dans un rayon d’une dizaine de mètres », indique l’entomologiste.
Pour l’heure, c’est surtout à Triolet qu’ont été diagnostiqués 42 des 44 cas de dengue dépistés ce mois-ci, les deux autres cas ayant été détectés à Belvédère et chez un habitant de Morcellement St-André. L’entomologiste indique que c’est par un concours de circonstance que les maladies transmises par les moustiques se sont propagées à Triolet. « Triolet est un grand village avec des maisons plus ou moins rapprochées et il existe dans cette région de bon nombre de gîtes larvaires pour différentes espèces de moustiques. Les accumulations d’eau sur les toits des maisons et dans les champs de canne à cause de l’irrigation, des “drums” dans les jardins potagers, des terrains vagues où sont jetés souvent les boîtes de conserve et pneus usagés, des cannettes et autres déchets et les conditions climatiques, chaudes et humides, favorisent le développement des moustiques », explique M. Gopaul. Il ajoute qu’au début des années 1980, Triolet a été le foyer d’une flambée de malaria et sur les 440 cas de paludisme dépistés transmis par le moustique anophèle arabiensis, 100 étaient détectés à Triolet. En 1981 et 1982, c’était cette fois le district de Flacq qui comptait le plus grand nombre de cas de paludisme avec 197 cas des 623 enregistrés dans le pays. « La pluie constitue le principal facteur d’accumulation d’eau sur les toits plats, ce qui rend le problème particulièrement aigu dans les régions ayant une pluviosité élevée ».
Endroits ombragés
L’entomologiste précise que si l’anophèle aime l’eau en plein soleil, l’aedes albopictus transmettant la dengue préfère les petites accumulations d’eau dans les petits coins à l’ombre et se reproduit dans les noix de coco cassées, les trous dans les arbres, les tiges de bambous, les feuilles de bananiers et l’arbre du voyageur (ravenal), les vases de fleurs, les boîtes usagées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des maisons.
« Ce moustique vecteur de dengue a été répertorié pour la première fois en 1990 dans l’île et il est aujourd’hui très commun chez nous. Le même type de moustique transmet également le chikungunya. Les oeufs de ce moustique peuvent survivre pendant des semaines, voire des mois sans eau et l’éclosion se produit à l’arrivée de l’eau (…) C’est l’insouciance des gens et l’indifférence des autorités, un laisser-aller qui provoquent des flambées de fièvre dengue ou de chikungunya. Il n’y a pas assez de prévention. Outre l’application d’une législation contre les gîtes larvaires, il faut empêcher la prolifération des moustiques et non pas attendre que la maladie transmise par les moustiques se propage pour éteindre le feu. » Il se déclare partisan de contrôle biologique de la population de moustiques, plus écologique et moins nocif que les insecticides chimiques pour la santé publique, l’usage de moustiquaires chez soi et du window screen, un grillage fin aux fenêtres pour se protéger des piqûres de moustiques. « Dans un milieu tropical comme à Maurice la durée de vie d’un moustique femelle est de quelques semaines et elle peut pondre des centaines d’oeufs, soit 100 à 200 oeufs… » Selon l’entomologiste une vingtaine d’espèces de moustiques ont été répertoriées à Maurice à ce jour.

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