Raj Prayag : “La formation des futurs ingénieurs devra être différente de la formation traditionnelle”

Avec l’avènement de la technologie, l’avenir du monde est amené à changer, de même que ceux qui le conçoivent. Dans le cadre du 100e anniversaire de l’Institution of Engineers de l’Inde (IEI), l’Institution of Engineers Mauritius (IEM) organise, mercredi prochain, un colloque international sur le thème “Disruptive technologies : Shaping future innovations”, où plus d’une centaine d’ingénieurs du monde seront présents. Raj Prayag, président de l’IEM, répond à nos questions.

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Pour commencer, quelques mots sur l’Institution of Engineers Mauritius.
– Le 26 février 1948, un groupe de 12 ingénieurs créa «The Engineers Association of Mauritius». Ils étaient MM. R. Bérenger, Roland Desmarais, J.L. Nairac, Georges Pitot, Georges Taylor, Xavier Koenig, Serge Staub, Maurice Paturau, André Rey, Marcel de Nanclas, Alfred Leclezio et Raymond Rey. Ils ont eu la clairvoyance de reconnaître la nécessité de réglementer la profession d’ingénieur afin que seuls les ingénieurs qualifiés ayant étudié l’ingénierie à l’université puissent exercer et servir le pays et la société au sens large.

Pourquoi organisez-vous cette conférence ?
– L’IEM organise ce séminaire international à la demande de l’Institution of Engineers de l’Inde (IEI), qui célèbre son 100e anniversaire en 2020. IEM et IEI ont signé un protocole d’accord de collaboration en 2009. C’est un honneur pour IEM d’organiser la première fonction dans le cadre des célébrations du 100e anniversaire, lorsque l’IEI organise sa première manifestation en Inde pour le lancement de leur célébration le 13 septembre 2019 à Chennai! Le séminaire vise également à sensibiliser la communauté des ingénieurs et des entreprises aux risques liés aux changements technologiques rapides et à savoir comment être prêt à faire face à la survie de l’entreprise et à l’innovation constante.

Le thème choisi est “Disruptive technologies : Shaping future innovations”. Quelles sont justement ces nouvelles technologies perturbatrices ?
– Les technologies perturbatrices sont présentes dans tous les domaines. Dans le domaine des communications, le smart phone, les iPad ont radicalement changé la vie des gens et amélioré leur mode de vie. Les appels internationaux via WhatsApp, Skype et autres ont amené la fermeture des opérateurs de téléphonie internationale. Le monde des ordinateurs de bureaux fixes (Desktop) a changé. Dans le monde de la musique, le fabuleux Sony Walkman a disparu pour laisser la place aux iPod beaucoup plus petits avec plus de capacité de mémoire. Dans le domaine de la photographie, la vente d’appareils photo a énormément diminué, car les smart phones sont équipés d’appareils photo à pixel très élevé et les photos peuvent être envoyées via WhatsApp ou d’autres solutions de médias sociaux immédiatement. Les magasins de photo ont fermé à cause de ces innovations. Les drones constituent désormais une excellente solution pour la photographie aérienne et même pour la détection des mines antipersonnel en toute sécurité. Il y a quelque temps déjà, dans l’industrie automobile, le passage de la vitesse manuelle à la vitesse automatique a été une révolution! Ce ne sont là que quelques exemples. Il s’agit d’un séminaire de haut niveau sur un sujet d’intérêt mondial auquel participent des experts d’Asie, d’Afrique et notamment de Maurice. Ce sujet est d’une importance telle que l’ignorer signifierait la disparition de nombreuses institutions et entreprises et conduirait à la fermeture d’entreprises et d’usines menant à une dislocation sociale.

Le métier d’ingénieur sera donc amené à évoluer ?
-Absolument, si les ingénieurs en tant que professionnels souhaitent continuer à servir la société. Les ingénieurs du futur devront faire face à des demandes en constante évolution, à de nouvelles conditions et à de nouvelles technologies, notamment en ce qui concerne l’intelligence artificielle, l’Internet of Things, les nouvelles communications et le transport. Par conséquent, la formation des futurs ingénieurs devra être différente de la formation traditionnelle dispensée par les universités. Sous le régime de l’Accord de Washington, les ingénieurs devront maîtriser douze attributs qui les prépareront à faire face aux nouveaux défis. Au-delà de leurs études d’ingénieur, ils devront maîtriser les sciences économiques pour garantir la rentabilité des projets, intégrer les préoccupations environnementales dans leurs projets, être en mesure de mieux communiquer avec le public pour justifier leurs projets, entre autres.

L’île Maurice est-elle prête à s’adapter à ce changement ?
– Oui, nous le devons. Encore une fois, il s’agit de s’adapter ou de périr. Nous voulons que nos universités produisent les meilleurs ingénieurs, dont les qualifications sont reconnues dans le monde entier. Nous voulons que les étudiants étrangers étudient ici à Maurice. Nous voulons que nos ingénieurs soient mobiles et côtoient les meilleurs au monde. C’est un objectif naturel et légitime auquel aspirer.

Et les femmes dans ce métier longtemps considéré comme un métier d’hommes?
– Nous sommes heureux de noter qu’il y a de plus en plus de femmes qui entrent dans cette profession. Dans le passé, les femmes qui travaillaient sur les chantiers, grimpaient sur des toits ou descendaient dans des tunnels étaient stigmatisées. L’ingénierie est une profession noble et a évolué. C’est maintenant une question de haute technicité et on peut faire la plupart des choses depuis son bureau en utilisant les nouvelles technologies. Aujourd’hui, un ingénieur installé à Maurice peut concevoir une structure aux États-Unis et superviser les travaux à l’aide des technologies disponibles.

L’université de Maurice travaille avec l’Engineering Council de l’Afrique du Sud (ECSA) pour permettre aux ingénieurs formés à Maurice de travailler à l’étranger. Ne craignez-vous pas une fuite des cerveaux ?
L’ECSA est membre de l’Accord de Washington et est donc un organisme de référence en Afrique. Si nous voulons améliorer nos cours d’ingénierie jusqu’à ce qu’ils soient reconnus au niveau mondial, nous sommes obligés de travailler avec de telles institutions. Nous voulons que notre secteur d’ingénierie se mondialise, à l’instar de nos autres secteurs de services tels que les experts financiers, les comptables, les auditeurs, etc. Les Mauriciens ont un potentiel énorme pour participer aux développements infrastructurels de l’Afrique. Nous sommes à côté ! Nous sommes idéalement situés géographiquement pour nouer des partenariats avec d’autres pays tels que l’Inde, la Corée, le Japon ou l’Europe et offrir une gamme de services à notre continent. Plutôt qu’un exode des cerveaux, nous considérerons Maurice comme un centre de formation d’ingénierie pour fournir une expertise dans le monde entier !

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