RANGOLI FESTIVAL : Une art éphémère qui se renouvelle sans cesse

Depuis 2009, le Rangoli Festival est devenu un événement annuel au Mahatma Gandhi Secondary School (MGSS) de Flacq. L’objectif de cet événement est non seulement d’encourager le rapprochement des élèves à leur culture et de partager aux autres cet héritage culturel, mais aussi de stimuler leur imagination et leur créativité à travers cet art.
«Notre dessin est inspiré du peacock, oiseau emblématique de l’Inde», nous disent Vidisha, Anastasia et Rieea, élèves en forme II. Pour leur dessin, composé de plusieurs couleurs, elles utilisent une technique de réalisation très simple. Les élèves, en groupe de cinq, tracent d’abord leur « pattern » sur de larges feuilles de papier rassemblées (1.5mx1.5m) avant de les remplir d’éléments naturels colorés. «Pour notre Rangoli, nous avons utilisé du riz écrasé, des pigments naturels, ainsi que de la farine. Et nous l’ornerons ensuite de fleurs de marigold et de diyas (lampes à huile)», disent-elles. Le Rangoli est une peinture éphémère traditionnellement faite à base de poudre de riz et disposée au sol.
Ce mardi matin, la cour de récré du MGSS de Flacq est prise d’assaut par de petits groupes d’élèves depuis 8h30. Filles et garçons ont l’air de se plaire dans cette activité artistique. La compétition qui récompense les plus beaux rangolis et dont le thème est « Adding more colours to life », prendra fin vers 11h30.
Pour les noter sur les critères, tels que les contrastes de couleurs, la réalisation artistique, le design traditionnel, les tenues traditionnelles des participants, une virtuose en la matière, Kritika Banrigadoo, venue d’Inde, Mme Soneea, du département Marathi et M. Seetohul, Head of department of Arts ont été choisis comme membres du jury. Les prix décernés pour cette compétition sont : Rs 5000 pour les gagnants de chaque catégorie et Rs 3000 pour les seconds prix.
Initiateur et coordonateur de cet événement, Sanjiva Narasimha Appadoo, Head of telegu studies au MGSS Flacq est un artiste de rangoli connu à Maurice pour son talent et ses techniques très particulières. «J’ai initié ce projet au collège il y a huit ans car, pour moi, l’essentiel est le « sharing of cultural heritage ». D’ailleurs, au collège, nous enseignons le Culture Studies. Une matière très enrichissante pour les Forme 1 au HSC qui leur permet de se familiariser avec toutes les fêtes culturelles et religieuses de l’île», explique ce dernier.
Ce concours, organisé chaque année depuis huit ans, et qui accueille des élèves de 28 classes de la Forme 1 au HSC, emmène le visiteur dans un univers à la fois décoratif et mystique, intimement lié aux croyances hindouistes. Les motifs sont parfois inspirés d’éléments naturels, mais il peut aussi s’agir de figures abstraites. Les symboles religieux de l’hindouisme sont aussi utilisés: le symbole Om, fleur et feuilles de lotus, oiseaux divers comme le paon, les mandalas qui représentent le monde intemporel en perpétuel recommencement et toujours en quête de renouveau. L’utilisation de fleurs comme la Marigold fait également partie des dessins exécutés par les élèves.
Nuances de couleurs parfaites
Ces dessins, il faut le reconnaître, sont très élaborés et soigneusement réalisés. Bien que les matériaux utilisés ne soient pas de qualité, le résultat est souvent spectaculaire et haut en couleur. Ici, chacun est libre de créer son motif, de choisir ses couleurs, d’opter pour des figures abstraites, s’il le veut, ou des motifs traditionnels. La plupart des participants utilisent du riz ou des grains secs (notamment le dholl), du curcuma, ou d’autres pigments naturels, qu’ils agrémentent parfois de pétales de fleurs, de perles, de poudre glitter. De grosses fleurs de lotus artificielles ou des bougies leds sont également utilisées dans la conception de leur rangoli.
En déambulant dans la cour, de rangoli en rangoli, nous découvrons des oeuvres très intéressantes, comme des dreamcatchers, d’autres dessins encore aux motifs floraux ou animaux (oiseaux, éléphants, papillons) frappent par leur originalité.
Les couleurs sont fraîches et gaies comme ces jeunes filles et garçons. Sur le sol, de riches coloris scintillent de mille feux et leurs associations sont réussies : jaune et orange pour ceux qui ont opté pour les couleurs chaudes, rose, mauve et bleu pour ceux qui préfèrent les couleurs froides.
Autour des rangoli, filles et garçons sont tous munis de sacs contenant du riz teintés de diverses couleurs, et très méticuleusement chacun remplit les motifs tracés à la main, de poudres de différentes couleurs. Petit à petit naît alors un dessin sur le sol. Des lampes à huile (diyas) sont ensuite allumées et les fleurs ou pétales de fleurs, placées à l’intérieur du rangoli. Comme pour honorer dieux et déesses qui portent leur regard du ciel vers la terre.
Une philosophie de la vie  
Si à Maurice le rangoli est un événement marquant les fêtes Gudi Padwa ou Divali, dans toute l’Inde, cette tradition ancienne de 5000 ans représente sans doute l’art décoratif le plus populaire en Inde. Un art éphémère qui est aussi un rituel que chaque femme en Inde pratique chaque jour pour célébrer le divin, protéger sa maison et accueillir ses hôtes. De nombreux types de dessins sont réalisés au sol à l’aide de poudre minérale ou végétale ou encore des réalisations décoratives utilisant des fleurs fraîches ou artificielles.
Au crépuscule ces représentations sont effacées et chaque matin, à l’aube, un dessin nouveau est exécuté. Traditionnellement, les femmes sont responsables de l’entretien et de la décoration du foyer, mais elles sont aussi garantes de la représentation des signes auspicieux, représentation sacrée du lien entre le microcosme et le macrocosme.
C’est aussi une philosophie de la vie : tout est éphémère dans ce monde. En effet, pour une forme d’hindouisme, l’homme naît et renaît jusqu’à pouvoir se libérer de ce cycle de renaissances qu’est le samsara. On retrouve de manière imagée cette croyance à travers le rangoli qui apparaît le matin et qui disparaît, puis qui renaît le lendemain et qui disparaît à nouveau et ainsi de suite.
Cet art porte plusieurs noms : il est appelé Kolam dans le Tamil Nadu, ChowkPurna Chowk Puja au Centre et au Nord de l’Inde, Ossa en Orissa, Alpana au Bengale occidental et Mandala dans le Rajasthan.
Une éphémère, certes, mais qui se renouvelle sans cesse.

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