Rapport du Foreign Policy Group- Dr Pascale Dinan : « La démence est un défi croissant chez les personnes âgées »

Maurice devrait entrer dans la catégorie de « aged society » dans cinq ans, avec 14% de la population âgée de 65 ans et plus, note le rapport

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« Selon le World Alzheimer Report 2009, il y avait environ 7 000 cas d’Alzheimer à Maurice. En 2018, ce nombre serait de 12 000. La démence est un défi croissant », observe le Dr Pascale Dinan, gériatre ayant contribué à l’Aging Readiness and Competitiveness Report (2018) du Foreign Policy Analytics (Washington D.C). Le rapport, qui vient d’être publié, cible cette année dix petites économies du monde, dont Maurice. Il souligne que notre pays « est devenu une société vieillissante en 2008, dépassant le seuil de 7% de la population âgée de plus de 65 ans, et devrait entrer dans la catégorie de “aged society” dans cinq ans, avec 14% de la population âgée de 65 ans et plus».

Le gouvernement a prévu que la population chuterait de 8% pour atteindre 1,16 million d’ici à 2041, fait ressortir le rapport du Foreign Policy Group, qui ajoute que le vieillissement accéléré du pays commence à remettre en cause la durabilité du système d’accès gratuit à la santé. La Dr Pascale Dinan, qui est aussi présidente de la Fédération internationale des associations de personnes âgées de l’océan Indien (FIAPA), a été sollicitée en mars dernier par un expert de Foreign Policy Analytics pour répondre à des questions sur le “Healthcare and Wellness” concernant les seniors à Maurice.

Le Foreign Policy Group a choisi dix pays avec des petites économies innovatrices, soit l’Australie, le Chili (Amérique latine), le Costa Rica (Amérique centrale), le Liban (Pays arabes), les Pays-Bas (Europe occidentale), la Nouvelle-Zélande, la Norvège (Europe du Nord), Singapour (Asie du Sud-Est), Taïwan et le plus petit pays, Maurice. Outre le Dr Dinan, le Foreign Policy Group a aussi contacté des Ong, telles l’U3AM, l’association Alzheimer Maurice, les Senior Citizen Councils et des responsables de clubs de séniors.

Le rapport précise que « Mauritius is leading the African region in proactively identifying aging as a critical issue for the health and competitiveness of its society and its economy ». Il souligne aussi la stabilité politique du pays, son « effective governance » et sa « rapid economic growth ».  Ce qui mérite d’être souligné, pour le Dr Dinan, c’est qu’à Maurice, « sur un plan de transition démographique, depuis une dizaine d’années, on est arrivé au niveau où les “baby-boomers” passent dans le groupe des aînés ». Elle poursuit : « En 2008, notre pays est devenu une société vieillissante en dépassant les 7% de plus de 65 ans. Nous allons entrer dans cinq ans dans la catégorie d’une société âgée. Les Etats-Unis ont mis 50 ans pour vivre cette transition démographique et Maurice a une longue tradition de soutien social : les Senior Councils, la pension universelle – qui est une bombe à retardement –, le Free Quality Health Care et l’Innovative program to take care of the elderly. »

La gériatre fait ressortir qu’il « ne faudrait pas que la vieillesse soit une political issue, mais qu’il faudrait qu’on reste neutre et que ce challenge de la population vieillissante soit attaquée de manière neutre et non de manière politique parce que la viabilité de notre système économique ne tolérera pas cela très longtemps ». Et cela, « c’est le FMI qui le dit ».

Qui s’occupera des séniors ? 

Parallèlement à ce changement démographique qui se dessine, le Dr Dinan souligne qu’il y a aussi un changement sur le plan sociétal. « On a un changement au niveau de la structure familiale et au niveau du développement économique. Il y a en effet de plus en plus de jeunes professionnels qualifiés qui émigrent. Donc, couplé à la population vieillissante d’un côté, la “workforce” diminue alors qu’il y a moins de naissances. La population nationale est en baisse. »

Se pose donc la question du maintien à domicile des personnes âgées. « Dans la gériatrie, on a une forte prévalence de maladies démentielles, la perte d’autonomie, le besoin d’une tierce personne d’être à la maison… Qui s’occupera de ces personnes ? Le maintien à domicile est souhaité par les aînés mais qui assurera ce maintien à domicile ? A-t-on suffisamment de Residential Care Homes ? Quand les enfants demandent aux médecins “comment fait-on derrière ? », la réponse ne devrait pas venir des professionnels de la santé mais du gouvernement, des initiatives d’organismes privés comme l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Il faut innover. La question des infrastructures est très importante », souligne-t-elle.

Selon la spécialiste, il y a d’autre part la question de la formation des médecins de famille, de jeunes étudiants qui s’intéresseront au domaine de la gériatrie et de la gérontologie. « Je suis aussi médecin scolaire et on organise des forums des métiers. De plus en plus, on intègre ces nouveaux métiers que sont les métiers de la gérontologie. Il y a la médecine mais il y a aussi tout le côté paramédical, animationnel, récréationnel, podologique, etc. autour des personnes âgées. »  

« Qu’en est-il de l’employabilité des séniors qui ont un certain niveau de qualification et qui ont en plus acquis de l’expérience ? Dans les “Updates” de l’Aging Policy de Maurice, il est mentionné que le gouvernement essaiera de promouvoir l’employabilité des séniors. Qui dit employabilité des séniors dit aussi repousser l’âge de la retraite. La FMI dit qu’il faut pousser l’âge de la retraite car autrement, le système n’est pas viable. Mais politiquement, cela pose problème… Il faudra aussi combler le fossé en ICT pour les seniors. Il y a eu des initiatives de caravanes roulantes à ce niveau,» se demande-t-elle. Autant de questions qui méritent,que le gouvernement accorde toute son attention.

Autre point fort de ce rapport : en 2011, 30% des personnes âgées vivaient à domicile de manière indépendante, seules ou avec leur conjoint, contre 22% en 2000. « C’est une croissance considérable. On est aujourd’hui assis sur une bombe à retardement dans le sens où avec le changement familial – l’éclatement des “extended families” et surtout l’augmentation de l’espérance de vie – la question à savoir de qui s’occupera de nos vieux se pose. Il faut donc anticiper… » estime-t-elle.

Cette dernière souligne aussi : « L’extension de l’âge de la retraite est une “political issue”, même si cela peut avoir un énorme impact économique. À partir de 60 ans, riche ou pauvre, on a droit à Rs 5 800. À partir de 90 ans, Rs 15 000, et à 100 ans, c’est 20 000. Or, le nombre de centenaires et de super-centenaires augmente. Pas moins de 48% de l’argent de la Basic Retirement Pension va aux plus riches de la société alors qu’on aurait pu distribuer cela à ceux qui en ont vraiment besoin. »

S’agissant des soins disponibles pour les séniors, elle maintient qu’il faut bien  faire la distinction entre l’augmentation de l’espérance de vie et l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé. « L’écart entre l’augmentation de l’espérance de vie et l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé est en train de grandir. En 2016, à Maurice, à 60 ans, il y avait 20,7 ans encore à vivre et 15,9 ans à vivre en bonne santé. Les raisons de cet écart est que les problèmes infectieux sont en nette baisse. Par contre, on a une augmentation de “non communicable diseases” (diabète, hypertension, cholestérol, mais aussi la démence). La démence est un défi croissant et le gouvernement le reconnaît. Selon le World Alzheimer Report 2009, il y avait environ 7 000 cas de démences d’Alzheimer à Maurice. En 2018, on aurait environ 12 000 patients atteints de ce type de démence. »

Si à Maurice le Health Care System est gratuit, de même que celui aux hôpitaux régionaux et aux Community Health Centres, « qu’en est-il de la facilité d’accès ? » se demande-t-elle en pousuivant: « beaucoup d’aînés se plaignent en disant que beaucoup de bus sont passés mais, parce que je suis vieux et que je prends du temps, ils ne me prennent pas. Qu’en est-il aussi de la qualité de nos trottoirs, des risques de chute ? » Elle reconnaît aussi ds facilités médicales pour les personns âgées en soulignant que tout n’est pas rose, tout n’est pas sombre non plus ».

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