RÉINSERTION DES DÉTENUS: La perche tendue par l’ONG Élan

Un groupe d’officiers de l’univers carcéral africain (Kenya, Somalie, Burundi et Ouganda) a rendu visite mercredi aux ex-détenus qui travaillent sur la ferme intégrée de l’ONG Élan. Le temps de découvrir et comprendre comment certains de ces anciens prisonniers, hommes et femmes, parviennent à garder la tête hors de l’eau. Un échange qui a été fructueux tant pour les visiteurs étrangers que les responsables d’Élan, les anciens détenus et les officiers Mauriciens de la prison qui ont participé à cette activité.
Cateline, 43 ans, et Fakruddin, 40 ans, sont en couple. Chaque matin, ils rallient un petit quartier de la banlieue de Port-Louis et Chebel, où ils bossent toute la journée à faire pousser des plantes et élever des animaux… Les deux se sont rencontrés alors qu’ils suivaient un traitement à la méthadone, en 2008. Ces anciens toxicomanes et détenus arrivent tous les jours dès 07 h 30 à Chebel où se trouve la ferme intégrée d’Élan. Cateline s’attelle, avec le concours d’autres amis anciens détenus, dont Nadine, à « nettoyer le container qui nous sert de mess », tandis que Fakruddin rejoint les autres au champ… Mission : « Labourer, planter, arroser… Chaque jour, nous avons à prendre soin des plantes mises en terre ». On trouve là lalos, cotomili, piment, poivrons, brèdes… Actuellement, ils sont 17 anciens détenus qui sont à l’oeuvre, chaque jour, sur cette ferme, conjuguant leurs efforts contre quelques sous, et mettant en même temps à profit quelques connaissances acquises alors qu’ils se trouvaient derrière les barreaux.
La ferme intégrée d’Élan, terrain fourni à bail par la compagnie sucrière de Médine depuis 2001, comprend cinq arpents. « Mais nous ne pouvons travailler, valeur du jour, que deux arpents », explique la responsable de l’ONG, Eileen Marie. Cela, souligne-t-elle, car « nous ne disposons pas de suffisamment de financement pour faire fonctionner la ferme de manière optimale ». La « mère courage » d’Élan, qui a repris avec beaucoup de brio le flambeau de feu Lindsay Aza, fondateur de cette ONG, fait ressortir que « fin 2016, ce projet qui est parrainé par le NGO Trust Fund arrive à expiration… Nous espérons que notre appel sera entendu et que d’ici là, d’autres mécènes se manifesteront (voir plus loin) ».
Ayant étudié jusqu’en HSC au Collège St Esprit, Fakruddin est aussi d’un certain apport aux bénévoles d’Élan pour ce qui est de quelques tâches administratives. D’ailleurs, l’homme s’est aussi distingué en prison, ainsi que le souligne le Prison Principal Welfare Officer, Sudesh Ramessur, qui accompagnait la délégation mercredi : « Fakruddin fait partie de ces ex-détenus qui font preuve de beaucoup d’applications et d’efforts dans un souci de réinsertion. Il a beaucoup progressé, dès l’intérieur de la prison, et a été de ceux qui ont appris une foule de choses… Entre autres, il était du groupe qui a confectionné les uniformes pour les officiers pour la grande parade de la fête nationale ! »
Nadine, 33 ans, également sur méthadone et qui est connue des services de la prison, confirme qu’« en prison, on nous donne la chance en effet de pouvoir nous en sortir. Se a nou pou fer zefor la… Me san bann dimounn kouma Mme Marie, nou pa pou kapav. Bizin enn sime ouver ». Elle et Cateline sont toutes deux mères de plusieurs enfants. Nadine a six enfants : Anaïs (16 ans), Eloanne (12 ans), « qui a été adoptée par un couple en France », Alexia (10 ans), Emmanuel (9 ans), Djamel (6 ans) et Bradley (3 ans) ; et Cateline, quatre : Samuel (22 ans), Sabine (16 ans), Emilie (14 ans) et Kelino (8 ans). Les deux ne peuvent pour l’heure vivre avec leurs enfants, de par la précarité de leur situation. Ce sont leurs mères et belles-mères qui s’en occupent. Mais le but de chacune, comme le résume Cateline, « se ena enn lakaz kot toute la famille kapav viv, manze, boir, travail ensam… » Pour y parvenir, elles font « beaucoup d’efforts », affirme Eileen Marie.
Mais c’est loin d’être suffisant. « Tous les partenaires, à savoir le gouvernement, les ONG ainsi que les compagnies du privé devraient soutenir de tels projets », estiment Mme Marie et M. Ramessur. Les officiers étrangers et mauriciens qui ont rendu visite aux bénéficiaires d’Élan ont manifesté beaucoup d’intérêt au sujet des conditions dans lesquelles les anciens détenus sont amenés à réintégrer la société active. La visite à la ferme intégrée d’Élan les a « beaucoup aidés. Cela fait partie des échanges de connaissances et de bonnes pratiques que nous encourageons », a expliqué Sudesh Ramessur.

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