RELIGION : L’histoire provinciale anglicane dans le sud-ouest de l’océan Indien

Depuis 1973, les diocèses anglicans dans le sud-ouest de l’océan Indien sont organisés en Province, comme cela est le cas dans l’ensemble de la Communion anglicane. « La Communion anglicane fonctionne en Province sous un Archevêque », soulignait Mgr Rex Donat, ancien évêque de Maurice. (1). « Les diocèses qui avaient proliféré à travers Ie monde entier grâce au développement missionnaire se regroupaient en provinces, chacune ayant son propre primat ou archevêque, chacune étant autonome, indépendante de I’Eglise-Mère d’Angleterre en ce qu’il s’agissait de la nomination de ses évêques, du règlement du culte, et de la gérance de ses finances », (2) élaborait Mgr Trevor Huddleston.
Il est certain que ce développement a été un tournant pour les diocèses anglicans dans cette région du monde. Mgr Trevor Huddleston considérait l’avènement de la Province ecclésiastique de l’océan Indien (POI) comme une avancée considérable pour les diocèses anglicans du sud-ouest de l’océan Indien. « Manifestement, la création d’une Province autonome, la Province de l’océan Indien dans les années 1970 a aidé à consolider l’identité de l’Eglise anglicane. » (3).  Au départ, la POI regroupe cinq diocèses — les diocèses de Maurice, d’Antananarivo, de Toamasina, d’Antsiranana et des Seychelles. De 1973 à 2017, six archevêques se sont succédé à la tête de l’archiépiscopat anglican de l’océan Indien — Edwin Curtis (1973-1976), Trevor Huddleston (1977-1983), French Chang-Him (1984-1995), Remi Raberinina (1995-2006), Ian Ernest (2006-2017) et James Wong Yin Song (2017- ?). Depuis 2013, pour une question de visibilité, la POI porte le nom de «L’Eglise Anglicane de l’océan Indien ».
Les deux premiers archevêques, Mgrs Curtis et Huddleston
En avril 1972 les trois évêques de Madagascar, Mgr Jean Marcel d’Antananarivo, Mgr Gabriel Josoa de Diégo-Suarez, et de Mgr James Seth de Tamatave, et celui de Maurice, Mgr Edwin Curtis se rencontraient à Diégo-Suarez (Antsiranana aujourd’hui) pour élire le premier Archevêque de la province naissante. Le choix fut porté sur Mgr Edwin Curtis, évêque de Maurice, en reconnaissance du parrainage que le Diocèse de Maurice avait offert dans le temps pour l’organisation de la mission anglicane à Madagascar. « La nouvelle de son élection a été rendue publique à Maurice le 5 mai 1972. » (4) C’est donc fort de ses cinq diocèses-Antananarivo, Toamasina et Antsiranana à Madagascar, les Seychelles et l’Île Maurice — que la Province de l’océan Indien est inaugurée en l’église anglicane de St Andrew’s à Quatre-Bornes le mardi 27 mars 1973.
Au départ de Mgr Curtis en 1977, la charge archiépiscopale est confiée à Mgr Ernest Urban Trevor Huddleston. « C’est un archevêque avant-gardiste que la Province de l’océan Indien (POI) trouve en la personne de Mgr Trevor Huddleston, celui qui considérait l’avènement de la POI comme une avancée considérable pour les diocèses anglicans du sud-ouest de l’océan Indien. » (3) Un coup d’oeil rapide sur son archiépiscopat. En juin 1982, les différentes organisations qui veillaient aux intérêts de l’Eglise à Madagascar, à Maurice et aux Seychelles se rencontraient pour s’accorder sur une mise en commun de leurs ressources et de leurs campagnes de lever de fonds. C’est ainsi que la Madagascar Mission Association et le Home Association & Friends of Mauritius and Seychelles fusionnaient en une seule association, la Province of Indian Ocean Support Association (PIOSA). Mgr Alan Rogers est nommé président de la nouvelle association et les membres en vue qui avaient siégé sur les conseils d’administration des associations précédentes sont nommés sur le nouveau comité de la PIOSA.
En septembre 1982, l’archevêque Huddleston organisa une Partners-in-Mission Consultation à Maurice où le diocèse des Seychelles ainsi que les diocèses de Madagascar sont invités. A ces délégués s’ajoutaient d’autres venant de l’Angleterre, de l’Australie, du sud de l’Inde, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, et de la Birmanie. Les sessions de travail se sont déroulées au Foyer de l’Unité à Souillac du 20 au 25 septembre. Le thème débattu, « The role of a minority Church », donna l’occasion aux participants de se pencher sur de nombreuses questions couvrant « la théologie, l’oecuménisme, le dialogue interreligieux, l’évangélisation des marginaux de la société tels les prisonniers, les alcooliques et les mères célibataires. » (5) Les relations Eglise/Etat firent l’objet de débats et la’PiM Consultation’soutint que l’Eglise doit être vigilante et s’en tenir fermement à sa croyance que « l’homme a été créé à l’image de Dieu », et, de ce fait, elle doit dénoncer les atteintes à la dignité et à la liberté de l’homme. Un devoir qui s’incombe à la fois au clergé et au laïc. On considère positivement le mandat archiépiscopal de Mgr Trevor Huddleston. « Il avait fait beaucoup pour la Province, en particulier en ce qui concerne la consolidation des collèges théologiques à Maurice et à Madagascar. » (Idem)
L’archevêque French Kitchner Chang-Him en poste
Le 28 juillet 1985 Mgr Chang Him, évêque des Seychelles, fut intronisé comme le nouvel archevêque de la Province de l’océan Indien. Il faut dire que le nouvel archevêque n’allait pas en terre inconnue en acceptant la charge de la POI après le passage à ce poste de deux expatriés, Mgr Edwin Curtis et Mgr Trevor Huddleston. C’est ce qu’il confiait dans un entretien accordé au chanoine Lala à l’issue de ses deux mandats (1984-1995) à l’archiépiscopat de la POI : « J’avais eu la chance d’être étroitement associé à la Province depuis sa création en 1973. J’avais répondu présent à toutes les réunions provinciales et j’avais eu l’occasion de me rendre dans chacun des diocèses de la Province. Ainsi, je connaissais très bien tous ceux avec lesquels j’allais travailler. D’autre part, ayant été le représentant de la Province sur le Conseil Consultatif Anglican, j’avais côtoyé dans des conférences à l’étranger un grand nombre de personnes de toute la Communion anglicane. Ensuite, en tant que doyen de la Province, ce alors que je faisais l’intérim à la POI au départ de Mgr Trevor Huddleston, j’avais participé à une réunion des archevêques de toute la Communion anglicane, et, de ce fait, je connaissais tous les archevêques de la Communion au moment de ma nomination comme archevêque de la POI. Toute cette expérience acquise et toutes ces rencontres étaient très importantes pour moi. Je n’entrais pas dans un monde inconnu au moment où je fus désigné comme le premier primat du sud-ouest de l’océan Indien à succéder à Mgr Trevor Huddleston. » (6)
L’une des décisions majeures qui fut prise sous l’archiépiscopat de Mgr French Chang Him en 1987, se rapporte aux centres de formation pour le clergé dans la Province. Il fut décidé de n’en opérer que deux, l’un à Madagascar, le Collège Théologique de St Paul d’Ambatoharanana, l’autre à Maurice, le Collège Théologique de St Paul de Rose-Hill. Ce qui mettait fin au projet de créer le Collège Théologique de St. Philip aux Seychelles pour la formation des jeunes seychellois à la prêtrise. Puis, la Chambre des Evêques s’est réunie le 10 octobre 1989 et reconduisait Mgr French Chang-Him à la fonction d’archevêque de la Province de l’océan Indien pour un nouveau mandat de cinq ans. En cette conjoncture, Mgr French Chang-Him se livra à un véritable mea culpa en ce qui concerne la stagnation qui guettait la Province au-delà de quelques signes encourageants : « En premier lieu, tous les cinq évêques, le chancelier et le secrétaire ecclésiastique sont nouveaux. L’Union des Mères et le réseau Jeunesse existent aujourd’hui au niveau provincial. Pour la première fois dans l’histoire de la Province, les étudiants en théologie se réunissent sous un même toit, et nous nous sommes dotés d’un comité d’éducation théologique provincial. La plupart des diocèses se sont dotés d’une constitution. Ce sont là des signes encourageants que la Province se construit graduellement un réseau interne constitué de divers groupes et organisations et tente de mettre de l’ordre dans la maison.
« Toutefois, nous devons attirer l’attention sur une ou deux situations inquiétantes. La Province n’a pas réussi à initier un projet susceptible de générer des revenus qui permettra de rompre la chaîne de quasi-dépendance sur l’assistance financière émanant de l’étranger pour assurer sa survie. Notre maillon faible se trouve dans l’absence d’une étude de faisabilité sur le long terme à même de nous éclairer sur une stratégie pour sortir la tête de l’eau. Nous devons identifier les causes de cette stagnation et y porter les remèdes appropriés. »
Mais tout n’allait pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. « Quelques années plus tard, la tension des différences provoqua l’éclatement de la Province avec les diocèses de Madagascar voulant former une Province malgache sans les Seychelles et Maurice ! » (1) Mgr Joseph Rémi Raberinina de Madagascar
Le successeur de Mgr French Chang-Him à la direction de la Province de l’océan Indien fut l’évêque malgache Mgr Joseph Rémi Raberinina. « L’élection du premier archevêque malgache de la Province de l’océan Indien en la personne de Mgr Remi Raberinina est accueillie comme il se doit dans son fief d’Antananarivo, ne s’attendant pas lui-même à être accueillie, avec son épouse, dans une explosion de joie si spontanée, par une foule monstre à l’aéroport d’Ivato et à la cathédrale St. Laurent. » (6) Mgr Raberinina eut à gérer toute la question relevant de la création de deux provinces distinctes dans le sud-ouest de l’océan Indien. Dès son élection en mars 1995, la question vint sur le tapis au cours de la première réunion synodale qu’il présida. Les délibérations du synode furent dominées par la motion émanant des quatre évêques malgaches à l’effet que les quatre diocèses de Madagascar fussent détachés des diocèses de Maurice et des Seychelles pour former une nouvelle province, la Province de Madagascar qui qui serait autonome de la Province de l’océan Indien. En clair, la Province de l’océan Indien n’engloberait dès lors que les diocèses de Maurice et des Seychelles.
La question fut portée devant les membres d’un comité d’organisation qui était chargé de trouver une sortie de l’impasse dans laquelle la Province de l’océan Indien s’était mise. « Une solution possible est de mettre sur pied deux provinces locales (internes) au sein de la Province, l’une pour regrouper les diocèses malgaches, l’autre les diocèses de Seychelles et de Maurice » (7). De cette manière, l’intégrité de la Province serait sauve, et chacune des deux provinces locales jouirait d’un large degré d’autonomie. Toutefois, cette solution de compromis ne fut pas retenue et la Province de l’océan Indien continua à exister telle quelle.
Incontestablement, le joyau dans la couronne de l’archevêque Remi a été la création du septième diocèse de la Province, celui de Fianarantsoa en novembre 2008, qu’il saluera lui-même en ces termes : « La voiture est sur le rail, le moteur est en marche, le conducteur est à son poste ; l’impondérable demeure : atteindra-t-on la vitesse de croisière ? Vos prières sont instamment requises ! » (6) Le mandat de Mgr Remi Raberinina à la Province de l’océan Indien prit fin début 2006, année où il passa le relais à Mgr Ian Ernest. Avec cette nouvelle nomination, l’archiépiscopat de la Province de l’océan Indien revenait au diocèse de Maurice qui l’avait assumé de 1973 à 1983.
L’archiépiscopat de Mgr Gerald James Ian Ernest
L’élection de Mgr Ian Ernest comme archevêque de la Province de l’océan Indien fait date dans l’histoire de Maurice puisque c’est la première fois qu’un Mauricien occupe cette fonction, mais il s’empressera de rassurer qu’à la POI « il n’y a ni Mauricien, ni Seychellois, ni Malagasy… il y a des enfants de Dieu en mission dans cette partie du monde, dans la commission anglicane. » (8) Dès le départ, le nouvel archevêque donna son appui à la création d’un huitième diocèse malgache, celui de Tuléar (Tolaria). Le diocèse de Tolaria fut effectivement créé le 21 avril 2013 sous le second mandate de Mgr Ernest, portant le nombre de diocèses malgaches à huit dans toute la Province, et Mgr Todd McGregor en fut installé évêque. « Cinq cents personnes venaient de tout le diocèse de Tolaria et de Madagascar aussi bien que des représentants de People Reaching People du diocèse de Cantorbéry, du diocèse anglican de Maurice, du diocèse du sud-est de La Floride… pour célébrer la création du tout dernier diocèse de la Communion anglicane », écrivit avec enthousiasme Mgr McGregor. (9) Tout en remplissant ses devoirs provinciaux, l’archevêque Ian Ernest s’acquittait avec sérieux de ses obligations au niveau international — en sa qualité de Président du CAPA (Council of Anglican Provinces of Africa), de secrétaire général de Global South et vice-président du Design Group de la Conférence de Lambeth 2008 (tâche que lui avait confiée personnellement l’archevêque de Cantorbéry Dr Rowan Williams). Ce n’est guère surprenant que la prestigieuse décoration’La Croix de St Augustin’lui fut alors remise par Dr Rowan Williams pour son dévouement et zèle au stage préparatoire en amont de Lambert 2008.
« La Croix de St Augustin a été créée par l’archevêque Michael Ramsey. Elle a été attribuée pour la première fois le 19 février 1965. C’est un médaillon circulaire portant une réplique de la Croix de Cantorbébury remontant au 8e siècle côté face et une gravure de la chaise de St Augustin côté pile. » (10) Cette décoration a été attribuée à des membres du clergé et à des laïcs des églises à l’étranger qui ont contribué de manière remarquable à la promotion des rapports amicaux avec les églises de la Communion anglicane. Plus récemment, elle a aussi été remise pour service méritoire au sein de l’Eglise d’Angleterre ou la Communion anglicane et à ceux qui ont contribué à la promotion des rapports entre diverses confessions chrétiennes et églises. L’archevêque Ian a dédié sa décoration à son clergé, à l’ensemble de son diocèse et à la Province de l’océan Indien.
Le dimanche 27 août dernier, Mgr Ian Ernest a passé la charge archiépiscopale de’L’Eglise Anglicane de l’océan Indien'(nom que porte la POI depuis 2013 pour une question de visibilité) à Mgr James Wong Yin Song.

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