RENCONTRE AVEC MARIO RAMSAMY ET ZULU : Métisse, ô ma maîtresse !

Quand Gabriella croise Les démons de minuit s’ensuit un Corps à corps où l’effet Feel Good est immédiat. C’est ainsi que Mario Ramsamy et Zulu ont créé La Métisse, un chant de liberté imaginé à Mahébourg et qui a pris corps à la fois à Maurice et en France. Un des titres phares de 2013 chez nous, la chanson s’en ira prochainement à la conquête de l’Europe.
Il y a quelques jours, le chanteur du groupe Images est rentré au pays pour le tournage du clip. Il a aussitôt revu Zulu, pour qui il a de grandes ambitions. Nous avons assisté aux grandes retrouvailles…
De longs mois se sont écoulés depuis leur dernier face-à-face. Mais entre Mahébourg et La France, la communication ne s’est jamais interrompue depuis la première rencontre au bord de l’eau, il y a deux ans. Dès cet instant, ils ont pris la même vague, devenant compagnons de voyage pour voguer vers le large.
Mario Ramsamy et Zulu l’ont toujours su : au loin, il y a des trésors enfouis qui attendent, de nouvelles sonorités à exposer au soleil. Au bout des milliers de kilomètres qui les ont ensuite séparés, chacun a puisé dans son monde pour faire progresser leur expédition musicale. Les recherches ont été fructueuses. Elles ont finalement accouché une musique mélancolique et joyeuse, partagée entre tradition et modernité, portée par enn lanvi liberte, enn foli melanze, enn plezir partaze. Symbole d’un melanz tou kouler ki travers tou bann frontier, La Métisse a conquis, exaltant le charme sauvage d’une belle maîtresse dont la fraîcheur naturelle envoûte et ravive les fantasmes endormis et les pulsions contenues. Dans ce Corps à corps, elle couvre de sueur Les démons de minuit venus étreindre Gabriella dans une composition sensuelle posée sur une musique fougueuse ayant la chaleur de l’érotisme.
Boukou dimounn ti vinn gete ki pe arrive laba; 2013 est déjà marquée de son sceau. Les années qui suivront bougeront à son rythme et s’imprégneront du concept qu’elle porte dans ses entrailles.
 
Retrouvailles.
Cela s’est passé la veille de Noël : à l’ombre des grands palmiers du Port-Louis Waterfront, deux hommes s’enlacent, s’embrassent dans un grand élan fraternel pour marquer leurs retrouvailles. Ils partagent désormais un destin commun. Ils parlent d’eux en se donnant du “Zulu ek mwa” ou du “Mario ek mwa”.
À peine se sont-ils installés à l’une des tables d’un des restos-pubs que la discussion devient passionnée. Malgré les appels téléphoniques passés “deux à trois fois par semaine”, il leur reste encore beaucoup de choses à partager. Par hasard, comme pour conférer une ambiance aux retrouvailles, les haut-parleurs d’un resto voisin égrènent les premières notes de leur création. Jouée en boucle en cette période de fêtes, La Métisse est fière. Elle rayonne sous le soleil de l’été et le succès l’embellit.
Zulu s’arrête. La chanson, il l’a écoutée à maintes reprises, l’a chantée plusieurs fois. “Aujourd’hui, c’est la première fois que je ressens une telle fierté en l’écoutant avec Mario à côté de moi.” Comme pour toute première fois, l’émotion est forte. Mario Ramsamy revient à la genèse : “Ti kouma dir mo ti tom amoure. Cela a été exactement comme un coup de foudre… C’est ça, un coup de foudre.”
 
La rencontre.
Assis à côté, Zulu sourit. Ce sentiment, il l’a aussi ressenti. Cela s’est passé il y a deux ans sur la plage du Shandrani, où le Mahébourgeois propose des balades en bateau aux touristes. Martine Jasmin, employée de l’hôtel, avait vivement encouragé Mario Ramsamy, qui s’y trouvait en vacances avec ses enfants, à rencontrer le personnage. C’est ainsi que l’auteur des Démons de minuit est venu à la rencontre de celui de Tir bouson. “So karism inn tous mwa. Sa voix, sa musique, sa personnalité m’ont séduit dès l’instant qu’il m’a fait faire une balade sur son bateau pour que nous fassions connaissance. Le soir, j’ai dîné chez lui et je l’ai écouté avec ses musiciens.”
Après la belle expérience qu’avait été BlackmenBluz et le Sunshine Gang, le temps était venu pour que Zulu “s’affirme seul”, avait conclu Mario Ramsamy. Quant à lui, après 35 ans de carrière en France, le temps était venu d’effectuer un retour aux sources. Zulu était l’occasion rêvée.
“Li ti vinn avek enn ta papie”, rigole Mario Ramsamy. Zulu avait retenu un studio pour une première ébauche, après l’incroyable proposition que lui avait faite son nouvel ami. Parmi les textes présentés, La Métisse, dont la mélodie a alors été composée. Puis, les vacances ont pris fin. Il était temps de passer aux choses sérieuses.
 
Electro et acoustique.
En 1986, l’enfant de Roche Bois, qui a grandi non loin du Camp Zulu de Kaya, s’est révélé un visionnaire, un précurseur. Avec le soutien de Jean-Louis Pujade, il a été parmi les premiers à faire entrer la chanson française dans les discothèques. Les démons de minuit était restée treize semaines (un record !) en haut des charts français et avait été élu “Disque de l’année” à Maurice. Ce titre indémodable, Mario Ramsamy l’avait imaginé dans une version electro. Il fit de même pour La Métisse.
À Maurice, Zulu a travaillé une version acoustique du même morceau en y intégrant des percussions traditionnelles, entre autres, avec le soutien de Richard Hein. Un travail qui a réellement séduit Mario Ramsamy lorsque ce dernier l’a eu entre les mains. Il a alors mélangé le meilleur des deux versions pour arriver au single lancé au milieu de 2013 et qui figure sur l’album Zulu. “Se enn vre metis”, confie Zulu. Se enn melanz parfe entre ma musique qui vient d’Europe et celle de Zulu, qui est une pure souche de ce que la musique mauricienne représente”, complète Mario Ramsamy.
 
Séduire la France.
“Ça me fait tout bizarre ! Dimounn pa ti pou atann qui enn zour Mario Ramsamy ti pou sant an kreol”, confie-t-il. La Métisse l’a replacé en haut des charts mauriciens 27 ans après le succès des Démons de minuit, de Corps à corps, de Maîtresse
Dans quelques jours, les deux chanteurs seront devant les caméras pour tourner leur clip. C’est aussi un peu pour cela que Mario Ramsamy se trouve à Maurice. Ce clip, il le présentera également en France et en Europe, convaincu du succès qui l’attend. La Métisse a été pensée pour que la masse l’apprécie. Je veux en faire un grand tube en France. À travers elle, je ferai aussi connaître mon pays, ma culture et Zulu. À 58 ans, après toute une carrière en France, le temps est venu qu’il en soit ainsi.”
Il salue au passage le succès que connaît en ce moment Alain Ramanisum avec Li tourne, “qui passe dans toutes les discothèques en France”. Mario Ramsamy estime que le moment est propice pour que la musique de Maurice décolle enfin en Europe. “Mo espere ki mo va gagn lokazion zwenn Alain Ramanisum. Entre artistes mauriciens, il ne doit y avoir aucune concurrence. Plis nou ser nou koud, plis nou va avanse.”
 
Plus près des étoiles.
Sur son téléphone, Mario Ramsamy nous montre le calendrier des concerts donnés par Emile et Images ces dernières semaines. Par nostalgie peut-être, mais certainement parce que leur musique a marqué les esprits de manière indélébile, le groupe profite à nouveau des frissons du succès. En sus d’une participation dans le film de Frédéric Forestier, Stars 80, notre compatriote a fait toutes les grandes scènes de France, le Stade de France et, trois jours avant son arrivée à Maurice, il a chanté devant 18,000 spectateurs à Bercy. “Cela a été un autre moment de délire. Les gens criaient, les spectatrices s’agrippaient à mon pantalon devant la scène.”
Un temps de pose, une pointe d’incompréhension dans la voix : “Ça aurait dû être la même chose pour Zulu. Il a tout ce qu’il faut pour être traité comme une vraie star.” Ce dernier a quitté la table et s’est éloigné pour finaliser une transaction avec un touriste souhaitant faire la visite des eaux de Blue Baie. Malgré le succès de son album et de ses précédentes créations, l’homme ne peut toujours pas envisager de vivre exclusivement de sa musique. Mario Ramsamy insiste. Il a d’autres ambitions pour son ami : “Mo anvi ki Zulu gagn enn stati star. Qu’il soit respecté comme un artiste complet qui a un vécu, une créativité.”
 
17 milllions.
Mais Zulu le lui rappelle : le contexte mauricien ne s’y prête pas. L’homme a eu tout le mal du monde pour coproduire son album, présenté comme l’une des oeuvres phares de 2013. Pour sa part, Mario Ramsamy sent qu’il sera bientôt temps de rentrer à Maurice, où il espère aider au développement et à la professionnalisation du secteur. La vie lui a appris à être optimiste et à savoir que tout est possible : “Mo pa krwar dan destin. Mo krwar ki sak pie ki nou plante amenn so fri. Je suis né à Roche Bois, au coeur de la misère. Un jour, un oncle est venu d’Angleterre avec son épouse, une Anglaise. Il disait avoir son propre garage là-bas. J’étais encore un enfant; j’ai compris qu’il était possible de rêver d’ailleurs et d’y réussir. J’ai tout fait pour y aller et je suis parti.”
Là-bas, il s’est fait un nom, a vendu 17 millions d’albums. Rien ne lui semble donc impossible. “Zulu n’est pas quelqu’un à plaindre. C’est une personne qui a une vraie envie de bonheur et qui a envie d’ailleurs.”
 
Li kriye liberte.
Maurice s’en est bien sorti tandis que l’Europe affrontait durement la crise, analyse Mario Ramsamy. Les infrastructures se modernisent, la pauvreté doit être combattue. Le développement du pays ne pourra se faire qu’à travers l’ouverture sur le monde. Parmi nos atouts, “nou ena enn son orizinal ki kapav exporte”.
Mario Ramsamy prend Zulu dans les bras, l’embrasse, l’encourage à être positif. Les deux hommes sourient de bon coeur. Jusqu’en janvier, ils joueront sur un même accord pour donner vie à leur chanson devant la caméra. La Métisse, ce chant qui crie “Liberte” et qui se veut symbole du renouveau et de la diversité qui portera le monde en avant.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -