Rescapée d’un accident de la route : Marianne Sarah Vieillesse crée une association pour les victimes

La première du genre, l’Association Sarah, est ouverte à tous ceux qui ont besoin d’un accompagnement psychologique et de conseils après un accident

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Parce qu’elle connaît le parcours d’une rescapée d’un accident de la route et qu’elle y a perdu son frère, « son tout », ce jour-là, Marianne Sarah Vieillesse veut tendre la main à tous ceux qui, comme elle, ne sortent jamais indemnes d’un tel drame. Épaulée par des professionnels du monde médical, légal, entre autres, elle a créé une association qui propose d’accompagner bénévolement des personnes, victimes, rescapées et proches, dont la vie a été bouleversée après un accident de la route, selon leurs besoins. Loin d’être une thérapie personnelle, cette initiative, nous dit la fondatrice de l’Assosciation Sarah, relève d’une réflexion bien mesurée et basée sur une douloureuse expérience dont beaucoup font face, parfois dans la solitude.

« J’ai 43 ans, Giovanni en a 40 ans et Yannick, le petit dernier, a 35 ans. » Quand Marianne Sarah Vieillesse parle de sa fratrie, elle emploie le présent en évoquant son frère cadet. Pourtant, cela fera deux ans en avril depuis que Giovanni est décédé après un grave accident de voiture. » Il vit en moi. Il est là », confie Marianne Sarah Vieillesse en touchant son coeur. « Mon deuil ? Je ne l’ai pas encore fait », poursuit-elle. Mais, malgré la douleur encore vive, son cœur meurtri et ses larmes invisibles, Marianne Sarah Vieillesse est désormais prête à accomplir une mission qu’elle s’était donnée quelque temps après le départ de son frère. Il s’agit de la création d’une association dont l’objectif sera d’accompagner tous ceux, victimes ou leurs proches, touchés par un accident de la route entraînant la mort, ou non.

« Il est mon tout !   Il est moi ! »

Mettre ce projet en place tant qu’elle n’avait pas encore franchi un pas important dans le processus de son rétablissement émotionnel et physique aurait été impossible. « Ce sont des amis qui m’ont soutenue constamment qui m’ont dit quand j’étais réellement prête. Eux le savaient. » Ce jour-là, raconte Marianne Sarah Vieillesse, elle s’était recueillie sur la tombe de son frère, pour la première fois, un an et demi après le décès de celui-ci. Deux de ses amis l’avaient accompagnée. « J’ai hurlé. J’ai pleuré comme je ne l’avais pas encore fait. Je me suis lâchée. Durant tout le temps que je criais ma tristesse, mes amis sont restés à l’écart pour que j’extériorise ce que j’avais sur le cœur. Ce n’est qu’à partir de là qu’ils m’ont dit que je pouvais aller de l’avant. C’est ce que j’ai fait », confie encore notre interlocutrice.

Marianne Sarah Vieillesse, c’est le genre de femme dynamique au gouvernail de sa compagnie et de sa vie. Jusqu’au jour de cet accident tragique, l’habitante de Plaisance, Rose-Hill, vivait au rythme des grands trails auxquels participaient ses clients. Cette mère de deux enfants, qui a travaillé pendant un certain temps dans l’hôtellerie, connaît bien le secteur du tourisme. Il y a quelques années, elle décide de se lancer dans une nouvelle aventure. Elle ouvre une agence où elle propose la prise en charge des vacanciers passionnés de trail. De l’endurance elle en a, de la fougue et des compétences, elle en dispose. Mais pour valider son choix, personne d’autre que son “Gio” ne saurait le faire. « Il est mon tout ! Il est moi ! » dit-elle. Entre eux, c’est une relation fusionnelle. Pour toute décision, de la plus petite à la plus importante, la sœur et le frère se consultent toujours. La bénédiction de son frère acquise, la jeune femme commence alors sa nouvelle course

Le 21 avril 2018, Marianne Sarah Vieillesse est à bord de sa voiture en route pour l’aéroport. Elle s’envole pour Rodrigues dans le cadre d’un trail. Mais ce matin-là, contrairement à ses habitudes, elle avait accepté de céder le volant à son frère, Giovanni. Des éclats de rire et des discussions animaient le trajet, « jusqu’au moment où il y a eu ce grand bruit, comme une explosion » sur la route glissante aux environs de Mare d’Albert.

Le reste relève du cauchemar. Des images insoutenables pour elle défilent encore. Si elle peut bouger, en revanche, Giovanni Sarah non. Elle lui tient la main. Il puise dans le peu de force qu’il a pour serrer celle de sa sœur. « On voulait me retirer de la voiture. Mais j’ai refusé. Je ne voulais pas le laisser seul. » Les secours, se souvient Marianne Sarah Vieillesse, mettent peu de temps à arriver. Quelques jours plus tard, Giovanni Sarah décède. Pour sa sœur, ce n’est pas uniquement son monde qui s’écroule, mais c’est aussi le début d’un autre combat, celui de faire face à un traumatisme auquel personne n’est préparé.

Le corps abîmé par l’accident, Marianne Sarah Vieillesse passe par une période d’hospitalisation difficile où elle doit subir de lourdes interventions. Elle a deux vertèbres cassées, un nerf à la tête endommagé, la clavicule gauche fracturée et perd 30% de son audition. Mais si la chirurgie et la rééducation peuvent réparer les séquelles physiques, par contre, rien ne pouvait apaiser sa souffrance psychologique. Comment faire face à la vie quand on a été amputé d’une partie de soi-même ? « On s’appelait toujours à minuit pour notre anniversaire », raconte Marianne Sarah Vieillesse en énumérant d’autres anecdotes qui traduisent une complicité extraordinaire entre un frère et sa soeur. « Nous avons été élevés dans les années 80, où rien n’était facile pour nous à cette époque », dit-elle pour expliquer cet attachement qui la lie encore à son frère.

« On ne pense pas à ceux  qui restent après un accident »

Entre les bruits de l’accident qui la hantaient chaque soir, l’angoisse de l’obscurité, l’horreur d’un vide trop lourd pour elle, Marianne Sarah Vieillesse devait aussi affronter sans broncher les regards, remarques, voire reproches auxquels elle a toujours droit. On lui dit à demi-mot, quand ce n’est pas sans détour, qu’elle est responsable du drame d’avril 2018. On ne comprend pas pourquoi elle ne pleure pas. On pense, à tort, qu’elle gère. Mais en décembre dernier, elle a une attaque. Elle s’en remet, mais réalise de plus en plus que depuis le décès de son frère, elle n’arrive plus à travailler comme auparavant. « C’était lui qui m’encourageait dans mon travail », dit-elle. Et pour rajouter au malheur, sa mère est tombée gravement malade.

« J’ai eu la chance d’avoir été soutenue par des amis de toutes les professions. Quand on est dans ma situation, on ne sait pas quoi faire. Et je suis loin d’être la seule. On ne pense pas à ceux qui restent après un accident. Aux séquelles et traumatismes qu’ils subissent. Quand on parle d’accident, on pense surtout aux victimes. J’étais encore alitée lorsque j’ai écrit mon projet », confie Marianne Sarah Vieillesse. Convaincue de sa mission, elle a fait appel à des professionnels de différents secteurs, légal, médical, entre autres, qui ont répondu spontanément à sa requête.

Enregistrée en août dernier, l’Association Sarah est désormais prête à accompagner ses premiers accueillis. Aujourd’hui, sa fondatrice s’apprête à lui consacrer tout son temps. La compagnie reprendra du service dans un autre temps. Certaine de faire le bon choix, Marianne Sarah Vieillesse sait que quelqu’un, dans son cœur, a validé sa décision.

Les accidents ne font pas que des morts

L’Association Sarah, sise à Rose-Hill, s’adresse à tous ceux qui sont d’une manière ou d’une autre impliqués dans un accident de la route, notamment en étant victimes, témoin, indemnes, proches d’une victime et qui ont besoin d’encadrement. Les accidents de la route, laisse entendre Marianne Sarah Vieillesse, ne font pas que des morts, mais entraînent aussi dans son sillage des victimes collatérales qui ont grandement besoin d’accompagnement psychologique ou administratif. Ce genre de soutien est inexistant à Maurice. « Des médecins, avocats, psychologues sont à la disposition des personnes qui auront besoin de notre aide et les canaliseront vers les services appropriés si besoin est », précise Marianne Sarah Vieillesse. L’Association Sarah se met avant tout à l’écoute de ceux accueillis et ne propose pas de consultation. Des conseils juridiques seront aussi donnés à ceux qui en auront besoin. Les services dispensés par l’association sont gratuits. Par ailleurs, celle-ci est à la recherche de sponsors pour financer ses activités. Toutes les personnes qui souhaiteraient être encadrées par l’Association Sarah peuvent téléphoner sur le 5 745 8676 (également sur WhatsApp).

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