RODRIGUES : Patrice Verte, un parcours du combattant

Patrice Verte, un Rodriguais de 59 ans habitant le village côtier est de Mare Graviers, est ce qu’on appelle un Jack of all trades et un battant. Après avoir commencé à travailler à l’âge de 18 ans comme balayeur avant de se retrouver dans des activités liées à l’embouteillage et le brassage de la bière à Maurice, il s’est mis à son propre compte. Il a exercé dans la manufacture avant de se consacrer depuis plus d’une décennie au commerce et à l’élevage de poulets et autres oiseaux de basse-cour. Rencontre avec ce père de famille joyeusement équilibré à qui les défis ne font pas peur.
L’aventure pour cet entrepreneur commence en 1993, lorsqu’il décide de quitter son emploi à Phoenix Beverages pour se lancer à son propre compte. Il s’est procuré une machine à souder en vue de confectionner des chaises et des tables. « Quand j’ai su comment maîtriser la soudure, je me suis tourné vers les responsables de usines textiles afin de leur proposer mes services », raconte-t-il. Loin de se cantonner à son travail de soudure, il observe avec attention la confection de chemises et de t-shirts, tâche occupée à l’époque exclusivement par des femmes.
« J’ai été vraiment fasciné par le montage du tissu pour confectionner des vêtements. C’est ainsi que j’ai décidé de louer une machine industrielle où j’ai pris du travail en sous-traitance avec des usines. Comme cela marchait, j’ai alors embauché sept personnes », dit-il fièrement.
C’est toujours en persévérant qu’il obtient de gros contrats avec l’usine Aquarelle. Son commerce se voit ainsi grandir et le besoin d’acheter des équipements se fait sentir car il fallait honorer les commandes à temps.
C’est en 1995 qu’il regagne son île natale, où il recrute par la même occasion 35 femmes par le truchement du bureau de l’emploi pour travailler à Maurice. Trois ans après, les secousses des difficultés par lesquelles passent le secteur du textile se font ressentir. Faute de pouvoir payer ses salariés, Patrice Verte arrive à un point déterminant qui lui fait prendre une des décisions les plus douloureuses de sa vie. Il décide de fermer boutique et de regagner définitivement Rodrigues en 2001. Pour cause, lors d’une visite, il constate que son île a plein de potentiel qui ne demande qu’à être exploité.
« J’ai d’abord loué une boutique à Graviers puis une autre à Tammes. En parallèle, je me lance dans le social et décide de poser mes valises à Graviers. Grâce au soutien des habitants de cette localité qui ont donné leur accord pour que je puisse construire ma propre boutique pour vendre les denrées de base non-disponibles dans cette région », confie-t-il.
C’est durant cette même époque qu’il identifie un lopin de terre en pleine nature, à proximité. « J’ai entamé un projet pour un élevage de poulets sur un terrain que j’obtiens en 2012. Je contracte par là même un emprunt pour démarrer mon entreprise. J’achète à l’époque 25 mères poules et trois coqs. J’ai fait le tour de l’île pour me procurer les meilleures races », raconte-t-il.
Si au début il décide d’enfermer ses poules dans un enclos, il se ravisera vite pour les laisser en pleine nature. Une année et demie plus tard, son élevage s’agrandit pour atteindre 750 volailles.
Depuis, il en voit régulièrement des mères poules avec leurs poussins. Ne sachant pas où ces dernières pondent, il sépare les petits de leurs mères pour qu’elles puissent se remettre à pondre. Les poussins sont placés dans la couveuse où il les nourrit, les vaccine et les garde au chaud. « Parfois, il arrive que j’ai 350 poussins d’un coup. Au bout de deux mois, je les relâche dans la nature ».
En effet, Patrice Verte souhaitait en avoir suffisamment pour pouvoir les abattre, les mettre en barquette et les placer en supermarché. « Mes poules sont bio. Aucun produit chimique n’est utilisé, et ce sont des animaux qui mangent beaucoup d’herbe. Sauf que j’ai constaté que les poules disparaissaient souvent. C’est alors que j’ai commencé à les vendre ». Ses poulets sont vendus à des Mauriciens mais également à des maisons d’hôtes et des hôtels.
Fidèle à lui-même, celui qui a bénéficié de cours au Small and Medium Enterprises Development (SMEDA) s’est par la suite diversifié avec le cochon. Il souhaite d’icià un an se tourner vers la culture de maïs, de pitaya, de limon et de grenadine (fruit de la passion). « J’envisage aussi de faire un élevage de cabris pour me lancer dans la production de fromage de chèvre. Mais aussi dans la fabrication de saucisses, de bacon et de jambon avec ses cochons », ajoute-t-il.
Selon cet homme aguerri, Rodrigues a beaucoup de potentiel dans l’élevage de poulets. Il ne désespère pas face aux vols ni aux cyclones responsables de la mort de ses poules, encore moins du fait que les jeunes ne souhaitent pas exercer ce métier. D’ailleurs, dit-il, je travaille seul et ma famille m’aide de temps en temps.
Enfin, s’il devait s’appesantir sur les difficultés qu’il rencontre, Patrice Verte dit ceci : « Les procédures pour l’obtention d’un bail tardent trop et il y a un manque d’assistance technique sur le terrain. Il faut également que la politique cesse de se mêler du business. Les procédures prennent trop de temps et des dossiers dorment de surcroît dans les tiroirs. Ces problèmes découragent les entrepreneurs. »

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