Rodrigues : un goût d’aigreur avec une « trop bonne récolte » de limons

A Rodrigues, le limon reste un “trade mark” naturel de l’île. Mais une « trop bonne récolte » cette année fait que le limon a un goût d’aigreur pour le Rodriguais. Pour cause, dans chaque coin de l’île, les cours sont tapissées de limons mûris et abandonnés faute de marché pour écouler le produit ou de réseau pour une transformation de cet agrume, pourtant à multiples usages.

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Face à l’abondance de limons à Rodrigues, lors de la dernière réunion de l’Assemblée régionale de Rodrigues, le “Minority Leader”, Nicolas Von Mally, a interpellé le gouvernement régional. Entre-temps, sur le terrain, les Rodriguais se méfient comme la peste des Mauriciens, qui veulent les exploiter en offrant un prix dérisoire dans la conjoncture. En tout cas, le dossier des limons est le “Talk of the Island” avec des Rodriguais impatients de bénéficier d’une plus-value d’un produit naturel et de qualité exceptionnelle.

Face à la pression populaire, le leader du Mouvement Rodriguais a évoqué la question de la surabondance de limons. En guise de réponse, la commissaire Franchette Gaspard Pierre Louis a déclaré qu’il y avait une vingtaine d’acheteurs potentiels de même que la Rodrigues Trade and Marketing Co. Ltd. sur le marché en face de cette offre exceptionnelle. Elle a ajouté que les autorités mettaient actuellement au point les procédures pour la réalisation du projet d’extraction d’huiles essentielles des limons d’autant plus que les équipements nécessaires ne devront être opérationnels que pour la prochaine récolte.

De son côté, Nicolas Von Mally a fait un appel à Maurice en vue de restreindre les importations d’agrumes de l’étranger et favoriser le limon de Rodrigues. Il a aussi fait état d’un financement de l’Union européenne à l’association RodQueen Alliance en vue de transformer les limons en poudre. « Face aux difficultés sur le terrain, il y a urgence à agir », devait-il faire comprendre en substance.

Faisant preuve d’un sens de débrouillardise et ne voulant pas rester les bras croisés en laissant pourrir une des richesses naturelles de Rodrigues, d’autres ont pris l’initiative d’exporter du jus de limon sur Maurice. Pas moins de trois conteneurs de pelles de limon sont embarqués à chaque départ de MV Anna de Port-Mathurin. Mais cette solution est encore loin d’être satisfaisante avec la colère des Rodriguais montant crescendo devant l’attitude de certains Mauriciens voulant s’approprier de cette récolte de limons à vil prix. Au moins, une vingtaine de tonnes de limons ont déjà été exportées sur Maurice.

La désolation des planteurs est encore plus manifeste dans la région, qui est considérée comme la “Lemon Belt” de l’île, soit Graviers, Mourouk, Port-Sud-Est de même que d’autres villages. « Ena banne Mauricien pe vine profiter pou aste limons à 25 sous..Ene Mauricien dire ene planter : “madane ou donne moi 10 sous ene limon, mo aste tous ou caro limons », raconte avec amertume un des Rodriguais concernés.

Des planteurs de limon s’insurgent contre l’attitude du gouvernement régional face à ce problème. « L’Assemblée régionale a embauché quelque 200 personnes sous l’Employee Relief Programme. Pourquoi ne pas demander à ces employés de procéder à la récolte de limons en vue de les convertir sois en jus soit en conserve ? Ce sera déjà un pas positif au lieu de laisser ces fruits pourrir », dira Baptiste, qui ne comprend pas l’inaction au plus haut niveau de l’administration.

Une virée dans les différentes régions de Rodrigues confirme le mécontentement face à l’absence de prévision pour la conservatin de ces agrumes. Pour sa part, un acheteur de Maurice ajoute que « dan Rodrigues, limon la li buku buku. Nou fine ste saki nu kapav. Me nou bizin fer atasyon. Limon kapav gâté ek nou perdi dan pos. Bizin ene systèm konservasyon qui pena. Nu fine fer saki nou kaoav pu sulaz bann planter la ek nou fine aster tigit tigit partu. Kumadir li ene goutte deo danene ver telma ena limon ».

Le principal grief des planteurs est que depuis longtemps, ils ont été délaissés et aujourd’hui, faute de structures et de débouchés, c’est la débandade. Un spectacle de désolaton dans ces villages. Le cas de Mme Larcher de Graviers n’est nullement une exception. « Sak fwa mo alle dan zardin, mo latet fer mal kan mo guete sa kantité limon ki fin tombé lor later. Des officiels de Rodrigues et de Maurice nous avaient promis que le prix de vente de limons allait être fixé et que toute la récolte serait rémunérée. Or, des acheteurs se sont présentés en offrant d’acheter un maximum de 5 000 limons à Rs 14 la livre. Mo pa fine aksepté pou vanne mo limon sa prix », explique-t-elle tout en réalisant le paradoxe que vivent des Rodriguais avec un manque à gagne conséquent, même avec une récolte de limons surabondante.

En ce moment, il y a très peu de limons dans les branches et ces limons sont tous mûrs. Il y a même des limoniers qui commencent à fleurir et la prochaine récolte est annoncée pour décembre prochain et dans ces conditions, l’on craint une répétition de la présente situation.

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