Saint-Valentin (1)

— Alors tout est prêt, tout est en place ?
— Pour faire quoi ?
— Mais enfin, toi, la Saint-Valentin ! Tu as vu toutes ces pro- motions-là : quatre jours à Kuala Lumpur ; un tour de l’île en hélicoptère ; des bijoux griffés ; des séjours tout compris dans de bons hôtels ; des dîners gastronomiques et je ne te parle pas des promotions sur les électroménagers et les bouquets. — Comment tu peux ne pas voir tout ça. La fête des amoureux est surtout la fête des commerçants, toi.
— C’est vrai, ils font tout pour vendre, toi. Tu as vu la pub “meté-tiré” ?
— Oui, j’ai vu : si tu achètes deux capotes, tu as droit a un ticket de caddie. C’est amusant, non ?

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— Moi, je trouve ça un peu vulgaire. Alors tu ne vas pas fêter cette année ?
— Si. Mais je vais fêter à ma manière. Ah oui, j’ai tout organisé pour éviter une catastrophe comme l’année dernière.
— Qu’est-ce qui s’est passé comme ça, l’année dernière ?

— Mon bonhomme et moi sommes allés dans un hôtel où il y avait un package pour célébrer en tête à tête la Saint-Valentin. — C’était top. Tout est organisé, tu n’as qu’à t’habiller. Je parie que c’était super bien organisé.

— Trop bien organisé tu veux dire !
— Ah bon ! Pourquoi tu dis ça.
— Parce qu’on était vingt couples pour le tête-à-tête ! Il fallait suivre le programme du commencement à la fin, en même temps ou à tour de rôle. On a eu l’apéritif, la rose offerte par le mari, un bout de musique offert avant le repas, le champagne, la chanson préférée, le slow préféré, le bisou, tout ça avec un animateur qui expliquait tout ce qu’il fallait avec des soi-disant jeux de mots,

qu’est-ce que je vais te dire !
— Aio, tu as toujours besoin de critiquer toi
— C’était sympa, si tu veux, mais j’ai trouvé qu’il y avait trop de monde, trop d’organisation et pas assez d’intimité entre nous pour nous, si tu vois ce que je veux dire.
— Si tu voulais être seule avec ton bonhomme, il ne fallait pas acheter un package de groupe !
— Tu as raison, mais mon bonhomme avait eu un bon discount, alors on est parti. Mais cette année, pas question de refaire la même chose.
— Alors, qu’est-ce que tu vas faire comme ça ?
— Je vais tout organiser moi-même. Je prends les choses en main.
— Je sais : tu vas réserver une table pour deux dans un hôtel à plusieurs étoiles pour un repas gastronomique
— pour nous retrouver avec des dizaines de couples qui auront eu la même idée ? Non, je vais nous organiser une petite soirée romantique à la maison.
— Une soirée romantique chez toi avec ton mari ta maman et tes enfants ?!
— Pas question. Maman passera la semaine chez sa sœur et les enfants iront dormir chez leurs cousins. J’ai pris mes dispositions.
— Et qu’est-ce que tu vas faire comme ça ?
— Musique douce avec Richard Clayderman et Michael Buble pour commencer. Lumière tamisée, champagne, gajacks chinois choisis, bouillon de crabe et dessert. Tout ce que mon bonhomme aime.
— Tu vas cuire tout ça, toi-même ? Tu vas avoir le temps ? — Jamais de la vie. Si je fais ça, je ne pourrais pas aller me faire coiffer. Non. J’ai passé une commande chez un caterer qui fait pour les diplomates. Comme ça, je n’aurais qu’à faire chauffer le manger.
— Tout est « under control » alors ?
— Oui. J’ai fait la bonne faire un grand nettoyage, j’ai sorti mon bon service à dîner, j’ai mis le champagne au frais et j’ai envoyé la bonne à la pharmacie.
— Pour acheter quoi.
— Tu sais, j’ai préféré prendre mes précautions si jamais mon bonhomme n’était pas « in the mood »
— Après la musique, le bouillon de crabe et le champagne — Ecoute, on ne sait jamais. Surtout qu’il est un peu stressé avec ces affaires de mauvais temps qui lui donnent beaucoup de travail. J’ai demandé à un ami ce qu’il prend pour se donner un coup de fouet quand il le faut
— Tu penses que ton bonhomme pourrait avoir un problème à ce niveau
— Non, absolument pas, c’est une précaution « just in case ». Tu vois comme tu es ? Toujours à dénigrer les gens, à les diminuer — mais qu’est-ce que j’ai dit comme ça ?
— Tu as dit que mon bonhomme pourrait avoir un problème à ce niveau.
— Mais c’est toi-même qui m’as dit que tu avais acheté un quelque chose pour lui donner un coup de fouet, non ?
— J’ai aussi dit par mesure de précaution. Mais ça, tu n’as pas entendu, tu n’as pas voulu entendre !
— Aio, on ne va pas faire une bagarre sur ça, quand même — Non, mais tu as une manière de
— On finit avec ça une fois pour toutes. Alors, tout est organisé pour la Saint-Valentin. Ton mari est au courant ?
— Non. Il sait que je suis en train d’organiser quelque chose, mais il ne sait pas quoi exactement.
— Tu n’as pas peur qu’il ne joue pas le jeu ?
— Et puis quoi encore ? Comme il arrive, je l’envoie dans la salle de bains, je lance la musique, je baisse les lumières et je mets le repas au micro-ondes. Comme il sort de la salle de bains, je lui sers une de flûte champagne — avec la petite pilule écrasée dedans —, je baisse la lumière, je lance la musique et on fête Saint-Valentin !
— Tu me raconteras après, hein ?
— Tu auras droit à tous les détails, je te promets !

(à suivre)

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