SBM : L’ex-CEO en fusible pour les risky exposures

  • Semaine difficile à la Bourse, le cours de la SBM plongeant à Rs 6.52 — à l’ouverture vendredi — à l’annonce de la démission de Raj Dussoye pour se stabiliser à Rs 6.70 à la clôture
  • Pertes sèches de Rs 560 millions en un trimestre pour la banque d’Etat, avec une one-off Credit loss de Rs 932 M, représentant des facilités bancaires à un client indien opérant à Dubaï
  • Six autres hauts cadres pourraient également faire l’objet de sanctions suite au rapport de l’Anti-Fraud Unit pour des manquements aux Prudential Measures
  • Turbulence à prévoir à la MauBank, alors que le COO d’AfrAsia Bank, concernée par les freezing orders contre Bastos, a déjà soumis sa démission

L’heure des comptes, dans le sens le plus large de l’expression, a sonné pour la State Bank of Mauritius. L’affaire des risky exposures de Rs 3,5 milliards, assorties des intérêts accumulés et des facilités bancaires de plus de Rs 7 milliards consenties à un consortium au Kenya, incluant le complément, en d’autres termes, ce qui est présenté officiellement comme une one-off credit loss de Rs 932 millions a débouché sur la démission forcée du Chief Executive Officer de la SBM, Raj Dussoye. Sur le plan des opérations financières, la Banque commerciale d’Etat a essuyé des pertes de Rs 590 millions en un trimestre au 30 juin dernier avec la décision de traiter en tant que non-performing loan de Rs 932 millions le prêt accordé au cours du même trimestre à une entité opérant à Dubaï par le truchement d’un intermédiaire indien. Mais, à ce stade, à la SBM Tower, ébranlée par ces risky exposures à répétition, l’on avance que ces enquêtes sont encore loin d’être bouclées. Pas moins de six hauts cadres de la banque devraient faire face à des mesures disciplinaires et l’ex-CEO devra se mettre encore à la disposition des autorités. A la Bourse de Maurice, le cours de la State Bank Mauritius a atteint son cours le plus bas des 18 derniers mois pour se stabliser à Rs 6.70 à la clôture de vendredi. Toutefois, il n’y a pas que la State Bank of Mauritius qui traverse des zones de turbulences. L’équation est également délicate à la tête de la MauBank Ltd, alors que l’AfrAsia Bank a perdu son Chief Operating Officer (COO), quasiment le No 2.

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Bientôt douze semaines depuis l’éclatement du scandale Pabari, avec la State Bank of Mauritius, exposée à un potentiel risk of default pour un montant de Rs 3, 5 milliards, l’ancien Chief Executve Officer, Raj Dussoye, a préféré soumettre sa démission au lieu de se voir être suspendu de ses fonctions. Deux ans, jour pour jour, après sa prise de fonction à la SBM Tower, il a évacué son poste au terme d’une réunion marathon du conseil d’administration où le principal dossier à l’agenda était les findings de l’enquête confiée à l’Anti-Fraud Unit de la banque au sujet des manquements aux prudential measures sur les facilités bancaires de Rs 7 milliards accordées au consortium Pabari du Kenya.

Raj Dussoye devra se soumettre à une condition : se mettre à la disposition de la banque et des autorités pour répondre aux défaillances professionnelles susceptibles d’être cataloguées à la conclusion des enquêtes diligentées. Des sources concordantes avancent que d’autres sanctions sont à prévoir dans le sillage du départ de Raj Dussoye. La responsabilité d’au moins six autres management cadres de la SBM serait également mise en cause dans cette affaire. La direction, qui sera renforcée par la présence de Kris Lutchmeenaraidoo, décidera, dans les jours à venir, de la marche à suivre.

Les procédures à la SBM ont connu une nette accélération avec le second risk exposure de Rs 932 millions acculant le board de la banque à faire du provisioning pour un writing-off total de ce prêt accordé à une société de Dubaï. Ainsi, pour le dernier trimestre, se terminant au 30 juin dernier, la banque commerciale d’Etat a essuyé des pertes de Rs 560 millions, constituant une première dans les annales. Toutefois, commentant le bilan financier pour les six mois, Andrew Bainbridge, SBM Group Chief Executive Officer, souligne que « for the period under review, our group has recorded profit before credit loss expense and tax of Rs 2,087 million as compared to Rs 1, 980 million for the same period last year, representing an increase of over 5 %. However, due to a one-off credit loss expense of Rs 932 million, profit after tax for the semester ended 30 June 2018 was down to Rs 156 million (from Rs 1, 3 billion) ».

Poursuivant, le SBM Group CEO se dit confiant que la SBM est en mesure de rebondir de cette mauvaise passe. Entre-temps, le cours de la SBM à la Bourse de Maurice a évolué dans les parages de Rs 6.50, soit le taux le plus bas des 18 derniers mois, pour se stabiliser à Rs 6.70 à la clôture, vendredi dernier. Pour les spécialistes, dont AXYS, les autres zones d’ombre du bilan semestriel de la SBM incluent le fait que « operating income grew by 11 % to Rs 2 billion but CIR deteriorated significantly rising from 46 % to 51 % due to the full recognition of SBM Kenya, a surge in impairments, excluding the Segment B hit of Rs 932 M, to Rs 500 M, leading to a 42 % plunge of EBIT to just under Rs 500 M ». Les prévisions sont que pour l’exercice financier en cours, la SBM ne devrait pas passer la barre ds Rs 2 milliards contre Rs 2, 6 milliards en décembre dernier.

La sanction du conseil d’administration de jeudi à l’ex-CEO, qui s’était retrouvé sous la menace d’une suspension, est analysée diversement dans le monde des affaires et aussi sur le plan politique. Dans le premier risky exposure de Rs 3, 5 milliards, plus intérêts accumulés, en faveur du consortium Pabari, Raj Dussoye avait, semble-t-il, déjà géré le dossier avec des garanties formelles du gouvernement du Kenya quant aux modalités de remboursement et surtout à la reconnaissance de cette créance. « Ce dossier a déjà été réglé et, d’ailleurs, la SBM ne prévoit pour l’instant aucune provision de créances douteuses à ce sujet. En plus, les problèmes survenus dans ces deux cas ne peuvent être imputés qu’à un seul individu. Il y a tout le volet du credit committee, du back-office de la banque, sans oublier la composition du board lui-même à revoir pour éviter des récidives à l’avenir. Les lacunes relevées à la lumière de ces deux cas sont de nature systémique », font comprendre des sources se présentant comme étant « Coversant With Banking Practices ».

Deux clans politiques

Dans un autre camp, la sanction imposée à l’ex-CEO de la SBM est perçue comme la conséquence d’un bras de fer entre deux clans politiques évoluant dans les hautes sphères de la SBM Tower. Raj Dussoye est perçu comme étant très proche de Lakwizinn du Prime Minister’s Office et également vu comme ayant été le choix du Premier ministre, Pravind Jugnauth, à la SBM. Son rayonnement à la banque ne serait pas au goût d’une autre clique, qui jure allégeance et fidélité historique à une autre VVIP politique, entretenant de grandes ambitions au sein du gouvernement Piti/Papa. D’ailleurs, le nom de Kris Lutchmeenaraidoo cité comme celui qui devrait « fill in the blanks », ne ferait que renforcer la position de ce dernier groupe à la SBM, tout en allant dans le sens que « Raj Dussoye n’aura servi que de fusible dans cette surcharge bancaire ».

Indépendamment de ces luttes intestines à la SBM, les dernières indications disponibles sont que deux autres banques, et non des moindres, traversent des zones de turbulence. Ainsi, à la MauBank Ltd, présentée par l’ancien ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, comme celle qui devait concurrencer la SBM pour devenir le dauphin du MCBGroup, des changements pourraient intervenir d’un moment à l’autre. Un des major top guns de MauBank Ltd ne serait plus en odeur de sainteté à l’Hôtel du gouvernement.

De ce fait, ce top manager étudie les différentes options entre ses mains avant de décider de son avenir au sein de la cette banque et un éventuel départ pourrait provoquer des remous à la MauBank. Jusque-là, en dépit des béquilles du gouvernement sous forme de prêts de Rs 3 milliards de la State Bank of Mauritius, cette banque n’aurait pas encore atteint sa vitesse de croisière. Il y a encore le fait que les négociations avec le groupe Hinduja de l’Inde pour une prise de participation majoritaire au sein de la MauBank semblent s’éterniser.

L’autre développement dans le secteur bancaire qui suscite des commentaires, concerne le départ du Chief Operating Officer (COO) d’AfrAsia Bank. Jusqu’ici, aucun détail n’est disponible au sujet de ce départ. L’on notera que dans la Bastos Saga, avec 91 freezing orders pour un montant variant de Rs 25 milliards à Rs 30 milliards émis par la Cour suprême en mai dernier, la grosse majorité des comptes est opérée à AfrAsia Bank pour des placements d’au moins Rs 10 milliards.

Et pour clore le chapitre consacré au secteur bancaire, force est de constater que les relations à la BoM Tower ne sont toujours pas au beau fixe, le gouverneur de la Banque de Maurice, Yandranuth Gooloolyle, et le First Deputy Governor, Rajen Padaychy, seraient à couteaux tirés. Pourtant, ces deux protagonistes sont issus de l’écurie politique Piti/Papa. Néanmoins, ils devront s’accorder pour la réunion du Monetary Policy Committee de la Banquecentrale demain au risque de faire encore tanguer le secteur bancaire, qui présente déjà des signes de fragilisation…

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