SCÈNE DE VIE : Sur les traces d’Anjalie, Aller, Vivre, Devenir

C’est un village du sud de Maurice, près de Souillac, le chef-lieu de Savanne, un des districts de l’île : y vivent un peu plus de dix mille personnes, en majorité créolophones. Surinam est ce village non loin de la rivière Moulin-Cassé où nous avons rencontré Anjalie, 52 ans, qui vit avec sa famille dans une situation d’extrême dénuement. À l’ombre d’African Town, une poche de pauvreté non loin, vit une famille encore plus pauvre. On comprend qu’il existe des fuites dans les zones de grande pauvreté. L’histoire est celle d’Anajalie, une veuve, mère de trois filles et d’un fils, en situation de pauvreté persistante depuis la mort de son mari il y a cinq ans. Le décor : Surinam, village de pêcheurs, maçons, contrée de culture de légumes, d’élevage de poules, de petits commerces. Chemin-Grenier, village voisin, connaît un développement plus soutenu. Nous suivons Anjalie, de retour de la rivière où elle se rend chaque matin, « depuis l’âge de cinq ans », nous dit-elle, « lorsqu’elle accompagnait sa mère pour laver le linge ». Sa démarche révèle son obstination devant le nombre de maisons qu’elle a à traverser avant de regagner sa case en tôle, elle la vendeuse de gâteaux qui renvoie la fausse image d’une femme blindée contre les tracasseries de la pauvreté au quotidien. L’effacement de cette femme de la contrée n’est pas remarqué. Il faut sonder l’obscurité de sa petite maison pour discerner sa condition de femme pauvre. La maison comprend trois pièces couvertes d’un voile sombre. Elle est ornée de motifs et autres écritures en tamoule, langue ancestrale à Maurice (on peut lire maman, papa). On remarque un frigidaire qui sert d’armoire, un matelas par terre, une lampe à gaz, une chambre où sèche le linge et où sont entassés divers ustensiles. Une description plus exhaustive des lieux n’est pas nécessaire tant l’atmosphère de pauvreté est pesante, et les conditions de vie des résidents de ce lieu, éffroyables. Cependant on note d’emblée qu’Anjalie n’est pas de celles qui attendent une quelconque assistance. La plupart des initiatives qu’elle poursuit ont pour seul but de prouver qu’elle est capable de surmonter ses difficultés et déployer toute son énergie pour démarrer un petit commerce. Elle est affectée par une pension faible, moins de cinq mille roupies par mois pour nourrir cinq personnes, car elle a aussi recueilli chez elle deux de ses petits enfants. Parmi ces derniers figure Shiv, un garçon prématuré dont elle déclare avoir du mal à s’en occuper. Ses filles sont des mères seules qui ne semblent pas mieux loties que leur mère, bien au contraire. Une situation familiale qui limite les heures de travail d’Anjalie. Elle vend des gâteaux dans l’école publique de la localité  contre une patente de 25 roupies par jour. Cette activité lui rapporte en moyenne une centaine de roupies pour le dîner. Quand il n’y a pas assez d’argent, Anjalie se contente de manger des aubergines. En période de vacances scolaires, la cantine de l’école est fermée ce qui représente un manque à gagner considérable pour la principale concernée. Il y a aussi l’incapacité à trouver un travail dans un village où le marché est saturé. Anjalie s’endette davantage en accumulant des factures d’électricité, par exemple, pour éclairer le trois pièces qu’elle habite.

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