SEGA TIPIK : Perpétuer un héritage immatériel

Décrété patrimoine de l’humanité en 2014 par l’UNESCO, après trois ans, le sega tipik franchit ce mercredi 5 juillet une nouvelle étape dans son combat de reconnaissance nationale. Ravann pou sofe, maravann pou bate e triang triange au Jardin de La compagnie pour le lancement officiel de Lasosiasion Pratikan Sega Tipik (LPST) dont le but est de promouvoir et perpétuer “leritaz nou zanset”.
Suivant les recommandations de l’UNESCO, cette association composée de vétérans et d’artistes de la nouvelle génération de pratiquants du sega tipik s’est réunie “dans le but de travailler ensemble dans l’esprit de transmission de ce patrimoine immatériel auprès des générations à venir”, explique Sylvain Donice, son président. Les objectifs sont également de “favoriser la participation et le dialogue entre divers adeptes de la “mère du séga” tout en accordant une attention particulière à la dimension “roots” de cet art”.
Combat intergénérationnel.
Le regroupement de ce mercredi à Port-Louis vient concrétiser une partie du travail. Se partageront la scène, des anciens ségatiers comme Fanfan, Josiane Cassambo-Nankoo, Marclaine Antoine et Serge Lebrasse. “L’aspect le plus important de cet événement, c’est que les anciens, même avec leur état de santé instable, seront présents parmi nous”, explique Sylvain Donice. “Ils sont nos guides, et nous avons besoin de leur expérience pour avancer”. De la nouvelle génération de ségatiers tipik, José Legris, Sylvain Donice de Zans Anba, le groupe Mazavarou d’Anabelle Henry, Labrazir de Rosemonde Verloppe et d’autres comme Zenerasion Cassambo ou encore ABAIM mettront l’ambiance. Une scène habitée par des ségatiers de toutes les générations qui porte à bout de bras les étapes de la création de cette association.
Dérives modernes.
L’objectif de cet organisme est aussi d’éviter les dérives modernes et commerciales imputées au sega dit “tipik”. Cela passe par l’apprentissage de certaines lignes directrices à respecter au niveau des instruments, des costumes ou encore du rythme. Sylvain Donice fait ressortir que “traditionnellement le sega tipik se déroule autour d’un feu de camp pour faire chauffer sa ravanne. Une règle compliquée à respecter étant donné les normes environnementales en vigueur.” N’empêche que l’association est à cheval sur d’autres normes qui s’inscrivent dans l’esprit de la transmission, tels que préconisé par l’UNESCO.
En premier lieu, “il faut savoir que les instruments de base du sega tipik sont la ravanne, la maravanne et le triangle. Un djembé déforme le son et renvoie plus à un style fusion que tipik”, explique Alain Muneean. Il s’agit aussi, selon José Legris, d’éviter la ravanne synthétique.
Une autre règle qui régit cet art traditionnel a trait aux tenues portées. “À l’opposé des costumes flamboyants à fleurs dénudant le ventre arborés aujourd’hui, le sega tipik se dansait naguère chez les esclaves lors de soirées au feu de camp avec des tenues de fortune très sobre”, dit Sylvain Donice. “Bien entendu, chacun est libre de s’habiller comme il le veut, du moment que ce n’est pas associé au sega tipik”, ajoute Alain Muneean. Le respect des rythmes est également très important pour se hisser au niveau du tipik. “Ou kav fer ninport ki lamizik vinn sega, me pa kav fer sega tipik vinn enn lot lamizik”, précise Alain Muneean. Ce dernier ajoute : “Nous sommes ouverts sur les textes car le contenu est amené à changer, mais le rythme doit rester le même”. José Legris trouve aberrant que certains prennent le sega moderne et essaient de le transformer en tipik, “car du moment qu’une basse ou une batterie soutient la mélodie, le rythme devient moderne et commercial”.
Protéger sans imposer.
En tant que praticiens du “sega letan lontan”, le but des membres fondateurs, selon José Legris, est de “protéger ce patrimoine. On n’est pas contre les autres styles de musique, mais nous devons respecter la mère du séga”. Tout artiste peut aussi choisir de faire du sega tipik et commercial, sans mélanger les deux, qui est une dérive de l’héritage de nos ancêtres. Bien que son statut de patrimoine mondial lui confère une certaine visibilité, “dans sa quête de reconnaissance, il peine à s’imposer”, confie José Legris. “Qui plus est, l’organisme ne dispose d’aucun soutien financier de la part des autorités”. De ce fait, c’est par ses propres recours que l’association est amenée à conduire son combat au nom du sega tipik dans les années à venir.
Après ce premier événement, souligne Sylvain Donice, “les jeunes seront invités à se joindre au mouvement dans un processus d’apprentissage. Nos portes sont aussi ouvertes à ceux qui aiment l’héritage de nos ancêtres par amour et sont prêts à respecter les règles établies”.

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