SIDA : Mo premie reaksyon kan monn kone mo malad se siside, a déclaré Nageem

Jeune quadragénaire, Nageem porte le poids de dures années de toxicomanie couplées à sa séropositivité. Les verres juchés sur le bout du nez, il décrypte inlassablement document sur document, dont il extrait des notes au fur et à mesure. Nageem est avide de connaissances, a soif de vivre et de rendre son existence « concrète, pour moi et pour les autres ». Actuellement soutenu par PILS (Prévention, Information et Lutte contre le Sida), l’homme fait le récit de son parcours de jeune toxicomane, d’époux incompris et « trahi », d’homme démuni face à la maladie, « qui était synonyme de mort, quand je l’ai appris ». Et qui veut se reconstruire, tout en aidant d’autres dans son cheminement. Paroles…
Nageem a une vingtaine d’années dans les années 90’ lorsqu’il touche pour la première fois au Brown Sugar. Il décoche de but en blanc : « C’était pour le sexe… » Nombre de travailleurs sociaux et scientifiques ont d’ailleurs déjà expliqué comment la prise de ce dérivé de l’héroïne « multiplie et augmente les effets ressentis lors d’une relation sexuelle?, ce qui explique qu’un grand nombre de jeunes surtout se laissent tenter par l’expérience ».
Se décrivant lui-même comme un jeune « qui voulait croquer la vie à pleines dents », il dit ne pas avoir « du tout imaginé ce que l’héroïne pouvait me faire ». Pire encore, la désillusion viendra quand « aucun de mes soi-disant “amis” de l’époque ne m’ont averti des effets de la dépendance, comment j’allais devenir drogué ?! ». Nageem raconte comment « kan bann moman “fat yen” koumans pran, mo ti pe roule lor lili, gro la-fiev, douler, kourbatir, santi bebet pe monte desann dan lekor… », il était loin de penser que « c’étaient les répercussions de la prise du Brown Sugar ». Quand il apprend qu’il est devenu accro, il n’a d’autre choix que « de continuer à “tracer” », expliquant : « Je n’avais aucune volonté à l’époque de décrocher. Je voulais m’amuser encore. »
À cette époque, Nageem est marié et père de famille. Il est électricien de profession et gagne « assez bien » sa vie. « Nous n’étions pas pauvres. J’avais de quoi subvenir aux besoins des miens et en extraire de l’argent pour mes doses. » Avec sa femme, à l’époque, « les choses allaient bien ». Mais à mesure qu’il devient plus dépendant de l’héroïne, Nageem se voit contraint aux pires bassesses : « Voler, à la maison ou chez des proches. Oui, je suis tombé aussi bas. Mais il y a encore pire… Je développais une stratégie pour embobiner ceux qui m’étaient proches pour leur emprunter de l’argent. Je ne leur disais pas que c’était pour me droguer évidemment. Mais je mentais. Je disais que j’avais des soucis à trouver du travail et nourrir ma famille. » Dans la foulée, il avait même vendu ses outils de travail !
Graduellement, ses mensonges sont mis au jour et Nageem est « rejeté, repoussé ». C’est à pareille époque qu’il fait le va-et-vient entre chez lui et la prison. C’est dans l’univers carcéral, en 2005, qu’il apprend qu’il est atteint du sida. « Ma première pensée, quand on m’a appris que j’étais séropositif, c’était de vouloir en finir avec ma vie. Je voulais tout simplement me suicider. » Se reprenant, l’homme élabore : « Dans ma tête, sida rime avec mort. Il n’y avait pas d’autre issue. Je ne pensais même pas à devoir me battre. »
Au départ, Nageem ne pouvait se résoudre à annoncer à son épouse sa maladie. « Je lui conseillais d’aller faire un dépistage », qui s’est révélé négatif. « Je remerciais Dieu de nous avoir épargné cela », confie notre interlocuteur. Mais les choses se sont néanmoins gâtées petit à petit au sein du couple. « Ma femme ne m’avait jamais été infidèle jusque-là. Ses proches lui ont mis en tête que cela ne valait pas la peine de vivre avec moi, parce que j’étais un paria, une ordure. » Pourtant, Nageem « multipliait les efforts pour que ma famille ne manque de rien, mais en vain ».
Même ses proches avaient fait une croix sur lui : « J’ai déjà dormi sur le pas de la porte de mon frère, le ventre vide. On n’a même pas pensé à me donner une assiette de nourriture. » La discrimination, « la malédiction d’être à la fois toxicomane et séropositif », dira-t-il, « je l’ai vécue de la part de ceux qui sont de mon sang », ajoutant : « On a jeté un verre d’eau dans lequel j’avais bu et cassé l’assiette dans laquelle on m’avait servi à manger. »
Si « mon coeur a été profondément blessé », sur le moment, raconte Nageem, avec le recul, il réalise que « c’est le manque d’informations et d’éducation qui les a conduits à avoir ce comportement », en précisant « comprendre » leur réaction. Et c’est l’une des raisons « pour lesquelles je veux avancer, parfaire mes connaissances afin d’aller disséminer le savoir partout dans le pays pour que d’autres toxicomanes et séropositifs n’aient pas à vivre mon calvaire ».

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