Siddick Mosaheb : le « Mosart » du bois

Siddick Mosaheb, artisan de 71 ans, travaille le bois depuis cinq décennies. Passionné de son métier, il fabrique des bougeoirs, des abat-jour, des vases, des cendriers, des poudriers, des sucriers ainsi que des objets pour le marché touristique en forme de dodo, cet oiseau endémique qui s’est éteint il y a longtemps. « Je ne regrette pas ma vie. Je suis heureux d’être un artisan. Je suis bien dans mon métier, que j’aime », confie celui qui n’a étudié que jusqu’en Form II, faute de moyens financiers. Malgré tout, Siddick Mosaheb a appris l’artisanat et est parvenu à monter sa propre petite entreprise, qui s’appelle Mosart (Mosaheb Art). 

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En 1960, Siddick Mosaheb quitte le secondaire, faute de moyens financiers, malgré les cinq A obtenus à la fin du cycle primaire. Le jeune garçon est dès lors engagé dans l’atelier d’ébéniste de son frère et y apprend à fabriquer des meubles, des lits, des armoires, des tables et des chaises. Cinq ans plus tard, maîtrisant son métier, il ouvre son propre atelier. Toutefois, le tourisme prenant son envol dans le pays, Siddick Mosaheb se tourne, lui, vers l’artisanat. « Le gouvernement, surtout le ministre du Tourisme d’alors, sir Gaëtan Duval, encourageait les jeunes mauriciens à apprendre l’artisanat pour fabriquer des objets de souvenirs qu’on pouvait vendre aux touristes qui visitaient notre île », relate-t-il. Le ministre, se souvient-il, souhaitait non seulement remplir les hôtels en attirant les touristes, « mais il voulait aussi et surtout qu’un maximum de Mauriciens puissent tirer avantage de ce nouveau secteur économique » qui allait, par la suite, devenir un pilier majeur de notre économie. « Vous savez, le tourisme et l’artisanat marchent de pair et les autorités voulaient que les touristes achètent des produits locaux », indique notre interlocuteur.

Siddick Mosaheb développe son art en commençant par fabriquer un petit cendrier et un vase à fleurs. Puis des lampes et d’autres objets souvenirs, qui peuvent également être utiles au quotidien. « Mon frère m’a formé en ébénisterie mais j’ai développé mon talent d’artisan par moi-même. J’ai amélioré mon travail petit à petit. J’ai suivi un cours d’artisanat d’un an auprès de l’ITTC, l’ancêtre de l’IVTB et du MITD, et pris part aux examens de City and Guilds de Londres, où j’ai obtenu mon diplôme en 1980. »
En cette période, Siddick Mosaheb confirme ses pas dans l’artisanat alors que le chômage bat son plein à travers le pays. Il habite alors à Plaine-Verte dans une seule chambre avec ses trois enfants et travaille dans sa cour. Un jour, l’artisan reçoit la visite surprise de sir Gaëtan Duval. Ce dernier n’est pas content de le voir travailler dans sa maison transformée en atelier. « Il m’a encouragé à acquérir mon propre atelier et m’a aidé à trouver un petit terrain à Bell-Village. Grâce à lui, j’ai obtenu un prêt de Rs 200 000 auprès de la MCB, avec lequel j’ai fait construire un bâtiment pour abriter mon atelier et ma maison. J’ai aussi acheté quelques machines pour pouvoir parfaire la qualité de mon travail. »

Une idée qui rapporte

On est en 1996. Le Caudan Waterfront ouvre ses portes. Siddick Mosaheb trouve un emplacement au Craft Market, où il aménage son magasin et un petit coin pour faire de la démonstration artisanale devant ses clients, majoritairement des touristes, leur donner l’assurance que c’est bien un produit mauricien qu’il leur vend. « J’ai trois artisans qui travaillent dans mon atelier à Bell-Village et six autres ateliers qui travaillent aussi pour moi. Ils me livrent leurs produits, que je vends à mes clients. J’accomplis mon propre travail en même temps », indique-t-il. Quant à sa clientèle, 75% sont des étrangers ou des Mauriciens établis à l’étranger, qui y retournent avec des produits artisanaux fabriqués à Maurice.

Siddick Mosaheb se dit être heureux de sa petite entreprise, qui lui rapporte bien. Toutefois, il n’a aucune intention d’agrandir son business pour le besoin de l’exportation car le marché touristique lui suffit. « Je travaille bien. Je suis heureux avec mon atelier, mon magasin au Caudan. Les touristes viennent acheter mes produits directement. Le marché est bon. »

À 71, notre interlocuteur souhaite que des jeunes prennent la relève de l’artisanat mauricien. Deux de ses neveux sont d’ailleurs engagés dans son atelier. Pour lui, les jeunes gagneraient beaucoup à apprendre ce métier. « Il y a de la place pour tous. Les touristes veulent des produits locaux mais, le hic, c’est que les hôtels qui les hébergent leur proposent un “package”. De ce fait, beaucoup de touristes ne connaissent pas nos produits locaux. N’empêche que j’encourage les jeunes qui quittent l’école et cherchent du travail à apprendre l’artisanat. L’avenir est bon dans ce secteur. Ça rapporte bien, surtout que le nombre de touristes venant à Maurice augmente d’année en année. On a dépassé largement le million de touristes annuellement. »

Siddick Mosaheb indique que rien qu’en fabriquant de petits objets représentant le dodo, « des milliers de Mauriciens peuvent gagner leur vie ». Cependant, l’importation à bon marché de ce produit – de Chine et de Madagascar – pose problème, ce qui décourage énormément les Mauriciens. « Les produits tels le dodo, on en importe par conteneurs », observe Siddick Mosaheb. « Je ne suis pas contre l’importation, mais encore faut-il les taxer pour rendre leurs prix de vente à peu près égaux aux produits locaux. » Toutefois, il est d’avis qu’il faut « carrément empêcher l’importation de dodos en bois, parce que c’est notre patrimoine ». Et d’ajouter : « On ne peut laisser libre l’importation des objets qui montrent des facettes de la vie et de l’histoire de Maurice, comme le dodo. »

Siddick Mosaheb lance un appel pour que l’artisanat mauricien survive. « Tout métier est difficile à apprendre mais on y arrive en persévérant », déclare celui qui estime que « practice makes perfect ». Pour lui, trois mois sont suffisants pour qu’un jeune devienne un bon artisan, « mais il faut persévérer ». Toute sa vie a été et sera dédiée à l’artisanat. Car Siddick Mosaheb ne compte pas s’arrêter à 71 ans : « Tan kapav, mo pou “carry on”. »

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