STATE HOUSE : la crise de trop !

DIPLAL MAROAM

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Une ex-présidente de la République, sommée de comparaître devant une commission d’enquête pour répondre de certaines accusations dont elle fait l’objet, ne fait certainement pas honneur non seulement à cette plus haute fonction qu’elle a occupée mais également à notre pays qu’elle a été appelée à diriger durant trois années. Car un président, dont l’élection par les membres de l’Assemblée nationale se déroule sans débat, a le devoir de s’élever au-dessus de la mêlée en toutes circonstances et de toutes polémiques, quelles qu’elles soient. Pourtant, les attributions d’un chef de l’État sont clairement définies et délimitées par la Constitution et ne concernent, en aucun cas, les problématiques ayant trait à la promotion du pays à l’extérieur et, encore moins, aux investissements étrangers, domaines qui relèvent, après tout, des responsabilités ministérielles. Or, Ameenah Gurib-Fakim a, selon toute vraisemblance, péché par un manque de prévoyance.

Débordant d’énergie, elle multipliait les voyages; d’aucuns avançaient même qu’elle n’était qu’en transit à Réduit. N’ayant pas été une nominée du MSM, mais du ML – et ce bien qu’elle n’est pas issue du sérail politique –, elle n’était, semble-t-il, pas en odeur de sainteté auprès du Sun Trust. Elle négligeait ainsi complètement l’éventualité que la moindre incartade de sa part pourrait être chèrement payée. D’ailleurs, le Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth, avait, après les législatives de décembre 2014, longtemps traîné les pas avant d’accomplir la promesse de campagne concernant la présidence de la République. Et ce ne fut que le 5 juin 2015, soit presqu’à la veille des élections municipales, qui avaient eu lieu le 14 juin 2015, que Kailash Purryag fut finalement prié de céder la place à son successeur, et ce manifestement dans le but d’amadouer une certaine section de l’électorat. Dans les milieux concernés, beaucoup s’accordent à reconnaître que l’infraction présumée par rapport à l’utilisation d’une Platinum Card du PEI, dont la somme dépensée avait été totalement remboursée, ne pourrait constituer de motif valable et suffisant pour exiger le départ de la présidente.

Le Premier ministre, s’était-il laissé emporter par l’article à la une d’un quotidien ? C’est, paraît-il, en tentant de justifier ses actes et de se défendre qu’Ameenah Gurib-Fakim finit par s’emmêler les pinceaux en donnant d’abord un ultimatum à la presse concernant l’authenticité des documents publiés, puis en décidant d’instituer une commission d’enquête sur l’affaire Sobrinho dans le but de « laver mon honneur ». Il incombera certainement à la présente commission d’enquête, mise sur pied par le Conseil de ministres, de tirer toute cette affaire au clair, de déterminer s’il y a effectivement eu transgression des dispositions de la Constitution et de situer les responsabilités. Mais toujours est-il qu’en juillet 2005, le président d’alors avait nommé trois DPM lors d’une cérémonie d’investiture pour la composition du nouveau cabinet alors que la section 59 (1) de la Constitution n’en autorise qu’un. Répondant à une question de la presse ultérieurement, sir Anerood Jugnauth devait déclarer que face à une foule hostile majoritairement composée de partisans rouges rassemblés devant le parlement, où se déroulait la cérémonie, il n’avait d’autres choix que de se plier aux desiderata des nouveaux dirigeants sortis des urnes quelques jours auparavant.

Il était alors évident que si la section 30 (1) de la Constitution n’avait pas été activée pour la destitution du président, c’est parce qu’une entente politique se profilait à l’horizon entre le PTr et le MSM. En effet, après avoir, dans un premier temps, tout tenté, sauf le dialogue, pour faire partir sir Anerood Jugnauth du château de Réduit après son retour au pouvoir en juillet 2005 – le Premier ministre boycottait la réunion hebdomadaire avec le président et ne lui envoyait pas les “Cabinet Papers” –, Navin Ramgoolam, devant l’obstination de sir Anerood Jugnauth, finit par déposer les armes. Pravind Jugnauth devait même brandir le drapeau rouge à Saint-Pierre à l’issue de sa victoire à la partielle au n° 8 en 2009 suite à l’invalidation du siège de son oncle. Cette entente qui se transforma finalement en alliance de l’Avenir en 2010 – alliance qui remporta les législatives de mai de cette même année – fit cependant naufrage sur l’affaire MedPoint une année plus tard, soit en juillet 2011.

Avec l’actuel président par intérim, étant un nominé du MSM, et après l’épisode Gurib-Fakim, l’on voit mal Pravind Jugnauth céder à son partenaire au gouvernement, le ML, le privilège de nommer un nouveau chef de l’État, et ce quitte à maintenir Barlen Vyapoory à Réduit en tant que suppléant jusqu’à la fin du mandat gouvernemental en décembre 2019.

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