STRATÉGIE AFRICAINE : Il faut investir dans un métier qu’on maîtrise, a déclaré Jean-Luc Wilain

« Des éléments positifs mais aussi du cafouillage et du moins bon. » C’est en termes que Louis Amédée Darga, CEO du cabinet StraConsult Africa Business Development Services (ABDS), a qualifié la stratégie africaine de Maurice lors du buffet-débat organisé par la CCIFM. Selon lui, les opportunités d’affaires sont « abondantes » sur le continent, mais il y a des défis à relever. Prônant une attitude réaliste face à ces défis, Amédée Darga préconise aux investisseurs potentiels un accompagnement professionnel, une bonne évaluation des risques et une stratégie d’implémentation des projets pointue.
Axant son intervention sur le thème « Stratégie Maurice-Afrique: Rhétorique et Réalité », le CEO de StraConsult a d’emblée relevé trois phases dans la mise en application de cette stratégie : la première, non structurée et plus opportuniste remontant à plusieurs décennies, la deuxième, déterminante, avec l’adhésion de Maurice à des blocs économiques régionaux, dont le COMESA et la SADC, et la troisième, démarrant au début des années 2010 avec une politique et une stratégie pour positionner Maurice comme une plateforme facilitant la structuration des investissements et le développement des échanges avec le continent. « L’intérêt des hommes d’affaires mauriciens pour l’Afrique ne date pas d’hier », a fait remarquer Amédée Darga. Les Mauriciens, a-t-il rappelé, ont des pionniers du développement du secteur sucrier en Afrique du Sud et au Zimbabwe, entre autres.
Le CEO de StraConsult a observé que l’implication de Maurice dans les groupements économiques régionaux et le rôle joué par la diplomatie mauricienne pour la mise en place d’un dispositif tarifaire incitatif ont contribué au développement de nos exportations. « Environ 19% des exportations totales de Maurice sont aujourd’hui destinées à l’Afrique », a indiqué Amédée Darga. Ce dernier a ensuite souligné que, depuis la fin des années 2010, les budgets successifs ont fait état de projets tournés vers l’Afrique. On a parlé, entre autres, de la transformation du port franc en port d’éclatement, ciblant le marché africain, du projet Jinfei comme centre d’entreposage de produits destinés à l’Afrique, et tout récemment de l’idée de faire de Maurice le centre “Fintech” de la région ainsi que des investissements par le truchement du Mauritius-Africa Fund.
« Nombre de ces projets n’ont pas été concrétisés et, dans le cas du Mauritius-Africa Fund d’une valeur initiale de Rs 500 millions, on attend toujours de voir les résultats effectifs de ses investissements. N’empêche, il y a des éléments positifs », a affirmé Amédée Darga qui veut pour preuve les quelque 75 projets, dont certains conséquents, réalisés par des entreprises locales sur le continent. « Le concours financier des fonds basés dans le secteur du Global Business est aussi important », a-t-il précisé. La valeur des investissements faits par ces fonds est passée de USD 2,7 milliards en juin 2014 à USD 4,2 milliards en juin 2016. Les pays bénéficiaires de ces capitaux sont nombreux. Il s’agit notamment de la Côte d’Ivoire, de l’Éthiopie, du Kenya, du Sénégal et du Zimbabwe. Par ailleurs, il y a eu des développements au niveau des institutions de financement telles la PTA Bank, Afreximbank, la Bank of China.
Toutefois, le CEO de StraConsult a tenu à faire état de ce qu’il appelle « le cafouillage et le moins bon » au niveau de la stratégie africaine de Maurice. Les problèmes de connectivité aérienne et maritime figurent au premier plan. « On n’entend toujours rien concernant le projet de port d’éclatement ou celui du port franc comme base d’activités de transformation industrielles », a indiqué Amédée Darga, soutenant également qu’il y a eu des cas d’échec de projets privés en Afrique en raison de mauvaises stratégies d’implantation. Il a de même appelé à une stratégie de « communication intelligente » pour inciter les Africains à se tourner vers Maurice pour leurs achats ou pour la structuration et la sécurisation de leurs investissements. « Il faut montrer aux Africains que nous leur apportons des bénéfices réels, notamment en termes de création d’emplois », a-t-il déclaré.
Jean-Luc Wilain s’est également appesanti sur l’approche à adopter par tout investisseur, notamment à l’égard du continent africain. Tout investisseur doit en premier lieu prendre le temps de « bien connaître » le pays où il souhaite faire ses investissements. Il est primordial de choisir d’investir dans un métier qu’on maîtrise et qui « demandera le moins d’adaptation possible ». Le directeur du Business Development du groupe IBL, considère qu’il est plus prudent d’implanter une entreprise en partenariat avec d’autres investisseurs, dont des locaux. « Le choix du partenaire est crucial », a-t-il fait ressortir. Préconisant une approche prudente, Jean-Luc Wilain affirme qu’« en Afrique, il ne faut pas être pressé par le temps ». L’entrepreneur doit se préparer pour faire face à des problèmes de manque de compétences. Il lui faut donc élaborer un plan minutieux de développement des ressources humaines. L’intervenant est aussi d’avis que la mise à contribution des bailleurs de fonds internationaux dans un projet « est source de réconfort ».
Par ailleurs, Jean-Luc Wilain a soutenu qu’un alignement de la stratégie du privé avec celle de l’État « est très important » pour la concrétisation d’un projet. Il estime qu’une gouvernance de haut niveau est nécessaire tant au niveau de l’État, avec une coordination renforcée chez les fonctionnaires, qu’à celui de l’entreprise privée. « À Singapour, par exemple, il y a une cohérence entre la politique et l’économique », a-t-il conclu.

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