Telle mère

— Tu as fini par trouver quelque chose pour ta maman, pour la Fête des Mères ?

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— Non toi, je n’ai rien trouvé.
— Tu as bien cherché ? Il y a des promotions partout. — Mais Maurice est devenu un pays de promotions. Il

y a toujours tout le temps et partout des promotions. A tel point qu’on ne se rappelle même plus des prix avant promotion ! D’ailleurs, je me demande si ce n’est pas le prix normal qu’on fait passer pour une promotion.

— Oui, c’est vrai ça. Si ce ne sont pas des soldes, ce sont des promotions, des discounts ou des sales. Mais tu n’as rien trouvé pour ta maman ? Elle ne sera pas contente.

— De toutes les manières, elle n’est jamais contente

de ce que je fais pour elle.
— Il ne pas faut causer comme ça de sa maman. A

cet âge-là, tu sais, on devient difficile.
— Ma chère maman n’a pas attendu de devenir

âgée pour avoir un caractère difficile. Mais depuis quelque temps elle devient carrément impossible à gérer, je te dis !

— Qu’est-ce qu’elle fait comme ça ?

— Tout ce que tu lui dis elle ne veut pas. Avant, pour la fête des Mères, tu lui donnais une jolie boîte de savonnette et un flacon d’eau de Cologne, ça allait. Elle était mari contente. Maintenant madame veut des parfums de grandes marques qu’elle a vus sur internet.

— Elle sait aller sur internet ?

— Plus bien que toi et moi. Mon petit bonhomme

lui a montré et elle a tout compris, toi. Elle passe des

journées à faire des « chats » avec ses sœurs qui sont

en Australie et ses copines du troisième âge. Elle est tout le temps sur Facebook, toi. Elle n’a plus le temps

pour jeter un coup d’œil sur les enfants quand je sors. — Ah bon ?
— Aio, les mamans d’avant, c’est fini ça. Aujourd’hui

elle n’a pas le temps de s’occuper de ses petits- enfants. Elle a des programmes, elle te dit ! Il faut la prévenir pour voir si elle est libre. Avant, il fallait la pousser de chez moi pour la faire partir, aujourd’hui il faut aller la chercher en la suppliant. Et la payer, en plus.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Tu sais ce qu’elle m’a dit l’autre jour : que si je payais une baby-sitter il n’y avait pas de raison de ne pas la payer quand elle vient veiller les enfants. Tu te rends compte ? ses propres petits-enefants qu’elle dit adorer ! Rien n’est plus comme avant.

— Si tu regardes bien : elle n’a pas tort. Si tu payes la baby-sitter, tu peux bien la payer quand elle fait le même travail, non ?

— Et tu lui donnes raison ! Quand même toi, ce sont ses petits-enfants ! Elle n’en fait qu’à sa tête, je te dis. Et avec internet elle croit qu’elle sait tout sur tout. Elle connaît plus que tout le monde, elle peut facilement blesser avec ses remarques et, surtout, elle refuse de perdre la face

— Elle ne te fait pas penser à quelqu’un ?

— Tu connais un quelqu’un comme elle, toi ? Moi, je ne vois pas. Pour en revenir au cadeau, je lui ai fait cinquante suggestions et l’ai amenée dans je ne sais combien de boutiques pour lui offrir une robe. Un coup c’est trop petit, l’autre coup c’est trop grand, après c’est trop serré ou trop décolleté. L’autre coup, elle n’aime pas la couleur ou quand elle aime la couleur elle n’aime pas le modèle. En plus, tu sais ce qu’elle m’a dit quand j’ai fini par crier avec elle ?

— Dis-moi

— Qu’elle n’était pas obligée d’accepter tous les cadeaux de débile que je voulais lui offrir. Comme ça, je te dis. Et en plus devant la vendeuse. Je ne savais plus où mettre ma tête. Je ne peux plus avec elle, je te dis. Je crois que je vais lui donner de l’argent. Mais là aussi elle risque de me dire que c’est pas assez, que je suis pingre. J’espère que je ne vais finir comme elle quand je serai vieille un jour. Pourquoi tu fais un sourire fichant avec moi.

— Parce que.

— Parce que quoi ? Tu crois que je vais devenir comme ma maman quand je serai vieille ?

— Je peux te répondre franchement.
— Quelle horreur tu vas encore me dire
— Je crois que quand tu seras vieille, tu vas être

encore mieux encore que ta maman.
— Comme ça tu me vois ? Mais enfin, je fais des

concessions, j’accepte quand j’ai tort, non ?
— Quand tu ne peux plus faire autrement.
— C’est pas de ma faute si je réfléchis plus vite que

les autres, que je refuse de faire toutes les conneries qu’on me demande ou d’accepter tous les cadeaux débiles qu’on me fait, tout de même !

— Tu vois ?
— Quoi, qu’est-ce qu’il y a à voir ?
— Tu causes pareil comme ta maman. On dirait elle-même, toi !

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