THÉÂTRE — LES 21, 22 ET 23 MARS: Le vampire vous fera tourner la tête…

Gaston Valayden et la troupe Sapsiway présentent Le vampire, une pièce de théâtre de Youri, cet auteur qui a si bien su mettre en relief l’oppression dont les systèmes étatique et judiciaire sont capables dans les sociétés contemporaines, et même démocratiques. Dans cette pièce, le vampire n’est autre que Carolus, un homme, emprisonné et condamné à mort qui ne cesse de clamer son innocence. Aidé par sa femme, il se confronte à l’appareil d’État à travers un ministre de la Justice des plus machiavéliques… À découvrir à partir de jeudi.
Les cinquantenaires se souviendront peut-être des représentations que Gaston Valayden avait données en 1972, dans le cadre du festival d’art dramatique de l’époque, de la pièce Le Vampire, avec notamment Géraldine Boulle dans le rôle de l’épouse et Selven Cuttaree dans le rôle du condamné… Cette pièce réaliste venait alors faire écho aux débats qu’avait engendrés l’assassinat un an auparavant d’Azor Adélaïde et la peine que devraient encourir leurs présumés exécuteurs. Écrite par le dramaturge et poète français Youri, qui a beaucoup écrit pour les pièces de théâtre télédiffusées, cette pièce remet en question à la fois le système judiciaire et l’appareil d’État dans ses relations incestueuses avec le monde politique, les médias et le public d’une manière générale.
Il nous sera possible de la revoir à trois reprises la semaine prochaine, le jeudi 21 mars à 20 h au Théâtre Serge Constantin dans le cadre des soixante ans du festival d’Art dramatique du ministère de la Culture, puis chez Sapsiway à Roches-Brunes les vendredi 22 et samedi 23 mars. La première séance est offerte par le ministère de la Culture et le public peut se rendre directement au théâtre au soir de la représentation. Les deux séances suivantes sont quant à elles organisées dans le petit théâtre école de Sapsiway, à Roches-Brunes (tout au bout de la rue Ambrose).
Payantes (Rs 100 et plus si affinités), ces séances à demeure visent à apporter un complément de financement au prochain déplacement de la troupe, en août, au New York International Fringe Festival, auquel elle a été invitée à présenter Madogs of Diego, l’adaptation en anglais des Chiommes. Ce sera la deuxième fois que cette troupe mauricienne se rend aux États-Unis pour présenter cette pièce qui traite d’une question à laquelle le public américain ne peut rester indifférent. Pour le voyage, le ministère de la Culture s’est engagé sans hésitation cette fois-ci à apporter le soutien qu’il faut, étant donné qu’une aide peut être apportée aux troupes théâtrales tous les deux ans.
Des perversions du pouvoir
Le public découvrira le personnage de Carolus dans le décor tout simple et des plus dépouillés d’un parloir, ici symbolisé par une seule et unique chaise, qui devient ainsi en quelque sorte la chaise du condamné, même s’il n’était pas encore question à l’époque où la pièce a été écrite de chaise électrique… Nous sommes au parloir d’une prison française où Zoé, jeune trentenaire, vient voir son époux, un peu plus âgé, que les médias et le système judiciaire ont désigné et condamné comme le vampire, un odieux criminel qui s’est rendu coupable d’assassinats tous plus horribles les uns que les autres.
Dans la peau du jeune Christopher Ratsizaonen, Carolus est traversé par de vives émotions, tantôt abattu par le découragement, tantôt animé par l’espoir et souvent excédé par la colère d’une si injuste situation. Carolus se déclare en effet innocent, même si différents éléments de l’enquête le condamnent. Ce comédien a notamment déjà joué dans Madogs of Diego. Pour celle qui incarne cette fois-ci l’épouse de Carolus, Zoé, Gaston Valayden a choisi Séverine Perrine dont c’est le premier rôle sur scène. Elle présentera ainsi une jeune épouse pleine de sève et de fraîcheur comme le montrent du moins les répétitions.
Daren Vydeningum assume la présence silencieuse mais néanmoins convaincante du maton qui ne quitte guère la scène, tandis qu’au deuxième et dernier acte, Darma Mootien entre en scène dans le rôle d’un ministre de la Justice assez spécial, puisqu’il rend personnellement visite à un condamné à mort, en pleine nuit qui plus est. L’arrivée de cet homme de pouvoir dans le parloir de la prison va semer les plus grands espoirs et les plus grands désespoirs dans l’esprit de Carolus et de son épouse.
Cet homme fourbe utilise tous les détours de la manipulation psychologique pour convaincre Carolus de prendre une décision proprement hallucinante. Il faut voir cette pièce dont la solennité est appuyée par une des polonaises les plus équilibrées de Chopin. Il faut voir cette pièce pour la réflexion que son texte insuffle sur la raison d’État qui semble ici fort dépendante de son clientélisme et de son image auprès des médias, et sur la faiblesse des sentiments face à une supposée vindicte populaire.

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