THÉÂTRE – LE NEVEU OU KISENLASA ? : Revanche sur le mépris

Quarante-quatre coups de couteau et de tournevis. Deux corps dans deux cercueils. Et deux corps en vie faisant l’amour entre les deux bières disposées dans le clair-obscur d’une morgue. Ce contraste entre amour et mort (le sexe et le sang) sous-tend la pièce écrite par Daniel Labonne, dans une mise en scène signée Gaston Valayden et Darma Mootien. Le Neveu ou Kisenlasa ? pose la question : à qui appartient la responsabilité du crime ? Probablement à la frustration trop grande des petites gens…
Cette création contemporaine a ceci de particulier que la chronologie des événements est bouleversée dans un va-et-vient entre présent et passé. Des temps que l’on aurait voulu être marqués par un indicateur temporel afin de faciliter la compréhension des scènes. Notamment celles figurant des actions se déroulant à l’étranger avant la venue du couple avunculaire ou le retour du tonton et de la tante à Maurice, les poches pleines d’argent durement gagné dans des conditions où prédomine le mépris des immigrés.
Séquences drolatiques et angoissantes. Nous retiendrons notamment celle du meurtre étouffé sous les feux du stroboscope. On devine le sang qui gicle, les hurlements sourds et la férocité du prédateur dans l’ombre. Des images qui s’inscrivent fortement dans l’esprit des âmes sensibles. L’homme est un loup pour l’homme. Instinct inné du protagoniste (Thierry Françoise) qui prend le pas sur la civilisation. Ce neveu est un attardé ou un érudit, un idiot du village ou un terroriste endoctriné par une religion inventée. Un esprit malade qui s’est créé un Dieu. Un Dieu inventé à la mesure de sa folie ? Atmosphère sinistre et délétère.
L’hermétisme du personnage le rend “insaisissable”. Saluons ici l’interprétation sentie de Thierry Françoise dans un rôle complexe. Une complexité contrebalancée par la légèreté du tandem hospitalier. Le contraste se poursuit en effet dans le jeu des acteurs. Zaza (Marie Vuddamalay) et Francis (Christopher Ratsizaonen) respirent la joie de vivre. La vie comme une pomme croquée entre deux ritournelles joyeuses. Les cadavres des deux retraités rentrés au pays après trois décennies les indiffèrent et ne dérangent en rien leurs pulsions.
Rendez-vous à l’heure du thé fumant. L’on se surprend à sourire dans la noirceur et la grisaille. Une once d’espoir lorsque l’abandon des uns et le mépris des autres vous sont une humiliation. Le neveu prendra sa revanche sur ce monde cruel. Ce monde qui l’ignore sinon s’achète une bonne conscience. La pièce aborde ainsi l’avidité de certains. Avec la complicité d’un notaire véreux, le neveu s’approprie la maison dont l’oncle (Jean-Claude Catheya) et la tante (Géraldine Boulle) lui avaient confié la responsabilité. À la découverte du forfait, le neveu est banni de la “dépendance”. Il prendra sa revanche le soir venu. Une vengeance sur ceux qui avaient dédaigné sa fragilité sensible.

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