Tout acheter

Qu’est-ce qui presse ? Pourquoi toute cette agitation gouvernementale, ce festival quotidien de coupe-rubans, quand bien même tout n’est pas tout à fait au point, qu’on inaugure coûte que coûte, quitte à laisser les curieux patauger dans la boue et les vieux se bagarrer, au risque d’être malmenés et piétinés pour une malheureuse barquette de briani froid ? Les dernières élections générales se sont tenues le 10 décembre 2014. L’Assemblée nationale sera ainsi automatiquement dissoute le 22 décembre prochain.

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Pourquoi cette impression de course contre la montre dans laquelle le gouvernement MSM-ML semble s’être subitement engagé, comme si c’était, pour lui, une question de vie et de mort. Et si tout ce branle-bas était tributaire d’une échéance, d’un calendrier que le gouvernement ne contrôle pas, lui qui a adopté pour modèle de gestion la mainmise intégrale sur toutes les institutions ? Oui, et s’ils sont obsédés par la date du 15 novembre, la date qui tombe à pic deux jours après l’hypothétique partielle du 13 à Piton-Rivière du Rempart ?

Le vendredi 15 novembre, c’est la date à laquelle Navin Ramgoolam sera fixé sur son sort dans la dernière affaire judiciaire qui le concerne, celle, emblématique, des coffres bourrés de Rs 220 millions dont les images, hautement symboliques de la déchéance gestionnaire d’une époque, sont toutes prêtes pour être quotidiennement projetées lors des réunions de campagne de l’alliance MSM-ML.

Et ce n’est probablement qu’un des outils qui seront utilisés pour rappeler à l’électorat pour quelle raison il avait choisi d’en finir avec l’ancien Premier ministre aux dernières consultations populaires. Or, ce 15 novembre n’est pas seulement important pour le leader travailliste. Il l’est peut-être plus pour Pravind Jugnauth, son parti, son allié et son clan. Si Navin Ramgoolam s’en sort une nouvelle fois, une douzième fois, cela lui facilitera considérablement la tâche pour affronter l’électorat, même si l’on peut penser que les coups bas, comme les dernières révélations achetées, ou objet d’un chantage quelconque, d’une ancienne intime du Premier ministre travailliste ou d’autres munitions compromettantes contre lui sont soigneusement gardées en réserve pour lui nuire et contrarier ses prétentions à devenir à nouveau Premier ministre.

Les snipers et spin doctors du Sun Trust sont d’ailleurs quotidiennement à l’œuvre pour traquer les moindres faits et gestes du leader travailliste pour le présenter sous son plus mauvais jour, comme sa propension à la violence. Ils exploitent ces jours-ci même une bourde de Navin Ramgoolam faite, ô quelle ironie, le 2 octobre, jour de la célébration du 150e anniversaire de l’apôtre de la non-violence le Mahatma Gandhi. Il avait, en effet, osé dire pour ramener un enfant dans le droit chemin, il faut « le corriger » et « donn li deux calottes ». En plein débat sur le Children’s Bill, voilà une déclaration qui a de quoi choquer et donner du grain à moudre à ses adversaires. Mais malgré les dérapages à exploiter, c’est ce fameux vendredi 15 novembre qui empêche apparemment le MSM de dormir. Un nouveau non-lieu signerait l’échec de la stratégie qui a consisté à tout entreprendre pour neutraliser l’ancien Premier ministre.

Avant d’éviter cet incertain 15 novembre, le gouvernement s’est ainsi engagé dans sa folle épopée des inaugurations et des lancements. Des activités financées à coup de millions par les contribuables — notamment tous ceux qui doivent ces jours-ci remplir avec une grande joie leur fiche d’impôt — mais qui servent surtout les desseins personnels et partisans de Pravind Jugnauth et de son allié. Ils veulent impressionner et ils achètent surtout. Et tout. Comme si tout avait un prix à leurs yeux.

Nous l’avons plus d’une fois écrit ici. À défaut d’être quelqu’un qui s’impose par son histoire, par un charisme propre, par une prestance naturelle et une aisance oratoire, Pravind Jugnauth a dû trouver une autre voie, celle d’acheter les adhésions et monnayer les sympathies. Il a cru devoir le faire, d’autant plus que son installation au poste de Premier ministre n’est pas le fait d’un plébiscite mais d’une combine familiale imposée au peuple mauricien. Voilà pourquoi lorsqu’il n’achète pas de votes en distribuant des cadeaux comme son dernier bribe de la pension à Rs 13 500, il acquiert aussi des cadres dans d’autres viviers pour essayer d’étoffer son équipe, dont on a vu, durant cette mandature qui arrive, enfin, à terme, à quel point elle était d’une grande médiocrité.

Entre les blâmés de la commission sur la drogue, les hommes de loi qui se voient administrer des avertissements, ceux qui ont une langue complètement déréglée, les donneurs de claques à une cérémonie privée de mariage, les négociants en bal kuler, ceux experts en lecture de la rétine pour déterminer s’ils sont de vrais investisseurs ou pas, et ceux qui accordent des rallonges salariales scandaleuses à leur copine, la liste des faneurs patentés du régime MSM-ML est abyssale.

Il faut croire que l’heure est vraiment grave et qu’on est en pleine urgence ou en situation de panique pour qu’il ait même fallu aller repêcher Anooj Ramsurrun, qui partage le même don de l’éloquence et du sens de l’ingénierie sociale qu’un Showkutally Soodhun. L’indélicat directeur de circonstance, ancien caméraman, qui avait été obligé de partir il y a à peine deux mois, est rappelé, parce que sans doute indispensable pour s’occuper des nouvelles à la MBC. Comme si la propagande version bis de la Corée du Nord n’avait pas atteint des sommets. Et pourtant, ce n’est pas une blague. C’est le folklorique nouveau directeur, ex-président Bijaye Ramdenee qui le dit, comme si la MBC avait recruté un crack en matière d’information et de scoops. Mais, enfin, ça c’est leur niveau !

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