TUPAQ SONQO: « La musique, c’est une vibration. La musique est la source » 

Discrètement à Maurice, quelques personnes ayant suivi des cours initiant au chamanisme s’autoproclament «chamans». On les rencontre via Facebook et ils vous promettent guérison et bienfaits. Cette «méthode de guérison», l’une des plus anciennes de l’histoire humaine, qui enseignerait que tout dans l’univers est interconnecté et qui ouvrirait les portes sur d’autres niveaux de réalité, nous la connaissons vaguement, et elle évoque pour nous ces Amérindiens qu’on voit dans des westerns ou dans des émissions sur les Incas et Mayas d’une civilisation antique… Nous avons voulu en savoir plus. Et après une recherche sur le Net, un long temps d’errance virtuelle d’abord, où nous avons côtoyé des chamans qui pratiquent le charlatanisme et des charlatans qui pratiquent le chamanisme, nous sommes enfin tombée sur Tupaq Sonqo, homme de la tradition andine, un natif de Cuzco, situé au coeur de la Vallée Sacrée des Incas (qui abrite les plus beaux vestiges de cette civilisation) dans la Cordillère des Andes, au Pérou. Un authentique Amérindien, qui est aux antipodes des chamans style New Age qui vous proposent des potions magiques. D’une grande simplicité, cet homme qui parle le français à la perfection pour avoir vécu en France, s’est entretenu avec nous par le truchement de Skype. Il donne des conférences souvent en France et en Belgique et se dit «homme-médecine» au lieu de «chaman». Avec lui on remonte dans une culture multiséculaire, loin de la mondialisation, et qui vous plonge dans une civilisation qu’on croyait enfouie à jamais sous la végétation touffue des forêts amazoniennes.
 
—Qu’est-ce qu’un chaman ? Comment vous définissez-vous?
Le mot “chaman”, pour moi, ne veut rien dire. C’est une façon d’étiqueter une personne par rapport à d’autres personnes. C’est une création du système capitaliste pour séparer les êtres humains. Au Pérou, ce mot-là, on ne connaît pas. J’ai grandi dans une famille qui était très reliée à la culture de la nature, aux plantes médicinales et cela se transmet de génération en génération. Le mot “homme-médecine” ou “Paqo” est plus approprié pour décrire ce que l’on fait. L’homme-médecine est quelqu’un qui est porteur de connaissances sur les plantes médicinales et qui les utilise avec beaucoup d’humilité pour guérir des maladies physiques ou émotionnelles chez l’être humain. Pour cela, l’homme-médecine se met en lien avec ces plantes dont il connaît les propriétés alchimiques. Car chaque plante est un esprit, une conscience. On communique avec elles, car ce sont des êtres vivants. Pour y parvenir, on entre dans un état modifié de conscience, dans une fréquence différente,
celle où l’on laisse tomber le mental. On devient tout simplement un être qui entre dans la fréquence des plantes…
— Vous utilisez les plantes pour soigner, mais je crois savoir que vous accordez une grande importance à la musique aussi…
Je suis dans cette démarche depuis plus de 40 ans. Avec les années, j’ai intégré non seulement les plantes médicinales et certaines pratiques rituelles ancestrales, mais aussi la musique. Tout ce qui est cosmovision andine. C’est-à-dire, comment, nous les Indiens, percevont la vie, le cosmos, comment nous faisons le lien avec la nature, l’écosystème, l’équinoxe, le solstice. Tout cela s’appelle la cosmovision andine. L’endroit où je suis né accorde beaucoup d’importance à la musique ancestrale, cérémoniale. Avec les voyages, les rencontres, les différentes cultures, j’ai trouvé une technique que j’ai appelée “l’alchimie du son”. Je travaille avec la musique de façon thérapeutique, car, la musique, c’est une vibration. La musique est la source. 
— Quelles sont les autres qualités d’un “homme-médecine” ?
L’homme-médecine a la faculté de percevoir non seulement la matière, mais aussi des formes invisibles, des vibrations. Car tout est énergie et vibration. Chaque personne, chaque être vivant dégage une vibration. À travers ces vibrations, on peut percevoir ce qu’il y a dans son corps, des traumas par exemple. Il peut s’agir d’autres énergies négatives. Comme l’être humain n’est pas toujours dans la pureté et s’aventure parfois dans l’opposé de la lumière comme la magie noire, des pratiques occultes, ce qui est à l’opposé de l’énergie divine, nous on essaie de neutraliser ces énergies négatives pour pouvoir créer un équilibre dans son âme, esprit et corps.
— Pouvez-vous nous parler des différentes formes de méditations pratiquées au Pérou ?
Ici, chez nous, nous pratiquons la méditation dynamique ou en action. Il y a ceux qui travaillent la terre, d’autres qui chantent… Mais qui sont dans un état de méditation, en pleine conscience. Quand nous marchons dans les montagnes pour aller d’une communauté à une autre, on marche en contemplant la nature. C’est une façon de méditer. Dans un rituel, nous faisons un cercle où nous présentons une offrande à la Mère Terre pour tout ce que nous recevons et cela dans une forme de méditation.
— Et quelle est l’importance du rituel chez vous ? 
Les rituels sont très importants, c’est une façon d’être en harmonie avec la nature. Nous, les êtres humains, sommes venus sur terre pour vivre une expérience dans la matière. La Mère Terre nous donne tout ce dont on a besoin comme nourriture et pour notre habitat, et nous devons la remercier. La terre existe grâce au “Grand Esprit” comme nous l’appelons ici, certains peuvent l’appeler Dieu. Pour pouvoir être en harmonie avec cette conscience divine, nous devons absolument faire des rituels. C’est à travers cela que nous remercions la Mère Nature ou le Grand Esprit pour tout ce que nous recevons. Mais ces rituels sont liés à des cycles annuels. Par exemple, nous avons quatre dates principales : le 21 mars, le 21 juin (le solstice), le 21 septembre (l’équinoxe), le 21 décembre (le solstice d’hiver). Tout cela a une influence sur les mouvements de la planète, le soleil et les constellations. Nous nous connectons pour que l’être soit en harmonie avec tout ce qui nous enveloppe. Nous faisons des rituels pour l’air, pour l’eau, pour le soleil.
— Comment se déroulent ces rituels ?
Il y en a beaucoup. Si quelqu’un fait le rituel du solstice, qui est le 21 juin, il va essayer d’être à jeun durant environ 48 heures. Pourquoi à jeun ? De manière que son corps ait une fréquence beaucoup plus élevée et qu’elle puisse se connecter plus facilement dans la nature. Hommes et femmes se retrouvent tous ensemble pour le rituel. On crée un cercle et chacun apporte une offrande, beaucoup de graines comme le quinoa ou des céréales. Et on partage la feuille de coca, une plante que nous consommons beaucoup et qui fait partie de notre culture au Pérou. On l’utilise pour la prière. On fait brûler un feu et on se connecte avec l’esprit du feu de manière à pouvoir appeler les esprits des montagnes, de la nature ainsi que les 4 éléments: l’eau, l’air, le feu, la terre pour débuter le rituel de manière correcte.
— La feuille de coca, l’esprit du feu… de quoi faire sourire les sceptiques… et donner des idées aux sorciers qui sont légion à Maurice…
Malheureusement l’humanité a été influencée par l’obscurité, le patriarchisme qui contrôle l’humanité depuis longtemps, le pouvoir, l’égo. Beaucoup de peuples ont été affectés par cette façon d’être et sont porteurs de cette énergie pas toujours saine. C’est pourquoi à partir de là, chaque être a créé une croyance qui n’est pas toujours une vérité. Chacun a créé un dogme, et nourrit une croyance qui lui semble être juste. Ceux qui pratiquent la magie noire, les sorciers influencés par cette conscience ne sont pas toujours dignes de cette conscience divine. Aujourd’hui, je peux me permettre de dire qu’un vrai chamane ou homme médecine c’est très rare. Il y a beaucoup de charlatans par-ci par-là dans le monde.
— Comment devient-on homme-médecine ?
C’est un long chemin. Selon notre tradition ici, seul le Grand Esprit a le pouvoir de voir que celui-là est différent par rapport aux autres. Mais il faut savoir que chaque être humain sur terre a une faculté, une potentialité. Nous sommes tous dans un stade d’évolution. Ici, nous n’avons pas de maître. Nous pratiquons encore la notion de la communauté. Par exemple à travers le cercle sacré. Nous nous complémentons, il n’y a pas de compétition, pas de supériorité ou de complexe.
—La confiance, le lâcher-prise, mais aussi le respect du règne végétal et animal. Comment réagissez-vous face à la cruauté envers les animaux ?
Nous essayons d’avoir de la compassion. Nous ne pouvons pas l’affronter et faire la guerre. Si nous avons de la peine, de la colère, de la peur, ce que nous allons faire, c’est amplifier cette peur, cette manipulation qu’on vit depuis des décennies. Mais nous avons espoir que l’être humain partout sur terre est en train de changer et c’est une évidence que petit à petit, il prend conscience de sa véritable essence divine. Tout en étant conscient que cela fait partie des expériences dans la matière que nous devons traverser, nous envoyons à tous ces êtres beaucoup de lumière et d’amour pour que tout cela change un jour.

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