Un barachois offert « sans bail ni frais »

Jean-Claude Antoine

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La politique déclarée du gouvernement est de faire de la mise en valeur de nos ressources maritimes un des prochains piliers du développement économique. C’est une volonté tout à fait logique quand on se rappelle qu’avec Rodrigues, Agaléga et les Chagos, la République mauricienne possède des centaines et des centaines de kilomètres carrés de l’océan Indien qui ne sont pas exploités. Ce n’est pas le cas des Seychelles qui ont, depuis belle lurette, su tirer parti de façon intelligente de ses ressources maritimes, notamment avec une industrie de la pêche très performante. L’ambition d’exploiter les ressources maritimes mauriciennes figure dans le programme gouvernemental, dans des discours et documents officiels et un ministère de la Pêche et de l’Economie océanique a même été créé pour les besoins de la cause. On se disait que le gouvernement et le ministère concerné allaient tout faire pour soutenir et encourager les petits entrepreneurs mauriciens à se lancer dans des projets d’aquaculture. Le calvaire que vit Khemraj Parsand depuis la fin de 2015 semble indiquer que bien au contraire le ministère concerné fait tout pour décourager ce petit entrepreneur qui exploite, envers et contre tous, le petit barachois de Poudre d’Or. 

Cet habitant de Grand-Gaube est un entrepreneur dans l’âme qui a des idées et qui cherche les moyens de les réaliser. C’est ainsi qu’il obtient en 2014 un prix à un concours organisé par la défunte BAI en étant élu «The Most Creative Young Entrepreneur of the Year». Titre qui est peut-être une des causes de ses malheurs à cause de l’identité de l’organisateur du concours. Son projet consiste à développer un barachois pour produire ce qui manque cruellement sur les menus des restaurants et des hôtels de l’île Maurice touristique : des produits de la mer. Il obtient en 2015 un bail pour un petit barachois abandonné à Poudre d’Or, trouve les capitaux pour financer les travaux consistant à le remettre en étant de fonctionnement. A force de travail, il parvient à recréer les conditions nécessaires pour l’élevage d’huîtres, de crabes et de moules et commence à fournir les hôtels en produits frais de la mer, tout en se lançant dans l’élevage d’alevins pour augmenter sa production et éventuellement fournir d’autres éleveurs.

La réussite du petit entrepreneur va se transformer en cauchemar en septembre 2015 quand le grand barachois, d’une superficie de 52 hectares, qui jouxte le sien est attribué « sans bail ni frais » a une société appartenant à l’époux de la PPS Boygah, pour un élevage de concombres de mer, d’huîtres et de crabes. Le projet de la nouvelle société est qualifié de « projet pilote » par le ministre de la Pêche, une entreprise devant employer plus 100 personnes et produire, après neuf mois, « des concombres de mer pouvant se vendre à 100 dollars le kilo à l’exportation ».

En fait d’élevage de « barbaras », c’est plutôt celui des procès, des déclarations à la police et de bataille légale pour un passage entre les deux barachois, que la nouvelle société a développé contre son voisin. Alors que Khemraj Persand continue à exploiter son barachois malgré les tracasseries administratives, les déclarations à la police et les procès, Yashodhar Boygah, le propriétaire du grand barachois obtenu « sans bail ni frais », il y aura bientôt quatre ans, n’a pas encore produit un seul concombre de mer. Ce non-développement, cette non-utilisation du barachois de 52 hectares ne semble pas inquiéter le ministère de la Pêche qui, par contre, surveille de très près l’activité du petit barachois tout en refusant de donner à son propriétaire les documents nécessaires pour lui permettre de continuer son développement. C’est ainsi que les demandes de Khemraj Persand pour le renouvellement de son bail, qui arrive à échéance l’an prochain – ce qui est indispensable pour qu’il puisse envisager l’avenir – ne reçoivent aucune réponse. Par contre, le propriétaire du grand barachois « sans bail ni frais » n’a aucune inquiétude pour l’avenir. Selon certaines sources, au lieu d’élever les concombres de mer, il songerait à utiliser les berges des 52 hectares reçus du gouvernement pour des projets de développement immobiliers !

Est-ce en offrant « sans bail ni frais » des dizaines d’hectares aux conjoints des élus politiques et en ne s’assurant pas de l’usage qu’on fait de ces terrains de l’Etat que le gouvernement mauricien va développer l’économie océanique ?

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