VÉCU : Agalega, une île délaissée, selon John Dacruz

Agalega, parcelle de notre territoire national, est dotée d’un collège d’État pour les études s’échelonnant sur les trois premières années du cycle secondaire. Cinq enseignants mauriciens y sont affectés chaque année sur une base contractuelle d’un an selon un système en vigueur au ministère de l’Éducation. John Dacruz, qui a fait partie du personnel enseignant du Agalega Medco SSS en 2012, nous fait le récit de son séjour dans cette île qui, soutient-il, « est délaissée » par les autorités concernées.
À Agalega, la population bénéficie de plusieurs facilités : le logement, l’eau – chaque maisonnette dispose d’un système de récupération d’eau de pluie –, et l’électricité sont gratuits ; le passage est offert sur le bateau Mauritius Pride pour se rendre à Maurice et retourner sur l’île ; et la plupart des Agaléens sont employés, à divers niveaux, dans les services de l’administration de l’île.
Malgré ces avantages, Agalega souffre de l’éloignement et de l’isolement, étant donné que les liaisons maritimes et aériennes y sont peu fréquentes. Par exemple, le Mauritius Pride ne s’y rend que chaque six mois en vue de ravitailler l’île, entre autres, en produits alimentaires. Quant à l’avion du gouvernement, le Dornier, il fait le voyage qu’à des occasions exceptionnelles. De plus, la petite piste d’atterrissage est dans un état « négligé ».
L’île n’est pas non plus reliée au réseau informatique mondial. Les correspondances se font surtout par télécopieur, appareil que l’on trouve uniquement au bureau de l’administration. En l’absence de réseau de téléphone fixe, c’est la téléphonie mobile qui est utilisée pour communiquer avec le monde extérieur.
Petit à petit, explique John Dacruz, certains Agaléens ont préféré quitter leur île pour s’installer à Maurice. « Selon certains habitants, auparavant Agalega comptait environ 800 âmes. Bon nombre d’entre eux, gagnés par un sentiment de lassitude et d’isolement, ont décidé de partir de cette terre qui leur est pourtant si chère pour venir à Maurice où ils vivent surtout dans les faubourgs de Port-Louis. Aujourd’hui, environ 280 personnes y habitent toujours », explique cet ex-enseignant du Agalega Medco SSS.
En 2012, se souvient John Dacruz qui a été maire de Beau-Bassin/Rose-Hill en 1993 et 1994 et ambassadeur de Maurice en Afrique du Sud de 2001 à 2004, le collège Medco à Agalega accueillait une trentaine d’élèves, dont huit filles. Les classes débutent à 7 h 15 pour finir à 13 h 15, incluant une demi-heure pour le déjeuner. L’on y enseigne les mêmes matières académiques et scientifiques qu’à Maurice. Les petits agaléens, soutient l’ex-enseignant, sont de bons élèves qui rêvent d’une vie meilleure au lieu de ce quotidien « terne et monotone qui est le reflet de leur île perdue dans le grand océan ». Ces jeunes doivent aussi venir à Maurice pour compléter leurs études secondaires.
Agalega est composée de deux petites îles distinctes – l’île du Nord et l’île du Sud – qui sont séparées par un bras de mer. Deux pirogues à moteur font le trajet lorsque la marée est haute pour y transporter des passagers et des marchandises. Il est déconseillé de faire cette traversée à pied car il s’y trouve un banc de sable qui contient des poches pouvant être dangereux pour le marcheur. « Une fois, j’ai eu à faire le trajet de l’île du Sud à l’île du Nord à pied. Cela a duré une demi-heure et c’était périlleux à cause des embûches… », raconte John Dacruz.
Raz-de-marée
L’île du Nord abrite, entre autres, le centre administratif, la piste d’atterrissage, le lieu de débarquement et d’embarquement pour le Mauritius Pride et le Centre Tsunami. Ce dernier sert d’abri aux habitants en cas d’alerte au tsunami. En temps normal, des activités y sont organisées à l’intention de tous les habitants. « Le Centre Tsunami a prouvé toute son utilité quand, un soir de juillet 2012, un gigantesque raz-de-marée a envahi les zones côtières de l’île du Nord… Tout le monde a eu peur, l’alarme a retenti sur toute l’île et nous nous sommes réfugiés dans ce bâtiment car nous craignons le pire. Heureusement, c’était plus de peur que de mal. Ce raz-de-marée a causé une érosion remarquable et regrettable tout autour de la zone côtière », se souvient John Dacruz.
Durant son séjour à Agalega, l’ex-maire a participé à des parties de pêche avec des habitants qui, dit-il, malgré leur gentillesse sont assez méfiants envers ceux qui ne sont
pas des autochtones… Les Agaléens, poursuit John Dacruz, reconnaissent qu’ils sont des assistés mais sont frustrés du fait que leur île demeure dans un état figé alors, qu’ailleurs, il y a une perpétuelle évolution. Ils disent adorer leur île et vouloir y mourir. De ce fait, ils n’aimeraient pas que leur terre soit cédée un jour à une quelconque puissance étrangère.
Par ailleurs s’agissant du lieu de débarquement et d’embarquement à Agalega, M. Dacruz affirme qu’il est dépourvu de sécurité. « Malheureusement, il n’y a pas de rade digne de ce nom. Pour des raisons sans doute techniques, le navire ne jette pas l’ancre et est ainsi en perpétuel rotation. Du coup, le débarquement et l’embarquement se font dans des conditions à risques. On peut dire que les manutentionnaires agaléens sont des téméraires car ils prennent beaucoup de risques durant cet exercice. »
Si l’on veut créer une « nouvelle ambiance » dans cette île amorphe qu’est Agalega, déclare John Dacruz, il faudrait y introduire le tourisme. Pour ce faire, la piste d’atterrissage devrait être réaménagée, conclut-il.

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