Yohan Louis, premier Mauricien choisi par l’Alfred Wegener Institute

Il est le premier Mauricien qui montera bientôt à bord du PFS Polarstern, le plus grand navire de recherche au monde de l’institution allemande de renom Alfred Wegener. Yohan Louis, docteur en “Marine Sciences and Ecology”, a été choisi parmi 800 candidats au niveau mondial pour une grande expédition d’un mois de l’Arctique jusqu’à l’Antarctique. Ce jeune homme de Petite-Rivière, qui place Maurice sur la carte mondiale grâce à sa passion pour la recherche marine, et surtout pour la mer, sera en compagnie de 25 autres chercheurs à travers le monde. L’aventure sera grande pour Yohan Louis dont le désir d’apprendre et de partager son expérience pour l’avancement du pays dans le domaine maritime est « primordial ».

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Un appel à candidatures de l’Alfred Wegener Institute pour former les jeunes, qui sont des “future ocean experts”, a été le point de départ pour ce jeune scientifique mauricien, qui travaille en ce moment sur quelques projets de recherche à l’Université de Maurice. « Sur les 800 candidatures qu’ils ont reçues, ils n’en ont retenu que 25. Je ne m’attendais pas à être parmi eux », se rappelle Yohan Louis. Selon lui, l’institut a pris du temps pour lui répondre. « Et je me disais que c’était perdu, qu’on ne me répondrait pas », ajoute-t-il.

Ayant mis de côté ce rêve, il ne croyait pas lorsqu’il a reçu un courriel, lui annonçant qu’il faisait partie de cette liste de 25 candidats choisis. Pour Yohan Louis, cette sélection n’a pas été faite par l’Alfred Wegener Institute au pied levé. Il fait ressortir avoir été récipiendaire de plusieurs prix dans le passé. Sa participation à des conférences internationales, dit-il, a été des éléments pris en considération par cette institution allemande. « C’est une très grande joie d’avoir été sélectionné. D’ailleurs, l’un de mes rêves était de partir sur un bateau de cette envergure et, aujourd’hui, cela se réalise. Cet institut veut former les jeunes », dit-il. Le PFS Polarstern est considéré comme un “research vessel”, soit le plus moderne de cet institut allemand. Yohan Louis avance que « tout est financé par cet institut et ses collaborateurs ».

Photo facebook

Le voyage qu’effectuera le Mauricien choisi est intitulé “South to North Atlantic Transect” et s’étendra du 2 au 29 juin. « Cette expédition commencera en Amérique du Sud pour traverser toute l’Atlantique pour arriver à l’Arctique », dit-il. Un arrêt en Allemagne est aussi prévu. Pendant la traversée, les 25 sélectionnés, issus de différentes régions du monde, assisteront des scientifiques dans leurs recherches. L’institut allemand fait des études dans quatre domaines spécifiques et Yohan Louis assistera les scientifiques océanographiques.

« On travaillera avec eux et apprendra en même temps. Les échantillons des données collectées seront traités sur le navire. On sera exposé aux techniques très avancées. Des experts nous formeront. J’aurai la chance de partir et d’apprendre les nouvelles technologies », dit-il, faisant ressortir que c’est l’un des buts de ce voyage. Il y aura une centaine de scientifiques sur ce bateau et chacun aura son domaine de recherche.
Yohan Louis souligne également que cette expédition comprend aussi une bonne partie de vulgarisation des informations. Selon lui, une des lacunes des scientifiques est la communication. Pour pallier ce manque, une formation sur la communication sera faite et les scientifiques seront appelés à disséminer les informations à travers l’Internet à différentes écoles. Jusqu’à présent, il ne sait pas dans quelle équipe il sera appelé à travailler. Toutefois, il sait déjà que les recherches se porteront sur plusieurs sujets, dont le micro-plastique.

« Une des plus grandes menaces pour les océans, c’est le micro-plastique », indique ce chercheur. Si le problème du plastique dans la mer n’est pas aussi grave à Maurice que dans d’autres pays, il est d’avis qu’il ne faut pas traiter cette question à la légère. « Nous devons trouver des solutions », dit-il, s’agissant du plastique et du micro-plastique. Ce dernier, explique-t-il, revient à travers ce qu’on consomme de la mer. À sa connaissance, il dit qu’il n’y a pas d’études pour savoir où se situe Maurice au sujet du micro-plastique.
Parlant sur la recherche à Maurice, Yohan Louis avance que nous avons plus de mers que de terres. Toutefois, « nous ne connaissons pas suffisamment notre mer ». L’absence de bateaux de recherche est « un souci » même s’il y a eu des collaborations externes. Il précise que des chercheurs sont allés sur des bateaux de la région. « Il y a définitivement une lacune dans l’exploration de nos eaux à Maurice », dit-il. Le navire à bord duquel montera Yohan Louis est de deux fois plus grand que les bateaux de recherche dans l’océan Indien.

Les coraux en danger à Maurice

Selon ses recherches, Yohan Louis avance que Maurice fait face à un problème important s’agissant des coraux. « Il faut comprendre que la majorité des coraux meurent. Nous avons déjà perdu plus de 50% de nos coraux », dit-il. D’ailleurs, son doctorat était axé sur les coraux et leur adaptation face au changement climatique. « Malgré cela, nous observons qu’il y a certaines espèces plus tolérantes que d’autres », souligne-t-il. Son étude était de comprendre pourquoi certains sont plus résistants que d’autres. Selon lui, il faut que l’on mette l’accent sur le problème car « un seul doctorat ne pourra pas résoudre ce problème national ».

Pour ce scientifique, nous avons une baisse dans le nombre de touristes et l’une des raisons pourrait être « le manque de considération pour les coraux ». Il ajoute : « Quand les touristes voient le lagon intact des autres pays, ils iront certainement vers ces destinations. Aujourd’hui, tout est sur Internet. Si les touristes constatent que d’autres destinations ont un programme de conservation, ils s’y rendront. »
Ce scientifique soutient de même qu’il faut une stratégie nationale pour sauver les coraux, avant d’ajouter que « le problème est grave ». Même si des coraux sont plantés, il dit qu’ils prennent du temps à pousser et montrer des résultats. « Sensibiliser les hôtels sur ce problème est aussi important », dit-il.

Les coraux, selon Yohan Louis, sont aussi affectés par les crèmes solaires chimiques. « Les composants ont un effet néfaste mais c’est toujours à débattre, compte tenu de la quantité qui est utilisée. Il faut encourager les importateurs et les éduquer qu’il y a des crèmes solaires qui sont “reef safe”. Ils peuvent importer ces crèmes et les mettre à la disposition des touristes. Certains touristes nous ont dit que nous faisons tout ce travail mais déplorent qu’il n’y ait pas de crèmes solaires “reef safe” à Maurice. Nous voyons qu’ils sont bien conscients. Je crois qu’il y a toute une éducation à faire », dit-il.

Étant parmi le peu de jeunes ayant un doctorat dans ce domaine, Yohan Louis dit avoir noté qu’il y a des jeunes qui sont très motivés mais craignent que les opportunités soient très minces. « Si on veut devenir expert, il faut des bourses et c’est là que les choses se corsent. Il y a des jeunes qui veulent le faire mais la première barrière est d’avoir une bourse », dit-il. Si cette première barrière a pu être franchie et les qualifications en poche, il demande où sont les opportunités de travail à Maurice. « Nous avons des Ong mais ont-elles des fonds pour employer les experts ? Il peut y en avoir un sur place et après peut-être qu’ils n’auront besoin de personne. C’est un autre souci », dit-il.

Il révèle aussi que, souvent, des institutions ne souhaitent pas recruter une personne ayant un doctorat mais quelqu’un dont les qualifications sont inférieures. « Ainsi, ceux ayant un doctorat dans ce domaine se retrouvent un peu dans le flou », dit-il. Grâce à des sollicitations de l’extérieur, les scientifiques ont du travail. Parlant sur son cas, il dit qu’il est facile de partir et revenir après chaque trois mois. « Mais, moi, j’ai envie de travailler ici », dit-il.

Choisi parmi une petite poignée de scientifiques, il est d’avis que l’institut allemand veut “empower” les petits pays, comme Maurice, qui n’ont pas les infrastructures ni les connaissances nécessaires.

Toutefois, il soutient que Maurice peut être petit « mais de bonnes recherches y sont faites ». Il poursuit : « Avec les moyens que nous avons, nous ne devons pas rougir lorsque nous sommes à l’extérieur car nos recherches, nos techniques sont bonnes et nous avons aussi de bons mentors. Je suis très fier de mon pays concernant les recherches effectuées. » Si à l’UoM, les recherches sont publiées et mises dans le domaine public, il déplore que certaines recherches soient restées dans les tiroirs. Pour lui, il faut plus de fonds pour des recherches à Maurice. À son retour, Yohan Louis souhaite partager ses connaissances pour le bien du pays.

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