La Cour intermédiaire prise en otage !

Pour beaucoup d’observateurs indépendants, la Cour intermédiaire a offert, jeudi dernier, une image qui fera longtemps honte au pays. Complètement dépassée parce que, manifestement, en sous effectif, la police a été, en premier lieu, en grande partie responsable de la pagaille qui y a prévalu. Mais il y a eu, avant tout, la responsabilité des dirigeants du MSM eux-mêmes qui ne sont pas parvenus à contrôler les chemises orange ! Déjà débordées le mardi précédent, lorsque les magistrats avaient délivré leur jugement de culpabilité à l’encontre du ministre des Technologies et de l’innovation et leader du MSM, les forces de l’ordre auraient dû avoir pris davantage de dispositions pour contenir la foule des partisans. Mais il n’en a rien été : dirigeants, ministres et supporters du MSM ont pratiquement pris en otage la cour de justice. Le jugement et la sentence ont été prononcés à deux jours différents dans la chambre no. 7 de la Cour intermédiaire. Cette chambre ne peut, normalement, contenir qu’à peine une quarantaine de personnes. Or, mardi, dès 10 h, une très grosse foule de partisans de Pravind Jugnauth s’était massée aux abords du tribunal avec la ferme intention d’y accéder. Tant bien que mal, la Police avait pu gérer la situation, bien qu’elle n’ait pu, cependant, empêcher quelques mouvements de foule au cours desquels des journalistes ont été bousculés, pour dire le moins. Un des membres de la presse a dû d’ailleurs recevoir des soins. Jeudi, cela a été grave. À 10 h 55, l’arrivée de l’accusé Pravind Jugnauth en compagnie de son épouse a été saluée par un tonnerre d’acclamations. Cela n’a rien d’anormal pour des partisans venus soutenir leur leader dans une épreuve à laquelle il ne s’attendait pas du tout tant Pravind Jugnauth était convaincu qu’il allait être exonéré de tout blâme. La foule a suivi son leader, a grimpé sur les quatre paliers jusqu’aux portes du tribunal avec l’intention d’y pénétrer. Heureusement qu’en chef politique responsable, le leader du MSM a su appeler ses partisans à ne pas passer des commentaires lorsque la sentence sera prononcée. Les parties engagées avaient été convoquées à se présenter devant les magistrats à 11 h. Mais, pour des raisons qu’ils sont toujours seuls à connaître, ce n’est qu’à 12 h 05 que les deux magistrats eux-mêmes ont pris leurs sièges dans une atmosphère tendue. Les plaidoiries des avocats de la défense et de la poursuite ont pris fin quelque 50 minutes plus tard. A la sortie de l’accusé du tribunal, d’autres bousculades ont eu lieu. Toutefois, le pire était à venir avant la reprise des travaux de la Cour fixés à 14 h 30. Cette fois, pour être certains d’avoir accès à la chambre no. 7, les membres de la presse ont pris la sage décision d’être devant la porte dès 13h. Des policiers, légèrement plus nombreux que lors de la séance du matin, avaient verrouillé l’entrée et avaient placé des barricades aux deux accès menant à l’entrée de la chambre. Ce n’était, certes, pas une mauvaise mesure. Sauf que les députés MSM Stephan Toussaint et Roubina Jadoo en avaient, eux, décidé autrement. Ils ont fait enlever une barricade pour faire entrer ministres, députés et agents au grand dam de tous ceux qui s’étaient postés bien avant. Dans le désordre indescriptible qui s’en est suivi avec des partisans en surnombre hurlant : «Pravind! Pravind !», des femmes et des journalistes ont été rudoyés. Finalement, si la presse a pu avoir accès au tribunal, c’est grâce à Pravind Jugnauth lui-même conscient que les journalistes ne pouvaient absolument pas être exclus dans des circonstances pareilles, tant il était de leur droit — et surtout de leur devoir — de rendre compte des événements à toute la population. Nous avons l’information que c’est le leader du MSM lui-même qui a délégué un de ses lieutenants auprès de la police pour qu’elle intervienne afi n que les journalistes puissent trouver leurs places – debout – dans le tribunal. Ce qui a été fait non sans quelque retard et après que les membres de la presse ont eu à brandir leurs cartes. Par la suite, il a fallu toute l’autorité du vice-Premier ministre Showkatally Soodhun pour que les centaines de partisans descendent les escaliers pour aller occuper les rues environnantes. Encore que les journalistes ont eu, eux, plus de chance que ce jeune avocat, partisan travailliste apparemment proche d’Arvind Boolell, qui a senti qu’il lui fallait déguerpir à un moment quand il a compris que des partisanes MSM à ses côtés espionnaient les messages textos de son téléphone portable ! Véritablement, ce n’est exagéré d’affi rmer que les dirigeants du MSM et leurs partisans ont pris la Cour intermédiaire en otage, jeudi dernier. Et ce n’est sans doute pas l’avocat Raouf Gulbul, candidat battu du MSM aux dernières élections, qui dira le contraire, lui qui s’est fait fort de clamer sur toutes les radios que, «tout le Cabinet des ministres» était là pour soutenir Pravind Jugnauth. Ils étaient effectivement tous là : Xavier-Luc Duval, Ivan Collendavelloo, Anil Gayan, Roshi Bhadain, Etienne Sinatambou et d’autres. Dans d’autres démocraties plus évoluées — à l’instar de l’Angleterre — telle présence massive de ministres pour soutenir un de leurs collègues traduit devant une Cour aurait été interprétée comme une entorse, voire une pression sur la magistrature. A l’époque, les partisans de Gaëtan Duval avaient aussi essayé de faire pression en manifestant devant les tribunaux correctionnels de Curepipe et de Flacq quand leur Joe était poursuivi dans le deuxième procès initié en 1989 par Sir Anerood Jugnauth autour de l’assassinat d’Azor Adélaïde. Mais la leçon qu’il faudrait, peut-être, retenir de ce genre de tristes spectacles, c’est que, dorénavant, pour tout procès impliquant un high profi le politician mauricien, afi n d’éviter la pagaille ou autre intimidation, il faut délocaliser vers Rodrigues ! Et vice-versa. Dernière chose à signaler et non des moindres, il faudrait que les magistrats soient plus respectueux des citoyens et des justiciables en leur faisant attendre le moins possible !

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