Paroles, paroles…

Les paroles s’envolent, les écrits restent. À notre époque, il conviendrait d’ajouter que les enregistrements aussi restent. Est-ce bien le Premier ministre qui a traité la magistrate Jade Ngan Chai King d’incompétente, et son jugement rendu dans l’affaire Bruneau Laurette de bancal ? Qui a émis ce jugement de valeur ? Le saura-t-on un jour ? L’enregistrement, qui suscite de vives polémiques et défraie la chronique, a été fait à l’insu du présumé auteur. Et si l’enregistrement est authentifié et qu’il s’avère que c’est bel et bien Pravind Jugnauth qui est l’auteur de ces mots, la chose est encore plus condamnable que si c’était un anonyme qui aurait tenu de tels propos. Qu’un chef de gouvernement se permette un tel écart n’est évidemment nullement sain pour la santé de notre pays.
D’autant que cette vive polémique qui s’est déclenchée entre le bureau du DPP, le judiciaire, le commissaire de police et le Premier ministre confère un climat encore plus tendu au pays. Chaque étincelle recèle sa provision de feu pour faire exploser le brasier. La poudrière sur laquelle notre pays est assis peut tout autant être désamorcée, et ramener ainsi la sérénité tant recherchée dans le pays. Mais en même temps, il suffit d’un rien pour embraser une situation déjà très sulfureuse.
La conjoncture sociale actuelle est déjà fort astreignante. Il suffit de demander aux foyers qui ont reçu leur facture d’électricité revue à la hausse ! Sans oublier la valse continue des prix, qui prennent l’ascenseur constamment, et le Grand Argentier qui a soutenu qu’il n’y aurait aucune baisse des prix du carburant. Terminer un mois calmement semble désormais un souvenir d’une autre époque, d’un temps révolu même.
À tout cela, Joe Lesjongard, ministre de l’Énergie, s’est fendu d’un commentaire qui reste au travers de la gorge. En début de semaine en effet, l’homme a réitéré sa demande pour une consommation d’eau avec parcimonie. Après les épisodes de pluies torrentielles, les réservoirs accusent un taux de remplissage au-dessus de 80%. Malgré tout, il va de soi que chaque Mauricien réfléchit à deux fois plutôt qu’une quand il ouvre le robinet. Nul besoin qu’un ministre vienne lui faire la leçon.
Joe Lesjongard aurait gagné à étayer ses précieux conseils par l’élaboration d’une stratégie ou d’un plan pour arrêter de perdre de l’eau. Que ce soit de l’eau de pluie, qui dévale vers la mer, que celle qui coule dans ces tuyaux avariés, vieux d’on ne sait plus combien d’années, et qui ont été partiellement réparés dans certains endroits et continuent de pourrir dans d’autres. Lesjongard attend-il que démarrent les travaux d’extension du métro dans le No 8 pour trouver que les stocks accusent à nouveau un taux alarmant ? Qu’est-ce qui sera mis en œuvre en attendant les prochaines saisons pluvieuses ? Et si ces pluies ne venaient pas ?
Avec une fréquence moyenne de 90 000 touristes par mois dans le pays, avec le premier trimestre quasiment fini, qu’attendent les autorités pour se mouiller la chemise ? Le soutien des agences internationales de pays amis est déjà acquis. Que faut-il d’autre pour lancer des travaux de rénovation et de réfection du système d’approvisionnement ? Le fameux slogan “winner” de la campagne de 2014, de l’eau 24/7, a-t-il été soigneusement rangé dans un quelconque tiroir, oublié pour n’être ressorti que lors de la prochaine campagne, qui pointe son nez ?
Ce jeudi 30 mars marquera dix ans depuis le tragique Black Saturday de 2013. Où Maurice avait perdu 11 de ses enfants, morts dans la montée des eaux en quelques minutes seulement dans la capitale. Keshav Ramdharri, Sylvia et Jeffrey Wright, Amrish et Trishul Tewary, Vikesh Khoosye, Simon Henriette, Christelle Moorghen, Retnon Navin Sithanen, Rabindranath Bhobany et Vincent Lai ont laissé leurs familles inconsolables et meurtries à jamais.
Une affaire a été entrée en justice par ces familles. Alan Wright, qui a perdu son épouse et un de ses fils, cheville ouvrière de ce mouvement de Mauriciens traumatisés, ne rate jamais une occasion de rappeler qu’aucun d’eux ne peut faire le deuil des disparus. Et de rappeler à chaque fois comment « quasiment rien n’a été fait en ces dix ans pour éviter des pertes de vies ». Et dire que les autorités ont promis « plus jamais ça » ! Encore et toujours des paroles…

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