PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE: Une histoire tourmentée

C’est un poste qui est devenu, à quelques rares exceptions près, avant tout, un symbole communal. Non seulement le président est resté coincé dans les équations politiciennes, mais la République elle-même constitue une étape tourmentée de l’histoire politique post-indépendance alors qu’elle devait symboliser la rupture définitive avec le passé colonial et un avancement dans la consécration des valeurs citoyennes.
Même si de nombreux discours de politiciens de tous bords ont vanté les mérites de la République, il faut attendre 1983 pour qu’un débat sérieux soit engagé à l’Assemblée nationale. Mais, là aussi, ce n’est pas tant le désir de se débarrasser de la reine comme chef de l’État qui est le moteur du désir d’avancer dans le processus de décolonisation, mais celui de caser et, cette fois, c’était d’essayer de trouver une place honorable pour Sir Seewoosagur Ramgoolam, architecte de l’alliance bleu-blanc-rouge de 1983 avec Sir Anerood Jugnauth et Sir Gaëtan Duval, qu’il fallait à tout prix récompenser après avoir été privé de ticket par le leader du MSM.
Toujours est-il que le texte est tellement mal ficelé et minimaliste que le principal intéressé, de même que son fils Navin Ramgoolam, alors de passage à Maurice, crient à la caricature. Le gouvernement MSM/PTr/PMSD ne disposant pas des trois quarts requis pour changer la Constitution et le MMM s’opposant à un changement cosmétique qui consiste à remplacer le gouverneur général par un président godillot, le texte est rejeté.
En 1990, après la conclusion de l’alliance MSM/MMM et l’éviction du PTr, il y a eu une nouvelle tentative d’instaurer la République, l’idée étant d’y parquer Paul Bérenger pour éviter d’avoir un trublion au sein du gouvernement. Sir Gaëtan Duval, alors dans l’opposition, n’y voit aucun inconvénient et annonce son soutien au projet de République. C’était sans compter avec Navin Ramgoolam, Londonien assumé et pas encore officiellement engagé politiquement, mais qui, va, le temps d’une escale, faire plier les Satcam Boolell et autres ministres travaillistes qui avaient approuvé le projet de République au Conseil des ministres.
SAJ propose néanmoins son projet de réforme à l’Assemblée législative en août 1990, mais la nuit des longs couteaux faisant son oeuvre sous l’impulsion de Navin Ramgoolam, il manquera finalement une voix, celle déclarée et acquise de Raj Virahsawmy, pour faire aboutir le projet de République, mais qui s’était perdue dans la très forte pression d’un soir de vote. Mais ce n’était que partie remise.
Cassam Uteem : le président que la  République attendait
Dès qu’il revient au pouvoir avec le MMM avec une majorité de plus de trois quarts, soit avec 57/3 avant même la désignation des Best Losers, SAJ et ses collègues travaillent au projet de République, mais sans l’option Bérenger qui est le nouvel élu du No 19 avec ses colistiers Jayen Cuttaree et Jean-Claude de l’Estrac. Le MMM ayant toutefois le choix de désigner le président, c’est sur le premier député du No 3, Cassam Uteem, qu’il portera son choix. Qui, à ce moment-là, n’a pas fait l’unanimité.
Pour mieux assurer la transition, SAJ trouve un arrangement avec celui qui occupait le Réduit en tant que gouverneur général, en l’occurrence, Sir Veerasamy Ringadoo qui accepte d’être le tout premier président de la République pendant trois mois à compter du 12 mars 1992 jusqu’à l’arrivée de Cassam Uteem le 1er juillet 1992. C’est celui qui a été le premier véritable président de la République et qui, en fait, l’a, jusqu’aujourd’hui, le mieux incarné malgré son parcours politique. Et ce n’est pas étonnant que, malgré le changement de gouvernement en 1995, Cassam Uteem sera, en 1997, reconduit au poste, à la dernière minute il est vrai, pour un second mandat. Participation au débat public, engagement sur le terrain du social, innovation, ouverture de la State House à tous et surtout en première ligne après les émeutes de février 1999, il a été le président de la République qu’on attendait.
2005: le rappel à l’ordre de la Commission électorale
En 2002, il entre dans un conflit avec le gouvernement et avec SAJ et Anil Gayan, alors ministre des Affaires étangères, en particulier sur les dispositions de la Prevention of Terrorism Act, alors que Paul Bérenger joue aux intermédiaires pour voir comment améliorer le texte. Le président Uteem refuse de le signer et le renvoie une première fois devant l’Assemblée nationale. Le gouvernement apporte quelques retouches au texte qui revient devant le président qui, sous la Constitution, est, cette fois, tenu de donner «son assent».
Estimant qu’il ne pouvait le faire, Cassam Uteem démissionne le 15 février 2002. Il est suivi dans sa démarche par le vice-président travailliste Angidi Chettiar qui, appelé à assurer la suppléance au poste de présider, refuse lui aussi de signer et soumet sa démission sur ordre de Navin Ramgoolam, alors membre de l’opposition et du PTr.
Le chef juge Ariranga Pillay agissant comme président de la République signe finalement le texte et c’est un fidèle du MSM, Karl Offmann, qui est proposé pour occuper officiellement le poste de chef de l’État en mars 2002. Il y restera un peu plus d’un an, le temps que SAJ quitte son poste de Premier ministre et cède sa place à Paul Bérenger en septembre 2003.
SAJ au Réduit, ce sera le calme plat jusqu’au démarrage de la campagne électorale de 2005. Il se retrouvera, lui et son épouse, pris dans un tourbillon après que le PTr/PMSD et les autres partis composant l’alliance sociale logent une protestation auprès de la Commission électorale à l’effet que la First Lady Sarojni Jugnauth était pleinement engagée dans la campagne électorale de son fils au No 11. Faisant preuve d’une audace jamais égalée depuis, la Commission électorale adressera une lettre officielle de rappel à l’ordre à la présidence de la République.
On connaît la suite des événements, l’humiliation de SAJ à la Place d’Armes le 29 juillet 2005, avec le retour aux affaires de Navin Ramgoolam lors de la prestation des ministres de l’Alliance Sociale avec Xavier Duval,  Madan Dulloo et autres Rama Valayden. Un événement mémorable dans l’histoire de la République.
Mais la politique étant ce qu’elle est à Maurice, soit une suite de reniements et de contorsions, SAJ va vite oublier son calvaire public et regarder plutôt les intérêts de son fils Pravind, qu’il jette dans les bras de Navin Ramgoolam à la première occasion. Ce qui lui vaut d’ailleurs une reconduction inattendue à son poste de président en octobre 2007, son premier mandat de 5 ans épuisé.
Le PTr soutient ainsi le fils Jugnauth à la partielle du No 8 Moka/Quartier-Militaire. Le leader du MSM est élu grâce aux votes des rouges et l’image qui est restée est celle de Pravind Jugnauth avec un drapeau rouge à la main le jour des résultats du 2 mars 2009. La suite logique est ensuite une alliance PTr/PMSD/MSM qui remporte les élections de 2010.
Jusqu’à ce qu’éclate l’affaire Med-point et la démission du MSM du gouvernement en juillet 2011. Malgré cela, SAJ reste au Réduit, mais il démissionne en mars 2012 avec le soutien de Paul Bérenger qui voit en lui celui qui a la capacité de se mesurer à Navin Ramgoolam. Pour le remplacer à la State House, le Premier ministre d’alors choisit Kailash Purryag qui est Speaker. Celui-ci démissionne et cède sa place à Razack Peeroo.
Kailash Purryag, dont le gendre Ritish Ramful est un des quatre rescapés du PTr aux dernières élections, subit de grosses pressions de la part d’Ivan Collendavelloo pour vider les lieux au plus vite, mais le Premier ministre tempère les ardeurs de son allié et refuse de se joindre à la meute qui réclame la tête de Purryag.
Jusqu’à cette semaine lorsque les bruits commencent à se répandre à l’effet que l’occupant de la State House est sur le départ et que cela intervient suite à un arrangement passé avec le Premier ministre, tandis que d’autres font une toute autre lecture de la situation et qu’ils soutiennent que, mis devant la possibilité d’être entraîné dans la spirale policière et judiciaire que connaît Navin Ramgoolam, Kailash Purray a fini par rendre son tablier, sa remplaçante étant de surcroît une promesse électorale à fort contenu communal qui peut être d’une aide dans cette campagne pour les municipales qui n’est pas tout à fait celle qu’escomptaient les dirigeants de Lalians Lepep.
Il faut savoir que c’est après avoir annoncé un candidat musulman au poste de président de la République en pleine campagne électorale et le constat d’un déficit de représentation que Ameena Gurib-Fakim a été désignée par la composante ML de l’alliance après le refus de l’ancien Chef-Juge Abdullah Ahmed.
Si c’est vrai qu’elle n’est pas, comme on dit, du sérail politique, elle a le handicap d’avoir été choisie en fonction de sa communauté. Tout comme le vice-président qui sera appelé à prendre la relève de Monique Ohsan-Bellepeau, nommé par Navin Ramgoolam. C’est à la télévision, à la veille des dernières élections, que SAJ avait annoncé que ce poste reviendra à un tamoul.
Si pour le poste de président, c’est fait, la course, elle, reste ouverte pour celui de vice-président. La bataille s’annonce en effet rude entre le retourneur de veste patenté qu’est Kadress PIllay qui est passé du MSM au MR, puis au MMM avant de devenir candidat travailliste battu en 2010 à Belle-Rose/Quatre-Bornes et repêché directeur du NEF en 2011 et se découvrir, à la veille du crutin de 2014, de nouveau, des affinités avec le MSM par le biais de son fils Neil, le socioculturel jadis proche de Navin Ramgoolam Menon Marday, candidat battu du MSM au No 13 et Kris Poonoosamy, ancien haut fonctionnaire qui avait présidé le controversé National Pay Council de Rama Sithanen.
Reste à savoir si tous ces nominés politiques resteraient à leurs fonctions si d’aventure la configuration changeait.

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