REHABILITATION YOUTH CENTRES (RYC)—DES OFFICIERS: « Inadmissible que les jeunes soient traités comme des détenus! »

Plusieurs incidents enregistrés au sein, surtout, du Rehabilitation Youth Centre (RYC) (Girls), ces derniers mois, ont poussé quelques officiers à monter au créneau. Optant, bien évidemment, pour l’anonymat, afin d’éviter d’éventuelles représailles, ces officiers, hommes et femmes, des maisons de redressement pour nos jeunes expliquent qu’ils se retrouvent «peu à peu dans un étau… D’une part, il y a nos conditions de travail qui empirent, à cause de la mentalité de certains hauts-gradés qui se croient tout permis, ou d’autres techniciens, affectés au ministère qui prennent des mesures sans connaître le travail sur le terrain et d’autre part, on a ces jeunes qui sont souvent mal traités, perçus même comme des détenus…» Au final : «les débordements de ces derniers temps ne nous étonnent pas du tout ! C’était même inévitable, voire prévisible…»
«C’est inadmissible ! Ena enn mentalite ki pa korek ni onorab ditou ki pe pratike dan bann RYC !» D’emblée, le ton est donné : ce groupe d’officiers est «très remonté envers certains de nos collègues qui pratiquent une attitude discriminatoire envers les jeunes enfermés dans ces RYC.» Ils continuent : «Nous avons pris un engagement quand nous avons commencé à faire ce travail. Il est vrai que ces jeunes ne sont pas des anges. Certains d’entre eux ont des comportements très difficiles, voire retors; d’où le fait qu’on les catalogue de « child beyond control », mais ce n’est pas pour autant qu’on doit les traiter tels des détenus !» Ces officiers, hommes et femmes, affectés aux deux Rehabilitation Youth Centres (RYC) disent «ne plus savoir vers qui nous tourner ! Cela fait tellement de temps que nous essayons de faire remonter ces doléances vers nos supérieurs hiérarchiques, mais, à un moment ou un autre, plus rien ne va…!»
Au « hit-parade » de leurs récriminations : «le mauvais traitement infligé aux jeunes qui se retrouvent dans ces centres de redressement.» Ils élaborent : «aucun jeune ne commet des bêtises par plaisir ! Nous avons, dans les RYC, des jeunes qui sont issus de foyers à problèmes : pères alcooliques ou toxicomanes; parfois ayant des casiers judiciaires chargés ayant été coffrés pour braquages ou autres délits; des mères célibataires abandonnées par leurs conjoints, qui ont peut-être eu maille à partir avec la loi pour avoir pratiqué le commerce sexuel ou pour d’autres raisons, possession de drogues, entre autres… Ce sont donc déjà des enfants vulnérables qui sont devenus des adolescents fragilisés par leur environnement social, familial et géographique.» Car, rappellent nos interlocuteurs, «la majorité de ces jeunes proviennent de régions sensibles. Nous ne voulons nullement stigmatiser tel ou tel quartier, mais force est de constater que ces jeunes, avant leur arrivée au RYC, sont exposés à des réalités auxquelles la grande majorité des jeunes ne sont pas confrontés !»
Certains officiers qui comptent plusieurs années de carrière précisent : «sa bann zenn-la, zot trouv, divan zot lizie sipa papa pe vann comprime, sirop, ladrog… Mama pe sorti ek sipa comie ti-copain… Zot lespri travay ! Ek, en mem tan, pa zot lafot, me zot pa konn lot realite apar sa…» Ce qui, selon ces officiers, «a mené ces jeunes soit vers l’alcool, les drogues ou le commerce sexuel. Ce sont ces déviances qui a fait qu’ils se sont retrouvés aux RYC !» Mais, «encore une fois, ce n’est pas pour autant qu’il faut les traiter comme la lie de la société ! Ces jeunes filles et garçons pourraient être nos enfants; nos soeurs et frères ! Alors pourquoi cette mentalité de « zot inn fer erer, bizin craz zot latet ! » Comme si que parce qu’ils ont fauté, ils ne méritent pas leur deuxième chance. Ce n’est pas juste.»
Ces officiers se disent «conscients que notre travail n’est pas une sinécure. Mais nous avons développé un certain attachement avec ces jeunes, et nous n’admettons pas qu’ils soient ainsi traités vulgairement et sans ménagement. Ils ne sont pas prisonniers ni détenus. Ce sont des êtres humains, qui vivent, chacun à sa manière, un drame… Pourtant, cela n’affecte nullement certains officiers ! Il n’y a qu’à entendre leurs commentaires parfois à l’égard de ces jeunes. C’est inadmissible et révoltant…»
Pour nos interlocuteurs, «ces jeunes, bien encadrés, si l’on respecte les protocoles qui devraient être en vigueur, avec les activités en extérieur, les thérapies individuelles ou de groupe, et soutenu par une attitude mêlant fermeté et sérieux, tout en les respectant comme les êtres humains qu’ils sont, peuvent être réhabilités. Ils ne demandent qu’une deuxième chance !» Ils font référence à diverses Ongs et travailleurs sociaux dont les compétences ont été requises à un certain moment «pour accompagner ces jeunes. Nous, comme officiers, avons certaines responsabilités. Mais nous n’avons pas toutes les compétences.» Cependant, expliquent-ils, «certains officiers sont allés faire du bourrage de crâne aux techniciens du ministère et, résultat, soit ces Ongs et travailleurs sociaux ne sont plus attachés aux RYC, soit nombre d’activités thérapeutiques ont été « cancelled ». Ce qui fait que ces jeunes passent ainsi le plus clair de leur temps à ne rien faire; alors qu’ils sont censés apprendre, s’instruire, pratiquer des disciplines artistiques, et autres.» Pour ces officiers rencontrés, «nous n’avons pas une grande formation, mais nous avons compris que pour que ces jeunes puissent retrouver une certaine dignité et leur place dans la société, il leur faut un tel accompagnement !»
Or, soutiennent nos interlocuteurs, «nombre d’officiers, surtout dans la hiérarchie, ne l’entendent pas de cette oreille… De fait, parfois, ils parviennent à « conditionner », « brainwash » de jeunes recrues des RYC et les convainquent que les jeunes qui se trouvent dans ces centres ne méritent ni respect ni attention… C’est une spirale dangereuse qui s’installe et nous en avons fait part à nos hiérarchies respectives.»
Ces officiers souhaitent, de même, «que la ministre Sheila Bappoo, qui a la responsabilité des RYC depuis 2005, quand ces institutions sont sorties de sous la férule de la prison, vienne en personne se rendre compte de ce qui se passe. Qu’elle nous prête une oreille attentive, car nous essayons par tous les moyens de faire remonter jusqu’à elle ces informations, mais la communication bloque…» Pour nos interlocuteurs, «plus le temps passe, plus la situation va s’envenimer !»

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