ALISON GAIQUIS : Une jeune fille exceptionnelle!

La cinquantaine de médailles et ses nombreux trophées et coupes, attestent de sa passion pour l’athlétisme. Alison Gaiquis, 14 ans, collégienne en Form III, n’est pas comme toutes les adolescentes de sa cité à Richelieu. Non qu’elle soit la seule de son quartier à briller en 800 et 3 000 mètres ainsi qu’en cross-country, mais malgré la précarité économique de sa famille, elle s’accroche à l’athlétisme. Dans un environnement où l’échec est plus courant que la réussite, où la rue offre des tentations non sans conséquence, Alison a fait son choix. Pressentie pour défendre les couleurs de Maurice aux prochains Jeux de la CJSOI à Djibouti, la jeune fille a besoin d’aide
Quand il a finalement trouvé l’astuce pour ranger les médailles d’Alison, l’athlète de la famille, Louis Dovick, avait planté 52 petits clous dans le support en bois, en forme d’arc qu’il a fixé au-dessus de la fenêtre du petit salon de la maison. «Je ne sais pas pourquoi, mais ce jour-là j’ai fixé 52 clous, pourtant Alison n’avait pas encore ramené ce nombre de médailles à la maison. Je savais que d’autres n’allaient pas tarder «, confie Louis Dovick, le compagnon de la mère d’Alison. En entrant dans la pièce, l’on pourrait ne pas prêter attention à cette installation, tant les médailles alignées ressemble à un rideau. A cité Richelieu, où vivent l’adolescente et sa famille, la maison est très étroite et chaque espace est occupé par des meubles et autres effets du foyer. Il faudra faire encore de la place pour d’autres médailles, coupes et trophées. «J’ai couru récemment et j’attends une autre médaille. Ce sera la 53ème», dit-elle, ou plutôt murmure l’adolescente de 14 ans, membre du Beau-Bassin Athletic Club. Une médaille en or? «Oui. J’ai terminé première Je cours vite», précise-t-elle en souriant. «Alison est une grande timide. Elle a toujours été ainsi. Elle est calme. On ne le dirait pas, mais elle était impatiente de recevoir Week-End. Elle est heureuse que la presse s’intéresse à elle», confie Nida André, la mère d’Alison, avant de se retirer du salon. «Si je reste à ses côtés, elle ne s’exprimera pas davantage «, explique la jeune femme.
Alison s’entraîne à améliorer son temps: 2m37. La petite reine des 800 mètres vise 2m35 pour pouvoir participer aux 9es Jeux de la Commission de la Jeunesse et des Sports de l’océan Indien, qui se tiendront à Djibouti en janvier prochain. Et vu sa progression, la jeune fille a de fortes chances de défendre le drapeau mauricien et de ramener une médaille d’or. La plupart de ses médailles sont de cette couleur. Mais ensemble toute: qu’elle soit en or, argent ou en bronze, pèsent lourd. «Il n’y a pas une coupe ou une médaille en particulier que je préfère. Je les aime toutes», dit la jeune fille. Chacune représente non seulement le prix de l’effort et de la passion pour l’athlétisme, mais aussi le prix du sacrifice. Alison Gaiquis est issue d’une famille très modeste, qui n’arrive pas toujours à lui donner ce dont elle a besoin pour pratiquer à bien sa discipline.
«Mo pou kontiyn galope tan ki mo kapav»
«J’aimerais devenir coach.» Le rêve d’Alison n’a rien de surprenant. Cela fait longtemps déjà depuis que l’adolescente a fait du stade de Réduit, son lieu de prédilection. C’est là-bas où elle s’entraîne les mardis, jeudis et dimanches qu’elle se sent bien, elle est dans son élément. Plus, elle se sent protégée. La sécurité et la tranquillité, c’est ce dont elle a besoin pour s’épanouir dans l’athlétisme. Il y a quelques mois, Alison a été agressée par un groupe d’adolescents qu’elle connaît bien. Ces jeunes fréquentent l’établissement où elle a, elle-même, été scolarisée pendant deux ans avant d’être admise au collège BPS (voir en hors-texte). Depuis, la mère de la jeune fille craint pour sa sécurité et qu’elle ne puisse plus courir. De son côté, Alison ne conçoit pas l’idée de ne plus courir un jour. Écarquillant ses yeux marron clair, pour exprimer sa certitude, elle affirme: «Mo pou kontiyn galope tan ki mo kapav.» Mais, plus tard, quand elle ne régnera plus sur les pistes, elle voudrait suivre les traces de Berty Juckreelall. «Il est plus qu’un entraîneur pour Alison. Il est comme son père. Elle lui doit beaucoup. Il est toujours à ses côtés pour la motiver», explique Nida André, visiblement reconnaissante. Et aussi les traces d’un certain Eric Milazar. «Il m’entraîne de temps en temps», ajoute Alison. Si elle veut être coach, elle a aussi une idée précise quant à sa vocation. «J’aimerais, dit-elle, intéresser les enfants de Richelieu à l’athlétisme.» Un peu plus tôt, elle confiait que le sport l’a préservée de la rue, surtout celles de sa cité.
Une fille qui a  souffert de la précarité, mais qui ne se plaint jamais
Dans son quartier, voire sa région, la jeune fille peut être considérée comme un modèle. Elle est la seule adolescente de la cité à crouler sous autant de médailles et trophées. «Nous sommes fiers d’elle!», disent d’une même voix Nida André et Louis Dovick. Quand on sait que dans la cité, de nombreux jeunes du même âge qu’Alison sont déscolarisés, déjà parents, oisifs, en situation précaire et d’échec, la jeune fille ne peut que susciter l’admiration de son entourage. Pourtant la vie n’a pas toujours été facile pour elle. Et même maintenant, elle doit composer avec les contraintes financières de sa famille recomposée. «Alison est une fille qui a beaucoup souffert de la précarité, dans laquelle elle a grandi. Mais, elle ne s’est jamais plainte. Elle n’a jamais été exigeante. Elle ne demande jamais rien Kan mo dir li ki mo pa kapav donn li enn kiksoz ki li bizin, li pa ankoler», confie sa mère. C’est la réaction qu’Alison a eu quand cette dernière a expliqué à sa fille qu’elle ne pourra pas remplacer ses chaussures de sport et lui offrir le matériel dont elle a besoin. «Cela fait un bon bout de temps depuis qu’un médecin m’a recommandé des fortifiants pour elle. Malheureusement ses conseils sont restés au stade de recommandation. Il y a des jours où on ne peut l’envoyer à ses entraînements, faute d’argent pour le transport. Mais la plupart du temps nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour ne pas priver Alison de l’essentiel. Mais ce n’est pas facile», confie encore Nida André.
Après avoir travaillé pendant de longues années dans une usine, la jeune femme connaît une période difficile et se retrouve sans emploi. Avec l’aide d’un club services, elle s’inscrit à une formation en coiffure. Après deux années d’apprentissage, Nida André décroche son certificat et reprend sa vie en main. Mais, malgré sa formation, elle peine à décrocher un emploi et s’est résolue à ouvrir sa porte à des clientes sporadiques de la cité. Avec un salaire d’environ Rs 10 000,  Louis Dovick, soudeur, est le seul à assurer les dépenses de son foyer. Pour arrondir ses fins de mois, il n’hésite pas à «bat bate kot ganye» pendant le week-end. Mais une fois les factures, le crédit, le prêt bancaire, les commissions etc réglés, «il ne reste plus grand chose!», affirme le chef de famille. Le moindre sou, ajoute Nida André, est consacré aux trois enfants. Il n’y a pas que les activités sportives d’Alison qui soient touchées par la situation financière de sa famille. La collégienne a aussi des faiblesses en français et doit impérativement prendre des cours particuliers. Nida André profite pour lancer un appel à ceux qui pourraient soutenir sa fille dans ses études.
«Personne ne doit me dépasser»
«Qu’importe notre situation l’éducation des enfants reste une priorité. Mo pa kapav get ban zenfan lor lari pa al lekol», ajoute Louis Dovick. Et sa compagne de poursuivre: «Je n’ai pas eu l’occasion d’avoir une éducation complète. Je ne sais pas lire et dois compter sur les autres. Je ne veux pas que mes enfants connaissent le même sort. Nous avons toujours encouragé Alison dans sa passion. Mais nous lui disons constamment que ses études sont tout aussi importantes.» En classe, Alison, fan de la fusée jamaïcaine Usain Bolt, est aussi douée pour le dessin (d’ailleurs elle a raflé un prix à un concours national) et se distingue toujours en éducation physique.
Alison Gaiquis veut aller loin. Si elle décroche son passeport pour Djibouti, elle sera très heureuse, certes, mais elle ne s’arrêtera pas  làpour autant et autres «Je voudrais participer aux prochains Jeux des îles de l’océan Indien», dit-elle. Entre deux confidences sur ses goûts musicaux et sa deuxième passion, le dessin, ce petit bout de femme raconte que quand elle court, elle est concentrée à bloc.  «Je me dis que personne ne doit me dépasser.»

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